Dépasser le débat sur les exportations d’armes, cessera d’alimenter la guerre d’agression de Poutine !

04.05.2023

Résolution approuvée lors de l’Assemblée des délégué·e·s de la JS Suisse du 22 avril 2023 à Saint-Gall (SG)

Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Depuis, cette guerre d’agression a donné lieu à un grand nombre de débats au sein de la gauche. En raison de l’asymétrie des forces en présence, l’une des premières questions à s’être posée en pratique était celle des exportations de matériel de guerre.

La JS Suisse reconnaît le droit de l’Ukraine à s’autodéfendre et donc la légitimité des exportations de matériel de guerre à sa destination. Une absence de soutien militaire à l’Ukraine aurait eu pour conséquence une victoire rapide de la Russie, ce qui aurait envoyé un signal catastrophique au niveau international : les puissances autoritaires pourraient donc impunément envahir un pays voisin, sans rencontrer de résistance de la part de la communauté internationale. Cela aurait eu un impact désastreux pour la paix dans le monde. De plus, Poutine ne veut pas « simplement » conquérir des territoires en Ukraine ou mettre la main sur des matières premières, il cherche à détruire la société ukrainienne. En témoigne la déportation de milliers d’enfants ukrainien·nes par la Russie – crime de guerre pour lequel la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt international contre Poutine – ou encore les violences systématiques à l’égard des civil·es lors de prises de villes par l’armée russe. Face à l’oppression et la violence, ne pas soutenir activement les opprimé·es, revient à prendre position pour l’oppresseur. Une position pacifiste radicale, qui tendrait à vouloir que la guerre se termine au plus vite peu importe l’issue, est donc indéfendable dans ce contexte.

Mais est-ce que cela signifie que la Suisse devrait-elle aussi exporter des armes à destination de l’Ukraine ? La Suisse est un cas à part : la question des exportations de matériel de guerre a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années et la gauche est parvenue à arracher plusieurs victoires, dont la dernière en date est l’inscription des critères d’exportation dans une loi au lieu d’une ordonnance ainsi que le retour à une interdiction stricte des exportations dans les pays qui violent gravement et systématiquement les droits humains. Aujourd’hui, les exportations de matériel de guerre dans des pays impliqués dans des conflits internes ou internationaux est interdite, tout comme la réexportation de matériel de guerre. Permettre des exportations ou même des réexportations exigerait donc de modifier la loi. La droite l’a bien compris et c’est pourquoi elle a cherché à instrumentaliser la guerre d’agression en Ukraine pour permettre les réexportations d’armes de façon générale, répondant ainsi à une demande faite depuis des années par l’industrie de l’armement. Le PS a su éviter le piège tendu par la droite, en proposant de manière juste d’autoriser les réexportations uniquement à certaines conditions strictes1, même s’il faut tout de même souligner que cela aurait constitué une brèche que la droite aurait pu exploiter par la suite. Mais au-delà des risques que comporte un tel allègement, la question des exportations d’armes est tout simplement la mauvaise question à se poser en Suisse, une question dont l’importance est gonflée par une droite qui ne pense qu’à servir les intérêts de la classe dominante. En effet, la Suisse dispose d’autres leviers bien plus importants pour soutenir la population ukrainienne et cesser d’alimenter la guerre d’agression de Poutine : l’argent des oligarques, le négoce des matières premières et les biens à double usage.

Exproprier les oligarques russes pour reconstruire l’Ukraine !
Sur les quelque 200 milliards de francs de fonds russes situés en Suisse, seuls 7,5 milliards ont été gelés. Or, l’argent de ces oligarques constitue le socle financier de la guerre d’agression russe. Nous exigeons donc que tous les moyens soient mis en œuvre pour mettre la main sur ces fonds et que ceux-ci soient non seulement gelés mais aussi expropriés. Cet argent doit ensuite être utilisé pour l’aide humanitaire et la reconstruction de l’Ukraine.

Taxer les superprofits ne suffit pas, exproprions les multinationales alliées de Poutine !
Avant la guerre, un tiers du budget de la Russie provenait de l’exportation d’énergies fossiles. Or, la Suisse est une plaque tournante du négoce de matières premières. En raison de la guerre, les prix des énergies fossiles ont augmenté ce qui a permis des profits astronomiques pour les multinationales du négoce et procuré des fonds supplémentaires à Poutine. Glencore est connue pour sa proximité avec le régime poutinien et plusieurs autres multinationales telles que Gazprom ou Gunvor sont significativement voire même majoritairement en mains russes. Dans ce contexte, se limiter à taxer leurs superprofits est insuffisant, les multinationales qui alimentent cette guerre d’agression doivent être expropriées et tous les liens avec la Russie rompus.

Bloquer les exportations de biens à double usage à destination de la Russie
Les biens à double usage sont des biens qui peuvent être utilisés tant à des fins civiles que militaires et qui sont soumis à d’autres règles que le matériel de guerre. Certaines composantes à double usage sont tout simplement indispensables au fonctionnement d’armes. Ces dernières années, de nombreux biens à double usage ont été exportés en Russie et ensuite utilisés dans des armes, et cela se poursuit encore aujourd’hui. Nous exigeons un contrôle strict et un blocage des exportations des biens à double usage vers la Russie.


[1] La motion du PS visait à permettre la réexportation de matériel de guerre suisse, dans la mesure où le Conseil de sécurité de l’ONU ou une majorité des deux tiers de l’Assemblée générale de l’ONU constatait la violation de l’interdiction du recours à la force en vertu du droit international. Elle a été vidée de son contenu par la Conseil national.