Loi CO2 : Il faut une politique climatique pour les 99% et pas contre elles et eux !

23.02.2022

Résolution adoptée lors de l'Assemblée annuelle de la JS Suisse du 19 février 2022 à Berne

Toutes les politiques climatiques ne se valent pas. Aujourd'hui, la plupart des pays européens, dont la Suisse, mènent principalement une forme libérale de politique climatique. Pendant longtemps, cela voulait dire responsabilité individuelle et solutions technologiques. Mais ces dernières années, les puissant·es ont commencé à comprendre que les développements technologiques et leur adoption étaient trop lents pour pour atteindre les objectifs climatiques internationaux. Mais elles et ils savent également qu'une protection conséquente du climat remettrait en question leur pouvoir. Pour conserver leur privilège, il leur faut trouver une alternative entre le déni total et l'action conséquente. Elles et ils ont trouvé une pseudo-solution en se concentrant sur la consommation (notamment avec des mesures incitatives basées sur les coûts) et en appliquant la logique marchande à la décarbonisation.

Vous le savez sans doute, cela n'a pas suffi. Cette forme de politique climatique laisse les gros·ses pollueuse·eurshors de cause et reporte les coûts sur l'ensemble de la population. Malheureusement, la gauche institutionnalisée n'est jusqu'à présent pas totalement parvenue à sortir de cette logique. En raison notamment de l'urgence de la crise climatique, il lui a semblé inévitable d'accepter les compromis libéraux.

En juin 2021, ce type de politique climatique, axé sur la consommation et la responsabilité individuelles, a brutalement fait naufrage : la loi CO2 a été rejetée de justesse. Si elle avait été acceptée de justesse, cela n'aurait pas suffi non plus. La protection climatique, en particulier lorsqu'elle est aussi modérée, devrait en effet s'assurer une large majorité. Cela pose la question de ce qui, dans le contenu de la loi a motivé ce refus. Un moteur important du refus était l'argument que la loi mènerait à des coûts plus importants dans la vie quotidienne (prix de l'essence, taxe sur les billets d'avion). Pour beaucoup de gens, le message était clair : ce genre de protection climatique mène à ce que les 99% ne puissent plus se permettre certaines choses, tandis que les plus riches pourront toujours faire le tour du monde en jet. Même si nous savons que la loi sur le CO2 n'était de loin pas aussi antisociale que la campagne des opposant·es le laissait entendre, nous devons tirer la conclusion suivante : Si nous voulons mobiliser une importante majorité de la société en faveur de la transformation nécessaire de l'économie et de la société, il faut penser la protection du climat tout autrement. Qu'on en finisse avec les mesures qui font payer la crise climatique aux 99%.

En décembre 2021, le Conseil fédéral a présenté la faible nouvelle version de la loi sur le CO2. Celle-ci commet en grande partie les mêmes erreurs que sa précédente version, et fixe des objectifs ridiculement faibles. Concrètement, le projet de loi dans sa forme actuelle renforcerait la redistribution du bas vers le haut. La taxe sur le CO2 sur les combustibles fossiles serait à l'avenir encore moins redistribuée à la population, et serait à la place affectée à 50% au soutien financier du remplacement des chauffages et à la recherche et à l'innovation. Une fois de plus, toutes les entreprises seraient exemptées de la taxe CO2 si elles s'engagent à suivre une trajectoire de réduction modérée. Le système d'échange de droits d'émission permettrait également aux gros émetteurs de déroger à l'obligation de payer la taxe sur le CO2 pour rester compétitifs au niveau international. Pour ce faire, ils recevraient même des certificats gratuits de la Confédération, tout en profitant quand même de la redistribution de la taxe sur le CO2. Dans ce contexte, il n'est pas très étonnant que la place financière ne soit à nouveau soumise qu'à une obligation de déclaration En bref : la redistribution pour nous, les 99%, baisse par rapport à aujourd'hui, de sorte que nous devons payer pour la transformation, tandis que entreprises émettrices et la place financière sont épargnées. C'est une politique climatique contre les 99% !

Sous cette forme, la nouvelle loi sur le CO2 n'est pas une réponse à la plus profonde crise de notre époque. Il faut repenser la politique climatique ! Des investissements massifs sont nécessaires pour transformer notre mode de vie et de production rapidement et en profondeur. Mais ils ne doivent pas se faire sur le dos des 99%, car les 99% ne paieront pas pour cette crise ! Il faut aller chercher l'argent auprès de celles et ceux qui ont profité de ce système destructeur au cours des dernières décennies ! La protection climatique n'obtiendra la majorité nécessaire que si elle est faite de manière conséquente pour les intérêts des 99%. Le prochain projet d'initiative de la JS Suisse poursuit précisément ce but, et est ainsi la première étape vers une politique climatique pour les 99% !