Apprenti·es en suisse : pour des salaires et conditions de travail justes, halte à l'exploitation !

23.04.2024

Résolution approuvée lors de l’Assemblée des Délégué·es de la JS Suisse du 21 avril 2024 à Frauenfeld

La voie de formation duale en Suisse est unique et permet de combiner la pratique professionnelle et la formation scolaire pour se préparer au quotidien de la vie professionnelle. Cependant, cette voie de formation est souvent employée et promue au service d'intérêts capitalistes afin d'exploiter les apprenti·es comme une main-d'œuvre bon marché. Étant donné que les apprenti·es, même si elles et ils sont en formation, fournissent un travail important et que l'entreprise tire profit de leur travail, elles et ils devraient être rémunéré·es de manière financièrement juste. La réalité concrète révèle toutefois de nombreux problèmes. Il n'est pas rare que les apprenti·es se voient confier des tâches pour lesquelles elles et ils ne sont pas encore formé·es ou qui ne font pas partie de leurs attributions habituelles. Dans certaines circonstances, cela peut les mettre en danger, particulièrement dans le secteur de la construction. De plus, les salaires des apprenti·es sont très bas, et dans certains cas elles et ils doivent même travailler sans salaire. Dans certains secteurs, il faut même effectuer un stage peu ou pas rémunéré avant l'apprentissage, et ce sans même de garantie de trouver une place d'apprentissage par la suite.

Les recommandations de branche pour les salaires d'apprentissage sont effrayantes : pour diverses professions, elles sont inférieures à 500 CHF par mois en première année d'apprentissage[1]. Malgré un pourcentage élevé de travail en plus de leur formation professionnelle, les apprenti·es restent financièrement dépendant·es de leurs parents ou de tiers. Les personnes qui souhaitent commencer un apprentissage plus tard dans leur vie ou qui ne reçoivent pas de soutien financier de leurs parents courent le risque de s'endetter ou d'abandonner leur formation. Les bourses sont loin d'être garanties, car leurs montants n'ont pas été augmentés de manière appropriée ces dernières années et les personnes concernées doivent souvent les attendre longtemps[2]. Les salaires des apprenti·es sont trop bas, ils ne leur permettent même pas de subvenir à leurs besoins élémentaires. La formation ne doit pas être un luxe et doit être accessible à toutes et tous. Chacun·e, qu'elle ou il soit en formation ou à un poste fixe, mérite un salaire équitable. Il est donc temps d'introduire un salaire minimum de 1000 CHF pour les apprenti·es dans toute la Suisse !

Il est évident que 1000 CHF ne suffisent pas pour vivre. Comme les apprenti·es bénéficient d'une formation dispensée par l'entreprise, il peut être compréhensible qu'elles et ils reçoivent un salaire plus bas en première année d'apprentissage. Le salaire doit cependant aussi augmenter à chaque année d'apprentissage, car les apprenti·es ont besoin de moins en moins de formation et acquièrent de plus en plus de compétences. Mais se concentrer uniquement sur le salaire ne suffit pas dans la situation : de bonnes conditions de travail et de formation pendant l'apprentissage ne sont aujourd'hui pas du tout garanties dans toutes les entreprises formatrices. Différentes enquêtes menées auprès des apprenti·es le montrent : trop souvent, un encadrement adéquat n'est pas garanti, les temps de travail et de repos ne sont pas respectés et les conditions de travail et de formation sont insuffisantes. D'une manière générale, il faut retenir que les organes de contrôle auraient le devoir de vérifier les conditions de travail dans l'apprentissage et de garantir que les entreprises assument leurs responsabilités. La Confédération et les cantons doivent obliger ces organes de contrôle à renforcer les contrôles. L'apprentissage ne doit pas être un moyen d'exploiter les jeunes sans leur offrir une bonne formation.

Exploitation pour le profit de l'entreprise

Dans pratiquement tous les secteurs, les apprenti·es participent intensivement à la création de valeur. En 2009, le bénéfice annuel réalisé grâce aux places d'apprentissage en Suisse s'élevait à près de 500 millions de francs[3]. La plupart des apprenti·es sont exploité·es comme une main-d'œuvre bon marché, comme par exemple pour les peintres ou les installatrice·eurs-électricien·nes. Elles et ils rapportent en moyenne 10 000 CHF de bénéfice net par année d'apprentissage[4]. De plus, près de la moitié des coûts de formation sont déjà inclus dans les coûts salariaux[5]. De manière générale, de nombreuses personnes en formation doivent assumer de grandes responsabilités au sein de l'entreprise sans aucune garantie d'encadrement. Aujourd'hui, les salaires ne reflètent pas cette réalité.

En cas d'embauche à un poste fixe une fois l'apprentissage terminé, les entreprises n'ont pas à payer les frais d'initiation ni le processus d'appel d'offres[6]. Enfin, de bonnes conditions de travail pour les places d'apprentissage contribuent également à lutter contre la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Même si la majorité des entreprises tirent aujourd'hui en moyenne un bénéfice net des places d'apprentissage, il existe des entreprises qui ne pourraient pas se permettre de payer des salaires plus élevés aux apprenti·es. Pour éviter que ces places d'apprentissage ne disparaissent, la Confédération et les cantons doivent amortir l'introduction d'un salaire minimum par un fonds destiné aux petites entreprises concernées.

La situation est claire : les conditions de travail et les salaires ne sont pas satisfaisants pour les places d'apprentissage, bien que celles-ci constituent un élément central du système de formation suisse. L'exclusion de nombreuses places d'apprentissage des conventions collectives de travail renforce cette tendance. Il est donc nécessaire de lutter au niveau de la loi pour un salaire minimum pour les apprenti·es et pour de meilleures conditions de travail ainsi que leur contrôle.

La JS demande donc :

  • L'introduction d'un salaire minimum de 1000 francs par mois pour toutes et tous les apprenti·es de première année. Celui-ci doit augmenter de sorte à correspondre au salaire habituel dans la branche à la fin de la formation.
  • Une augmentation des contributions aux bourses et une simplification de l'accès aux bourses.
  • Des mesures pour également mieux augmenter les salaires des apprenti·es lors de la compensation annuelle du renchérissement.
  • Un taux d'encadrement minimum fixé par la loi pour les places d'apprentissage et un renforcement des contrôles dans les entreprises formatrices.

[1] Recommandations de branche : https://www.berufsberatung.ch/web_file/get?id=4270

[2] https://www.srf.ch/news/schweiz/chancengleichheit-stipendien-wie-die-schweiz-den-sozialen-aufstieg-bremst

[3] https://www.kmu.admin.ch/kmu/de/home/praktisches-wissen/personal/personalmanagement/personal-ausbilden/kosten-nutzen.html

[4] https://www.ehb.swiss/sites/default/files/obs_ehb_bericht_kosten-nutzen.pdf

[5] https://www.ehb.swiss/sites/default/files/obs_ehb_bericht_kosten-nutzen.pdf

[6] https://www.ehb.swiss/sites/default/files/obs_ehb_bericht_kosten-nutzen.pdf