Résolution adoptée lors de l'assemblée des délégué·es de la JS Suisse du 17 mai 2025 à Sierre (VS)
Les féminicides sont la forme la plus extrême de violence patriarcale en même temps que la pointe d’un iceberg bien plus vaste. En Suisse, une femme est assassinée en raison de son genre toutes les deux semaines. En 2025, le taux de féminicides a déjà doublé au cours du premier tiers de l’année par rapport à la moyenne de l’année précédente : 12 femmes sont déjà mortes des causes de la violence patriarcale[1]. C’est une augmentation massive des violences patriarcales fatales, et ce sans même inclure les cas non recensés. Dans le même temps, les cas de violences sexistes et sexuelles continuent également d’augmenter[2].
La violence patriarcale fait système
Les féminicides ne sont pas des exceptions singulières mais l’aboutissement le plus violence de la violence patriarcale. Le carburant de ces violences est la misogynie : la dévalorisation omniprésente et systématique des personnes FINTA ouvre la fois aux abus verbaux, psychique, psychologiques et sexuels contre elles[3]. Contrairement par exemple à l’Espagne, le terme de "féminicide" n’a toujours pas de définition juridique claire en Suisse et n’est mentionné dans aucune loi. La violence contre les personnes FINTA est ainsi fréquemment représentée comme un « drame familial » ou des « tensions relationnelles », ce qui amène à la minimiser et l’invisibiliser.
Les féminicides ne sont pas des actes irréfléchis et soudains mais généralement l’issue d’une "relation" déjà marquée par la violence et une hiérarchie de pouvoir. La majorité des victimes de féminicides connaissent leur assassin, qu’elles soient filles, conjointes, amies ou son ex-amies[4]. Les féminicides ont lieu dans des moments où les victimes cherchent à se séparer de l’auteur, à se défendre, à revendiquer leur droit à l’indépendance ou à chercher de l’aide. Ce faisant, elles échappent au contrôle et au pouvoir de l’auteur, qui recourt alors au féminicide comme un moyen de parachever leur emprise et leur droit de vie et de mort sur leur victime. Les personnes qui cherchent de l’aide dans une situation de violences patriarcales doivent faire face à du gaslighting et du victim blaming ; elles ne sont souvent pas prises au sérieux et leurs propos sont remis en doute ou pathologisés, particulièrement lorsqu’elles recherchent de l’aide tôt dans le processus. Les auteurs manipulent à dessein la manière de caractériser et percevoir la réalité, recevant pour ce faire le soutien du système. La police, la justice et les services sociaux reproduisent ces dynamiques lorsqu’ils refusent de croire la parole des victimes ou font peser sur elles la responsabilité des violences qu’elles ont subies. Ces structures non seulement poussent les victimes à se taire et rester dans le silence mais normalisent également les violences. Une protection effective sera impossible tant que le gaslighting et le victim blaming ne seront pas reconnus et activement combattus au niveau institutionnel.
Les problèmes structurels nécessitent des solutions structurelles !
Dans la lutte contre les violences patriarcales, les victimes se voient souvent attribuer la responsabilité de leur protection insuffisante et des violences qu’elles ont subies. Cette pratique, le victim blaming, dissipe et occulte complètement la responsabilité des auteurs, des autorités politiques et de la société. Le milieu politique doit se saisir du sujet pour que les violences patriarcales et sexistes puissent réellement être combattues.
Dans ce but, les auteurs doivent être placés face à leur responsabilités par le biais de travail spécifique ou de prévention. Ce travail sur eux-mêmes ne doit pas être une option supplémentaire à choix mais une étape obligatoire du système pénitentiaire et des peines probatoires. L’accent doit y être mis sur la réflexion sur les structures de pouvoir, la masculinité toxique et la réduction des comportements violents. Les programmes de travail sur les auteurs doivent être englobants et accessibles, y compris préventivement avant que des violences physiques aient été commises. Leur financement ne doit pas être fait sur le dos des victimes ou des institutions sociales.
Pour lutter contre les violences patriarcales, il est nécessaire que la Confédération, les cantons et les communes investissent davantage de moyens financiers. Les groupes marginalisés sont souvent les premiers touchés par les politiques d’austérité bourgeoises. Les prestation à destination des personnes FINTA en particulier subissent des coupes ou des privatisations, alors que le budget de l’armée est augmenté d’un milliard en parallèle. L’argent doit être redirigé vers la protection, la prévention et l’égalité plutôt que d’aller cimenter encore davantage les structures patriarcales.
Pour protéger les victimes, il faut des infrastructures !
Les hébergements d’urgence pour les victimes de violence sont souvent remplis, sous-financés et inégalement répartis sur le territoire. Il est nécessaire de développer massivement ces infrastructures de protection afin que chaque personne touchée puisse trouver un lieu sûr à chaque fois qu’elle en a besoin, quel que soit son statut de séjour, son revenu ou son lieu d’habitation. Les numéros d’urgence et les services d’assistance doivent être accessibles 24 heures sur 24, sans barrières à l’accès et en plusieurs langues. De plus, il faut mettre en place une offre anonyme pour les personnes dans des situations de danger mais pas en mesure de fuir. Le travail sur les auteurs doit impérativement être intégré à ce système : en l’absence d’une intervention sur la partie responsable des violences, les abus ne pourront que se répéter, que ce soit dans les mêmes conditions ou de nouvelles. Des programmes de prévention doivent également être mis en œuvre dans les écoles, les centres de jeunesse et la formation professionnelle. La prévention de la violence relève de la formation politique, et est donc de la responsabilité de l’État.
La JS Suisse demande donc :
- La mise en œuvre immédiate de la Convention d’Istanbul ;
- La création d’une loi dédiée à la lutte contre les violences sexistes et basées sur le genre ;
- Des programmes complets de prévention et de protection à l’échelle nationale et cantonale ;
- Une définition légale du féminicide et la collecte de données statistiques sur la question ;
- Un travail complet et obligatoire sur et avec les auteurs avec une orientation féministe ;
- Le développement massif des hébergements d’urgence pour les femmes et des centres de consultation et d’assistance ;
- Une large campagne de sensibilisation contre les violences patriarcales, le gaslighting et le victim blaming — dans les médias, les écoles, la police et la justice.
[1] Recherchekollektiv Stop Femizide (2025): «Femizide in der Schweiz». https://www.stopfemizid.ch/deutsch#de1 (consulté le 10/04/2025).
[2] Office fédéral de la statistique (2025) : « Violence sexualisée ». https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/criminalite-droit-penal/police/violence-sexualisee.html (consulté le 10/04/2025).
[3] Frieda : « Schutz vor Gewalt ». https://www.frieda.org/de/topics/schutz-vor-gewalt (consulté le 10/04/2025).
[4] Spigiel und Hertel (2023) : « Täterarbeit: In die Krise rein ». https://www.bpb.de/themen/gender-diversitaet/femizide-und-gewalt-gegen-frauen/524191/taeterarbeit-in-die-krise-rein/ (consulté le 10/04/2025).