La politique d'asile de Beat Jans trahit les valeurs social-démocrates : Pour une vie digne pour toutes et tous avec des perspectives plutôt que des expulsions !

31.07.2024

Résolution approuvée lors de l’Assemblée Annuelle extraordinaire de la JS Suisse du 29 juin 2024 à Soleure

Les crises multiples du monde poussent de plus en plus de personnes à la fuite. Le nombre de requérant·es d'asile en Suisse a augmenté de 5712 en 2023 par rapport à l'année précédente et ce sont ainsi environ 30 223 personnes qui ont demandé l'asile en Suisse sur cette période[1]. Le droit à l'asile est systématiquement nié en Suisse : le nombre d'expulsions a augmenté par rapport à 2022, et ce sont 3720 personnes qui ont été expulsées de force vers un État tiers ou un État Dublin. En tout, le nombre de départs a augmenté de 45,8 % par rapport à 2022 (ibid.). La décision du Département fédéral de justice et police (DFJP) en novembre 2022 a eu pour conséquence la suspension des programmes de réinstallation à partir d'avril 2023 et le gel des nouvelles admissions jusqu'en 2024 (ibid.). Dans le même temps, le Conseil fédéral a décidé fin février de cette année de débloquer 300 millions de francs pour le Border Management Visa Policy Instrument Fonds (BMVI) pour la contribution au financement du renforcement des frontières extérieures de l'Europe dans le cadre de la réforme du Régime d'Asile Européen Commun (RAEC)[2].

À la tête de cette politique migratoire restrictive se tient le ministre socialiste de l'asile Beat Jans. Il se félicite du verrouillage de l'Europe — on aurait ainsi moins de problèmes à nos propres frontières. La contribution suisse à l'érosion du droit d'asile au niveau européen sert donc également la politique nationale de limitation de l'immigration. Les conséquences en sont désastreuses : comme le décrit une enquête du Rundschau[3] de 2021, les personnes sont maltraitées par les régimes frontaliers et "littéralement jetées hors de l'UE".

Réforme du Régime d'Asile Européen Commun (RAEC) — Une légalisation de ce qui était jusqu'ici illégal

La réforme du RAEC a été discutée fin 2023, et le parlement européen a adopté le 10 avril un pacte d'une inhumanité sans précédent. Une grande partie du groupe socialiste a trahi les droits humains et approuvé la réforme[4]. Le nouveau pacte du RAEC signifie une nouvelle extension du régime européen d'asile et de répression. D'ici 2026, l'UE veut installer à ses frontières extérieures des camps où les personnes en fuite passeront par une procédure accélérée menant au refus de leur demande d'asile. Même les enfants doivent pouvoir être parqués dans de tels camps, sans formation ni donc de bonnes perspectives de vie. Les données des personnes en fuite doivent être systématiquement enregistrées et stockées dans une base de données européenne dans le cadre de soi-disant procédures de suivi. Les personnes doivent se soumettre à des contrôles de santé déraisonnables et à des interrogatoires et examens intrusifs — sans assistance juridique[5] ni exception pour les enfants ou les personnes particulièrement vulnérables.

De tels camps ou soi-disant "hotspots" existent déjà en Grèce, où de nombreuses personnes sont rejetées en Turquie après le refus de leur demande d'asile.

En plus des camps, les exigences en matière de sécurité dans les pays tiers vont être fortement réduites et les demandes des personnes passées par des pays tiers "sûrs" rejetées si elles ont une "connexion raisonnable"[6] avec le pays tiers. On le voit avec l'exemple de la Turquie, qui a certes signé la Convention de Genève sur les réfugié·es mais fait des exceptions géographiques. Par exemple, les Afghan·es ou les Syrien·nes sont expulsé·es de la Turquie car celle-ci ne reconnaît pas les réfugié·es de ces pays[7].

Régime migratoire raciste en Suisse

La Suisse a ses propres plans pour saper le droit à l'asile. En avril, la Commission des institutions politiques a approuvé une motion PLR de Petra Gössi visant à expulser les Érythréen·nes à travers un État tiers[8]. Cela correspond au plan Rwanda britannique, critiqué par de nombreuses instances, contraire au droit international[9] et rapidement adopté malgré tout.Depuis, d'innombrables rafles et arrestations arbitraires ont été menées dans le but d'expulser environ 5700 Érythréen·nes vers le Rwanda d'ici la fin de l'année. La Suisse s'engage maintenant sur une voie similaire, et il faut l'éviter à tout prix !

Les principales·aux responsables la haine contre les personnes en fuite en Suisse sont l'UDC. En mai 2024, le parti a lancé son initiative dite de "protection des frontières". L'initiative demande que des contrôles systématiques soient réintroduits aux frontières du pays. Dans le même temps, les demandeuse·eurs d'asile en provenance d'un "pays tiers sûr" ne doivent plus pouvoir entrer dans le pays. Comme la Suisse est entourée de "pays tiers sûrs" selon la définition du Conseil fédéral, l'UDC veut refuser à la plupart des demandeuse·eurs d'asile le droit de déposer leur demande en Suisse. Par ailleurs, elle veut aussi légaliser les renvois directement à la frontière sans examen individuel des cas[10]. Il s'agit clairement d'une attaque raciste contre le droit d'asile !

Le Conseiller fédéral socialiste Beat Jans trahit les valeurs social-démocrates avec sa politique d'asile

Beat Jans, le ministre socialiste de l'asile fraîchement élu, ne fait rien pour contrer la haine de la droite, au contraire : il contribue largement à la politique d'asile répressive. Moins de 100 jours après son entrée en fonction, il était clair que la politique d'asile de Jans ne correspondait pas aux valeurs social-démocrates. Il a déclaré dans une interview à la SRF : "Nous voulons cependant garantir jusqu'au bout que nous donnons aux vrais réfugiés la possibilité d'obtenir l'asile chez nous, conformément à la convention sur les réfugiés". Mais la Convention de Genève relative au statut des réfugiés ne reconnaît que quelques motifs de fuite individuels et la guerre par exemple n'en fait pas partie.

Il est indigne d'un représentant du PS que, s'agissant de la vie d'êtres humains, Jans catégorise des personnes entre "vrais" et "faux" réfugies. Il qualifie l'accord de l'UE sur les nouvelles règles en matière d'asile et de migration de "jalon historique" et de "grand progrès" du point de vue de la Suisse. Cette position s'exprime également dans ses actes : il souhaite ainsi introduire la procédure d'asile de 24 heures et expulser encore plus de personnes le plus rapidement possible. Ces procédures sont extrêmement problématiques et nous les critiquons vivement en tant que JS.

Des procédures aussi courtes ne permettent pas réellement d'évaluer une situation dans son ensemble et font peser une pression extrême sur les personnes concernées. Malgré la garantie d'une représentation juridique, celle-ci est rendue très difficile par la brièveté de la procédure. De plus, une procédure-type est appliquée de manière générale à un groupe de personnes sans évaluation préalable pour savoir si cette procédure est réellement appropriée pour juger du cas concret. Une telle réglementation comporte un risque élevé de violation des garanties de procédure des droits fondamentaux. Elle entraîne un profilage racial, encore plus de racisme et de discrimination.

Un Conseiller fédéral socialiste qui préfère cacher des personnes dans des camps d'internement aux frontières de l'UE plutôt qu'assumer la responsabilité de la Suisse vis-à-vis d'elles ne représente pas nos principes. Le slogan du PS pour les élections 2023 était "Nous prenons parti". On pourrait donc s'attendre de la part d'un Conseiller fédéral PS qu'il "prenne parti" pour les personnes les plus vulnérables et pas pour des projets inhumains comme la réforme du RAEC.

Il est clair pour la JS Suisse qu'il est inacceptable de mener une politique d'asile aussi inhumaine, déjà pour la Suisse mais d'autant plus pour un Conseiller fédéral socialiste. Nous devons assumer nos responsabilités et faire tout en notre pouvoir pour fournir la protection nécessaire aux personnes en fuite jusqu'à ce que nous soyons parvenu·es à un monde où plus personne n'aura besoin de fuir.

Suivant notre papier de position No Borders, No Nations et notre résolution Stop à l'instrumentalisation par la droite de la détresse des personnes en fuite, la JS en appelle aux instances suivantes :

Au Parlement suisse :

  1. Extension du programme de réinstallation pour les personnes particulièrement vulnérables à 10 000 personnes
  2. Que personne ne soit expulsé vers des pays tiers comme Rwanda et que le droit international ne soit pas violé
  3. Que les grandes entreprises suisses soient enfin tenues responsables de leurs tribulations dans les pays dits du Sud global. Elles doivent être amenées devant la justice pour leurs infractions aux droits humains.
  4. Que les réfugié·es aient un accès sans complications au marché du travail suisse ou à une formation (ou perfectionnement) avec les bourses nécessaires
  5. Que soit reconnu le statut de réfugié·e des personnes qui ont transité par des États tiers avant leur arrivée en Suisse

À l'État Suisse dans ses négociations au niveau européen :

    1. D'utiliser sa place d'observatrice pour s'opposer à la réforme prévue du RAEC
    2. De ne plus verser un franc pour le Border Management Visa Policy Instrument à la prochaine échéance (2027)
    3. Pour le renforcement du droit à la mobilité : toutes les personnes qui reçoivent une protection internationale doivent pouvoir circuler librement dans l'espace européen dès la reconnaissance de leur statut.

Au Conseiller fédéral PS et ministre de l'asile Beat Jans :

  1. De retirer la procédure en 24 heures contre les personnes des pays nord-africains qu'il a déposée
  2. De cesser immédiatement l'antagonisassions de certains groupes de population, particulièrement ceux en cours de migration depuis les pays d'Afrique du Nord
  3. D'envoyer une mission suisse de sauvetage maritime en Méditerranée
  4. De procéder au traitement rapide des requêtes d'asile des réfugié·es afghan·es
  5. De faire en sorte que les demandeuse·eurs d'asile mineur·es non accompagné·es soient pris·es en charge de manière appropriée dans toute la Suisse
  6. D'améliorer les conditions d'asile en Suisse, en passant notamment par une offre de formation gratuite ainsi qu'un personnel formé en nombre suffisant et une meilleure protection des personnes FLINTA dans les centres d'asile

[1] Asile : statistiques de 2023 — SEM

[2] https://www.woz.ch/taeglich/2024/03/05/millionen-fuers-eu-grenzregime-bringts-ein-referendum

[3] https://www.srf.ch/news/international/pushbacks-an-eu-grenze-video-beweis-kroatische-polizisten-pruegeln-migranten-aus-der-eu

[4] https://www.proasyl.de/news/europawahl-das-sagen-die-parteien-zum-fluechtlingsschutz/

[5] https://www.woz.ch/2405/gemeinsames-europaeisches-asylsystem/licht-ins-wirrwarr-der-paragrafen/!Q4SR0EY1X1NZ

[6] Explication par la Wochenzeitung (WOZ) : si des personnes ont un lien "raisonnable" avec un pays tiers, leur demande n'est pas recevable et elles peuvent y être expulsées. Le simple transit par un pays ne suffit pas, mais la migration de fuite ne se fait généralement pas par la voie la plus rapide.

[7] https://www.proasyl.de/news/geas-reform-im-eu-parlament-historischer-tiefpunkt-fuer-den-fluechtlingsschutz-in-europa/ (exemple 2)

[8] https://www.srf.ch/news/schweiz/abschiebungen-nach-ruanda-nationalratskommission-will-asylsuchende-in-drittstaat-abschieben

[9] https://www.nytimes.com/2024/04/23/world/europe/uk-rwanda-policy-explained.html

[10] https://www.tagesanzeiger.ch/grenzschutzinitiative-neue-svp-initiative-fordert-fluechtlingsobergrenze-195111059477