La révolution sera féministe ou ne sera pas

04.06.2019

« Faire déjà l'armée », « mais commencez déjà par travailler aussi longtemps », ou encore « les hommes* font beaucoup plus de travail physique ». Un bref aperçu des commentaires qui vous sont lancés à la tête quand vous plaidez publiquement en faveur de la grève féministe. Citons également ces articles de journaux avec des titres tels que « Grève féministe : Martullo-Blocher menace de licenciement », ou « j’ai 4 stewardesses, une grève serait stupide ». Quand je lis de tels articles, je suis tout d’abord triste, puis en colère, indignée, mais soudain, j'ai le sourire aux lèvres. Parce que toutes ces excuses venant d’hommes*, cet alarmisme des dirigeant*es et le dégoût de la grève me montrent surtout une chose : ils ont peur de nous. Notre message semble enfin avoir atteint toute la Suisse, et les Martullo-Blocher de ce monde le savent bien : femmes* bras croisés, le pays perd pied. C'est pourquoi leurs employé*es essaient de nous faire peur avec des menaces de licenciement, c'est pourquoi on essaie de nous convaincre qu'il n'y a pas de raison de faire grève, et c'est pourquoi ils cherchent toujours des excuses absurdes pour justifier notre salaire inégal à travail égal. Mais notre mouvement féministe fort ne se laissera pas arrêter de la sorte. Et nous ne voulons pas simplement « plus de salaire », ce à quoi nous avons droit de toute façon. Nous voulons beaucoup plus....
Pourquoi les femmes* font-elles grève le 14 juin ?
Je ne peux pas répondre à cette question. Chaque femme* a ses raisons personnelles de prendre la rue le 14 juin. En tant que femme* cis-hétéro blanche qui a grandi à la campagne dans une famille de classe moyenne suisse, je n'ai jamais su ce que cela signifie d'avoir des parents aux conditions de travail précaires, de n'avoir personne pour m'aider avec mes devoirs, mes recherches d’emploi ou ma déclaration d’impôts. Aujourd'hui, je travaille dans une organisation qui contrôle et maintient l'égalité salariale entre les genres. J'ai le privilège d'avoir un salaire qui me permet de vivre avec une charge de travail de 60% et de ne pas avoir à m'occuper de tâches de soins supplémentaires, ce qui me permet de m'impliquer politiquement. Malgré tous ces privilèges, je pourrais citer des douzaines de raisons pour lesquelles je suis victime de discrimination en tant que femme* dans la société actuelle. L'une d'elles est la peur. La peur qui me fait avoir une clé dans la main quand je rentre seule la nuit. La peur d'être frappée ou même touchée dans un club. La peur de subir des violences sexuelles lorsqu'un « NON » n'est tout simplement pas accepté. Mais aussi la peur de ne pas être prise au sérieux en tant que politicienne, de ne pas pouvoir m'affirmer ou tout simplement d'être ignorée. Ce sont là mes raisons personnelles pour faire la grève. Si nous demandions à une migrante queer noire les raisons de sa grève, elle en citerait probablement d’autres complètement différentes, ou peut-être les mêmes.
Les femmes* subissent différentes formes de discrimination et d'oppression – et nous devons toutes les combattre ensemble. Parce que nous ne sommes vraiment libres que si nous sommes toutes et tous libres. Nous combattons ensemble, peu importe d'où nous venons, comment nous vivons, qui nous aimons et quel que soit notre genre à la naissance. Nous luttons pour une société féministe, antiraciste, anticapitaliste, antinationaliste et queer, sans aucune forme d'oppression.
Si vous n'écoutez pas, nous reviendrons...
On me demande encore et encore combien de femmes* feront la grève. Les estimations parlent d’environ 1 million de femmes*. On ne pourra dire si ce chiffre est exact que le 14 juin. Mais une chose est claire : nous serons nombreux*seuse et nous serons bruyant*es ! Cette grève féministe n'est pas une politique symbolique. Nous en avons assez des promesses vides, des petits compromis et des excuses paresseuses. Nous ne nous laissons plus avoir par des « petits sucres ». Après le 14 juin,si nos revendications ne sont toujours pas prises au sérieux et mises en œuvre, nous reviendrons. Et nous serons encore plus nombreux*euses. Nous sommes indispensables – que ce soit pour votre économie, vos entreprises, chez vous, en politique, dans la culture, dans le bénévolat – simplement partout. Et nous veillerons à ce que vous ne l'oubliiez pas.
Nous ne voulons pas une plus grosse part du gâteau, nous voulons toute la boulangerie ! Tout le monde à la grève des femmes* le 14 juin !