System change not climate change – ce que la Suisse doit faire contre la catastrophe climatique : la prospérité collective au lieu du profit privé

16.06.2019

Adopté lors de l’Assemblée des Délégué-e-s du 16 juin 2019 à Sierre.

La crise climatique est l'une des plus grandes menaces de notre époque. La prévenir est une tâche ne pouvant être accomplie qu'en impliquant la société dans son ensemble. Il est donc nécessaire d’avoir un projet de société afin d’atteindre l'objectif de bilan net de CO2 nul d'ici 2030. La Jeunesse Socialiste Suisse (JSS) présente les mesures suivantes qui tiennent autant compte des composantes écologiques que sociales. Elles forment un cadre approximatif et loin d'être exhaustif. En outre, aucun acquis social ne doit être remis en question sous prétexte de la protection du climat. Les mesures présentées nécessitent d’importants investissements. C'est pourquoi la JSS propose de financer ces mesures au moyen d'une taxe climatique unique de 20% sur les actifs dépassant 2 millions de francs et d’un impôt sur les successions. Les conséquences financières et existentielles de la crise climatique dépassent les coûts de ces mesures et les justifient donc.
Le plan est structuré en trois sections : Mesures à court terme, à mettre en œuvre en très peu de temps afin d'éviter le pire. Mesures à moyen terme permettant d’atteindre l'objectif d’un bilan net nul d'ici 2030 tout en réduisant les inégalités présentes dans notre société. Et finalement, des idées pour une société sociale post-fossile en harmonie avec la nature et l'environnement.

A : Mesures à court terme.

La JSS exige que les mesures suivantes soient mises en œuvre dès que possible au court des 3 prochaines années, pour atténuer les conséquences de la crise climatique.

A.1 Accélérer la transition énergétique A.1.1 Fixer des objectifs concrets de développement des énergies renouvelables pour pouvoir remplacer les énergies fossiles d'ici 2030. La totalité de la consommation d'énergie doit être renouvelable d’ici 2030. Chaque année, au moins 10% des énergies fossiles actuelles doivent être remplacées par des renouvelables. A.1.2 Augmenter la capacité de stockage de l'énergie en utilisant les infrastructures existantes et en en construisant de nouvelles. Les énergies renouvelables entraînent certaines fluctuations. Afin de garantir l'approvisionnement, il est donc nécessaire de renforcer les capacités de stockage à une échelle appropriée. A.1.3 Encouragement de la recherche sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. A.2 Stopper l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre A.2.1 Pas de développement des infrastructures pour le transport motorisé individuel. Un élargissement d'autoroute entraîne une augmentation du trafic, ce qui entraîne aujourd'hui une augmentation des émissions. A.2.2 Pas de nouveaux prêts ni de garanties d'assurance aux entreprises nuisibles au climat. Aujourd'hui, des milliards sont encore investis dans des entreprises dont le modèle économique fonctionne grâce à des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre. A.2.3 Pas de nouveau chauffage au mazout. Les chauffages au mazout ont une durée de vie de 20 ans. Un chauffage construit aujourd'hui ne permet donc pas d'atteindre le bilan émission net nul dans les délais nécessaires. A.2.4 Interdiction de l'obsolescence programmée, garantie de réparation de 5 ans sur les appareils électroniques. Unification des prises pour appareils électroniques et électriques. L'obsolescence programmée, c'està-dire l’implémentation de fragilités visant à réduire la durée de vie et favoriser la vente de nouveaux produits, contribue au gaspillage des ressources. A.2.5 Taxe CO2 (également le kérosène) et redistribution de bonus climatique à la population. Une taxe sur le CO2 peut encourager les comportements à faibles émissions. La redistribution garantit que les plus gros-ses consommateurs-trices, c'est-à-dire les plus riches, paient plus et que les plus faibles financièrement n’en souffrent pas. A.2.6 Interdiction de construction de nouvelles places de parking en agglomération. Les agglomérations se composent des zones 50 km/h et moins. L’objectif est de dissuader l’utilisation de la voiture. A.2.7 Interdiction des vols nationaux. A.2.8 Les transports publics régionaux doivent être développés. Tous les moyens de transports publics doivent être utilisables gratuitement. Suppression des impôts sur le trafic ferroviaire national et international afin de faire baisser les prix des tickets. Seuls des transports publics de qualité et gratuits permettent de réduire le transport motorisé individuel. Les transports publics doivent être renforcés dans les centres-villes et les périphéries. A.2.9 Définir une trajectoire de réduction des émissions. Un calendrier est nécessaire pour réduire les émissions et atteindre un bilan net nul d'ici 2030. A.3 Coopération internationale

A.3.1 Participer à une coopération au développement antiimpérialiste, en faveur des peuples, axée autour de l'écologie.

A.3.2 Dévaluer les dettes des pays du Sud global Afin d’empêcher l'extraction de ressources pour rembourser ces dettes. Cela stoppe également les flux de capitaux vers le Nord global. Des ressources sont ainsi mises à disposition pour le développement durable. A.3.4 Soutenir davantage le Fonds vert pour le climat. L'engagement du Fonds vert pour le climat (GCF) en faveur de l'adaptation et de la résilience des pays et des groupes de population les plus vulnérables est d'une importance capitale pour la Suisse. Les statuts du cadre de coopération mondiale stipulent que 50 % des ressources doivent être allouées à des projets d'adaptation et 50 % aux pays les plus vulnérables. Cela tient particulièrement compte des pays les moins avancés, principalement en Afrique, et des petits États insulaires. A.3.5 La Suisse s'engage au niveau de l’ONU pour un accord juridiquement contraignant international sur le climat. Les exigences des accords précédents vont dans la bonne direction, mais tant qu'elles ne sont pas contraignantes, les États peuvent ne pas les respecter. A.3.6 Interdiction du commerce d’émissions. A.4 Réduction à court terme du CO2 dans l'atmosphère A.4.1 Planter 100 millions d'arbres. Cela permettrait de retirer de l'atmosphère environ autant de CO2 que n'en émet la Suisse en 3 ans. En outre, la production de bois de chauffage augmentera, ce qui permettra de remplacer les chauffages au mazout. A.4.2 Renaturalisation des terres pour augmenter la capacité de stockage de CO2. Les terres naturelles et seminaturelles peuvent absorber plus de CO2 que les terres cultivées. Les terres doivent donc, dans la mesure du possible, être revitalisées ou renaturalisées (p. ex. tourbière). A.4.3 Revendication pour des infrastructures vertes. A.5 Réduire la consommation de viande. A.5.1 Revendiquer des offres véganes et végétariennes dans les cantines publiques. La production de produits d’origine animale est l'une des principales raisons de l'augmentation des gaz à effet de serre.

B : Mesures à moyen terme

Ces mesures préparent notre société à une ère post-fossile et créent les conditions sociales et économiques nécessaires à celle-ci. Elles doivent en conséquence être mises en place aussi vite que possible, mais au plus tard avant 2030.

B.1 Société à faible consommation d'énergie B.1.1 Construction de logements d’utilité publique. Les appartements d’utilité public nécessitent moins d'espace, ce qui signifie qu'ils ont besoin de moins d'énergie pour les chauffer. B.1.2 Interdiction des combustibles fossiles à partir de 2030, en dehors des domaines dans lesquelles ils ne peuvent être remplacés (urgences médicales, recherche scientifique...) Nous devrions laisser autant de combustibles fossiles que possible dans le sol. À partir de 2030, une interdiction sera obligatoire dans tous les domaines, sauf pour les utilisations spécifiquement justifiées et irremplaçables. Ce n'est qu'en réduisant considérablement l'utilisation des combustibles fossiles à un niveau proche de zéro qu'il sera possible d'atteindre les objectifs de réduction nette de CO2 d'ici 2030. B.2 Les gens plutôt que le profit B.2.1 Démocratisation du système financier. Par le biais des investissements et des prêts, le système financier influence considérablement la façon dont les technologies et la société se développent. Grâce à un contrôle démocratique des flux financiers, ce seront les projets socialement significatifs qui seront financés, et non plus les projets dégageant les plus grands profits privés possibles. B.2.2 Promotion des biens communs. Les biens communs sont des ressources, des activités et des services qui sont utilisés collectivement, solidairement et démocratiquement. Ils permettent de réduire la consommation de ressources, puisque ces biens peuvent être partagés. B.2.3 Exigence d’une économie circulaire. L'économie circulaire doit mettre en place des modèles dans lesquels le moins possible de déchets sont produits, les processus sont pensés en cercle et donc les ressources nécessaires sont utilisées de manière sensée. Le recyclage, le design de matériaux et de processus est ici central. B.2.4 De nouvelles places de travail pour les employé-e-s des industries liées aux énergies fossiles. Il y a, aujourd'hui, des métiers qui ne sont pas compatibles avec un avenir neutre en émissions. Une alternative doit être proposée à celles et ceux occupant ces positions, afin qu’elles et ils ne perdent pas leur moyen de subsistance. Cela peut être réalisé à travers la reconversion professionnelle ou une offre d’emploi public. B.3 Agriculture durable B.3.1 Promotion d'une agriculture régénérative. L'agriculture est un facteur important de réduction des émissions. En préservant les sols, ces derniers peuvent capturer plus de CO2. Cette manière de faire est, toutefois, plus coûteuse que les méthodes agricoles conventionnelles et nécessite donc un soutien. B.3.2 Démocratiser les grossistes. Les grossistes décident ce qui se trouve sur nos étagères et ce que nous pouvons acheter. Grâce à un contrôle démocratique, l'offre ne sera plus orientée vers le profit, mais vers le bien-être de la société et de l'environnement. B.3.3 La production locale avant le marché international. Réduire les émissions dues au transport et au stockage via une production et une consommation locales. La valorisation reste également dans la région et crée ainsi des emplois. L'augmentation des droits de douane sur les marchandises importées signifie que les produits locaux et nationaux sont consommés en premier, que les déchets alimentaires sont réduits et que la sécurité de l'approvisionnement est accrue. B.3.4 Interdiction de l’élevage industriel. La production de produits d’origine animale est l'une des principales raisons de l'augmentation des gaz à effet de serre. Concernant l’élevage industriel, des conditions de vie non éthiques s’y ajoutent. B.3.5 Réduire ou supprimer les subventions pour l’agriculture néfaste au climat, et introduire un quota maximal pour la production de produits alimentaires d’origine animale, avec un accent spécifique mis sur les bovidés et l’industrie laitière, B.4 Mobilité B.4.1 Extension massive du réseau de transport public Les transports publics doivent partout devenir une alternative acceptable aux transports privés motorisés. B.4.2 Extension du réseau de trains de nuit et rendre ce dernier plus attractif d’un point de vue tant financier qu’horaire. Un vaste réseau de trains de nuit est un substitut durable aux vols court-courriers nuisibles au climat. Des incitations financières et temporelles, comme par exemple des vacances mieux adaptées, sont destinées à rendre les voyages en train plus attrayants. B.4.3 Réduire la capacité des routes. Le volume du trafic est fortement lié à la capacité des routes. En développant les transports publics, cette dernière peut être réduite, sans toutefois restreindre la mobilité des personnes. B.4.4 Villes et centres des villages sans voiture. De cette manière le trafic sera réduit et la qualité de l’air améliorée, tout en favorisant les producteurs-trices locaux-ales. Les transports publics doivent être développés afin que chacun-e puisse se passer d'une voiture. Des exceptions seront prévues pour les commerces et les urgences. En outre, la pénurie d'émissions est beaucoup trop courte. Les voitures électriques présentent presque tous les inconvénients des voitures à moteur à combustion interne (encombrement important, embouteillages, risques d'accidents, etc.). La demande de ressources et l'exploitation de l'homme et de la nature qui en découle dans les pays du Sud pour l'automobile est également extrêmement élevée. B.4.5 Pas de voitures avec moteur à combustion à partir de 2030 Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro jusqu’à un bilan net nul, l'interdiction des moteurs à combustion est inévitable. B.4.6 Interdiction des vols court- et moyencourriers, sauf en cas d'urgence médicale. B.4.7 Développement des pistes cyclables et chemins piétons aux dépens des parkings publics. B.5 Sécurité social B.5.1 Transformation du système de sécurité sociale pour qu’il devienne indépendant de la croissance. Création d'un système de pension populaire. Les caisses de pension investissent de l'argent dans des afin d'obtenir la pension nécessaire. Dans une société durable, les systèmes ne peuvent dépendre d’une croissance éternelle pour fonctionner, car la croissance économique et la consommation des ressources sont aujourd’hui encore plus qu’étroitement liées.. C'est pourquoi nous devons construire des systèmes de sécurité sociale ne dépendant pas de la croissance économique. B.6 Bilan nul d’ici 2030 B.6.1 Remplacer le frein à l’endettement par le frein aux émissions. Une Suisse sans dette sur une planète détruite ne nous apportera rien et n’apportera rien aux générations futures. Nous ne voulons pas, ainsi que l’exige le frein à l’endettement, ne pas dépenser d’argent en période de prospérité, mais nous voulons aussi investir de l’argent dans ces périodes-là afin de combattre le changement climatique. Le frein aux émissions exige que des mesures supplémentaires soient prises si les objectifs de la trajectoire de réduction ne sont pas atteints B.7 Protection internationale du climat B.7.1 La Suisse s'engage de manière contraignante à atteindre un objectif de 1,5°. Le GIEC recommande de ne pas viser un réchauffement global de 2°C, mais un maximum de 1,5°C. Le scénario à 2 degrés échappe à toute recherche scientifique et a été adopté principalement pour des raisons économiques. En le limitant à 1,5 degrés, on pourrait éviter bon nombre des conséquences dévastatrices du scénario à 2 degrés. B.7.2 La Suisse s'engage à ce que la destruction et la pollution du climat puissent faire l’objet de poursuites judiciaires à l’international, et s’engage à des poursuites d’office dans son territoire intérieur. Certaines entreprises dégagent d'énormes profits en détruisant la nature et l'environnement. Les dégâts causés par des catastrophes sont entièrement pris en charge par les populations locales. Cela doit changer pour que celles et ceux qui se sont, des années durant, enrichi-e-s au détriment de l'environnement puissent être tenus responsables. B.7.3 La catastrophe climatique doit être reconnue comme un motif de fuite. L'élévation du niveau de la mer, les sécheresses et les catastrophes naturelles pousseront des millions de personnes à quitter leur foyer au cours des prochaines décennies. Nous devons donner refuge à ces gens.

C : Long terme

Ces mesures et ces objectifs visent à garantir à tous et toutes une vie de qualité, dans une société ne dépendant plus des énergies fossiles et n’étant plus basée sur l'exploitation de l’environnement et des personnes.

C.1 Autodétermination C.1.1 Démocratie économique et abolition de la propriété privée lucrative. Une société ne peut s’autodéterminée que si les besoins des gens passent avant les profits privés de quelquesuns. Sans contraintes de rendement économiques, il n'est pas nécessaire d'exploiter la nature et l'environnement. C.2 Une vie de qualité pour tous et toutes C.2.1 Réduction radicale du temps de travail pour un salaire inchangé. Le temps de travail ne doit plus dépendre de temps qu’il est possible de travailler, mais de ce qui est nécessaire. Cela évitera la surproduction et le gaspillage de ressources. C.2.2 Aménagement de lieux et d'espaces communs. La vie sociale doit devenir l’un des aspects les plus importants de notre société. Les espaces et les institutions communs préservent les ressources. C.2.3 Réduire les distances de travail. Plus les distances de travail sont courtes, moins d'énergie est consommée. C'est également un luxe social de se rendre au travail en 5 minutes à pied et de ne pas être coincé 2 heures par jour dans des embouteillages. C.2.4 Revaloriser le travail du « care » dans notre société Le travail du « care », c'est-à-dire les soins, la prise en charge de personne, est essentiel pour la conservation de notre société et mérite une plus grande reconnaissance. Ces travaux sont également peu gourmands en ressources et préservent la nature et l'environnement.

Ce plan est une étape intermédiaire et doit être adapté en fonction des nouvelles connaissances scientifiques ou de l'évolution de la situation initiale par décision de l'Assemblée des Délégué-e-s.