Face au mouvement réactionnaire anti-trans, construisons notre libéra-tion !

30.07.2024

Résolution approuvée lors de l’Assemblée Annuelle extraordinaire de la JS Suisse du 29 juin 2024 à Soleure

Depuis le début des années 2020, les attaques réactionnaires LGBTI-phobes, et en particulier anti-trans, sont en hausse en Occident, y compris en Suisse.

La dernière frasque de l’UDC, une affiche islamophobe et homophobe, montre que le premier parti de Suisse a aujourd’hui pleinement intégré les personnes LGBTIQ+ dans ses ennemi·es officiel·les.[1]

Outre la communication, c’est une politique anti-trans active qui s’exerce dans les parlements suisses depuis trois ans déjà.

Dans les cantons, des projets de loi transphobes qui mettent en danger l’auto-détermination et la santé des personnes trans sont discutés dans les parlements.[2] Une attaque de parents réactionnaires a par exemple fait renoncer le département genevois de l’éducation à renforcer son programme d’éducation sexuelle.[3]L’UDC est un moteur central de ces projets politiques anti-trans, et anti-LGBTI+ de manière générale. Elle l’a rendu particulièrement visible en 2023, en faisant de la lutte contre la “folie woke” un de ses points de campagne aux élections fédérales,[4] et en s’attaquant à plusieurs endroits de Suisse à des lectures de drag queens.[5][6]

Cette politique transphobe est légitimée par les médias bourgeois, qui accordent de nombreux articles à de la désinformation anti-trans. Le Tages-Anzeiger, par exemple, a publié cette année plus d’un article anti-trans par mois. Cette attitude touche aussi le service public, qui n’hésite pas à consacrer plusieurs reportages extrêmement partiaux[7] à la détransition, un phénomène pourtant complexe et marginal.

Ce mouvement réactionnaire est global, et a déjà fait de grands dégâts dans de nombreux pays. Aux États-Unis, le nombre de lois anti-trans adoptées dépasse celui de l’année précédente pour la quatrième année consécutive.[8] La stratégie de propagande mensongère du mouvement anti-trans se fait aussi à l’échelle globale, avec la publication régulière de rapports médicaux ou d’articles sensationnalistes cherchant à mettre en doute la pertinence de l’approche transafirmative. Bien que ces articles n’aient aucune valeur scientifique, ils sont largement diffusés.[9]

Les attaques anti-trans nous concernent tou·tes

Les attaques anti-trans ne sont pas isolées. Elles sont le produit d’un projet civilisationnel blanc porté par l’extrême droite et par une frange de la droite bourgeoise traditionnelle. Ce projet passe par un renforcement de la cellule familiale traditionnel. Il passe donc par l’élimination des personnes dont les modes de vie dévient de ce standard, en premier lieu les personnes LGBTIQ+.

Mais il passe aussi par un renforcement de la famille traditionnelle[10], à travers des attaques sur l’autodétermination des femmes, en particulier contre le droit à l’avortement. L’appel nataliste au «réarmement démographique» du président français Emmanuel Macron l’illustre bien.[11]Ce projet est corrélé avec les politiques migratoires toujours plus inhumaines des États occidentaux et l’augmentation du racisme.

Ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux, c’est le capitalisme en crise qui se prépare à la guerre, et il nous entraînera tou·tes dans sa chute si nous ne l’arrêtons pas.

Pas d’assimilationisme, engagement combatif

L’existence de ces violentes attaques contre les conditions de vie des personnes trans semble contradictoire face aux apparents progrès sociétaux, notamment l’ouverture en 2021 du mariage aux couples homosexuels, et la popularité dans la culture populaire de nombreuses célébrité trans et LGBTIQ+.

Ces phénomènes sont pourtant les deux faces d’une même pièce. La libéralisation et l’individuation des communautés LGBTIQ+ et en particulier homosexuelles, liée au tournant néolibéral, l’a privé de combativité et de force de mobilisation collective. Une grande partie du mouvement a accepté une assimilation dans la société bourgeoise, renonçant à une libération collective.

Cela ne peut continuer ainsi ! Les personnes trans, LGBTIQ+, et la classe ouvrière en général, ont aujourd’hui besoin d’affronter de façon collective et solidaire le projet réactionnaire qui menace nos existences. Ce n’est qu’en reconnaissant les liens entre les luttes que nous pourrons construire les bases pour une bonne vie pour toutes et tous.

Mais l’assimilationniste n’est pas une fatalité, et de nombreux mouvements et organisations l’ont déjà constaté.

De larges manifestations, y compris en Suisse (le 13 avril à Genève, organisée par le Collectif radical d’action queer, et le 20 avril à Zurich, organisée par plusieurs groupes dont la JS de la ville de Zurich) ont su fédérer au-delà des communautés trans, avec des revendications radicales et systémiques.

Nous appelons le mouvement LGBTIQ+ à la solidarité internationale et à adopter une logique combative.

De plus, au niveau national, la JS Suisse revendique :

  1. La dépsychiatrisation et le remboursement complet des transitions, à tout âge ;
  2. l’inscription du droit à l’autodétermination corporelle dans la constitution fédérale ;
  3. L’application de standards déontologiques pour les médias traitant les questions trans, en particulier l’obligation d’expliciter une prise de position allant contre le consensus scientifique ;
  4. l’extension de la norme pénale 261bis aux discrimination anti-trans ;
  5. à court terme, l’ajout d’une troisième inscription de sexe à l’état civil à moyen terme, la suppression de l’enregistrement de sexe à l’état civil.[12]

[1] Basel verbiete «Woke»-Plakat der JSVP gegen Antisemitismus, 20 minuten, 8 mai 2024, en ligne [dernière consultation le 14 mai 2024]

[2]PL 13324, Grand conseil genevois. En ligne [dernière consultation le 14 mai 2024]

[3]Genève fait marche arrière sur l’éducation sexuelle en 3e primaie, Blick, 28 mars 2024, en ligne [dernière consultation le 14 mai 2024]

[4] Immigration, wokisme, neutralité: l’UDC lance sa campagne pour les élections fédérales. RTS, 26 août 2023, en ligne [dernière consultation le 27 mai 2024]

[5] Lecture avec une drag queen: le canton répond, Frapp, 29 septembre 2023, en ligne [dernière consultation le 27 mai 2024]

[6] La surenchère de l’UDC contre les drag queens, Le Matin, 10 octobre 2023, en ligne [dernière consultation le 27 mai 2024]

[7]SANTÉ SEXUELLE SUISSE soutient les critiques des organisations LGBTI+ contre l’émission télévisée « Temps présent » sur le thème de la détransition, en ligne [dernière consultation le 14 mai 2024]

[8]Trans legislation tracker, en ligne [dernière consultation le 14 mai 2024]

[9] The Cass Review, WPATH Files, and The Perpetual Debat over Gender-Affirming Care. Julia Serano. 23 avril 2024, en ligne [dernière consultation le 27 mai 2024]

[10]Par famille traditionnelle, nous entendons ici la famille nucléaire, constituée de deux parents et d’un certains nombre d’enfants (souvent deux), en opposition par exemple aux familles monoparentales, homoparentales ou encore reconstituées.

[11]« Le réarmement démographique » : un retour des valeurs natalistes ? CGT, 6 mars 2024, en ligne [dernière consultation le 14 mai 2024]

[12] Concernant l’inscription de genre à l’état civil, consulter aussi notre papier de position sur le féminisme [insérer lien]