Résolution approuvée lors de l’Assemblée des délégué·e·s de la JS Suisse du 22 avril 2023 à Saint-Gall (SG)
Le rachat de Credit Suisse par UBS met en lumière le rôle prédateur du milieu bancaire helvétique dans l’économie mondiale ainsi que l’hyper-fragilité du système financier. Les déclarations officielles de ces dernières semaines annoncent un sauvetage certes in extremis mais complétement résilient. La réalité est toute autre. Le spectre de la crise de 2008 hante encore tous les esprits - à juste titre. Les régulations adoptées depuis ont au mieux fait office de sparadrap à un capitalisme en crise. Pour inverser la tendance, des mesures radicales doivent rapidement être adoptées.
Pour rappel, Credit Suisse, la deuxième banque helvétique et dans le top 30 des plus grandes mondiales en termes d’actifs, était depuis quelques semaines en grand manque de liquidités1. Ayant déjà fait appel à un prêt à la Banque nationale suisse (BNS) quelques jours précédents son rachat pour éviter la faillite, la panique bancaire à son égard n’a pas cessé, ses titulaires de compte ont continué de retirer leurs fonds. Le 17 mars, Credit Suisse était dans un état dramatique avec une valorisation à la bourse en chute libre. L’issue pour Credit Suisse sera fatale. Le 19 mars au soir, le Conseil fédéral annonce le rachat par UBS pour une somme ridicule de 3 milliards, nettement inférieur à sa valeur de beau temps, une garantie de de la confédération de 9 milliards et un déblocage de liquidités par la BNS et la Confédération pour UBS de 250 milliards, montant qui risque encore de prendrendre l’ascenseur.
Comparé aux retenues habituelles du bloc bourgeois pour débloquer des fonds en faveur de notre Etat social, l’ampleur des mesures monétaires et la vitesse à laquelle elles ont été adoptées pour sauver les ruines de Credit Suisse ont de quoi susciter l’effarement. L’adage « privatisation des bénéfices et collectivisation des pertes » s’est une fois de plus appliqué. Toutefois, une inaction de la part du Conseil fédéral aurait été encore plus grave.
Lorsqu’une banque d’importance systémique devient dépendante du bon vouloir de l’État, ce dernier devrait en profiter pour a) aider la banque à la seule condition que celle-ci se mette dans son sillage et b) empêcher que cette instabilité ne se reproduise. Le gouvernement a fait tout l’inverse. Il a accru le pouvoir d’une banque (UBS) déjà trop importante et il a multiplié les risques que la place économique suisse encourt. Cela révèle l’état avancé du pantouflage de notre administration et sa dégénérescence néolibérale.
Mais comment se fait-il que l’on en soit arrivé là ? Pour beaucoup, il en va de la terrible gestion de Credit Suisse et des nombreux scandales autour de cette banque (évasion fiscale, contournement des sanctions visant les oligarques russes, etc.) ces dernières années. Cette explication a le mérite de rappeler qu’en Suisse, c’est la criminalité en col blanc qui prédomine, et que celle-ci se fait au détriment du reste des citoyen∙nes, mais surtout du «Sud global». Mais cette explication ne permet pas de comprendre l’entièreté du climat financier tendu du moment rappelé le 19 mars.
Depuis la crise financière de 2008, quelques régulations supplémentaires ont été adoptées à travers Bâle III2. Or, ces régulations ainsi que les autres mesures de stabilisation mises en places sont incapables de régler le fondement-même des crises financières : l’insuffisance de la demande.
Des politiques fiscales anticycliques de partage des richesses auraient été les plus à même de rendre la situation durable. Alors que ces dernières années le rythme des gains en productivité a tendanciellement ralenti, les taux de profit ont été maintenus grâce à systématique suivante : austérité, réformes du marché du travail, baisses d’impôt et évasion fiscale. Dans ce contexte, tout le monde a continué à s’endetter massivement (encouragé par la politique de taux zéro), et le système a perduré par inertie et une croissance un quelque peu portée par le secteur de la technologie
Ce rafistolage ne peut pas tenir éternellement, encore moins face à des chocs exogènes massifs. Avec l’explosion des prix indue par la guerre en Ukraine et la reprise économique désorganisée post-confinement, les banques centrales combattent l’inflation avec une hausse des taux d’intérêts. Cela a pour conséquence des baisses conséquentes de la valeur des banques ainsi qu’un besoin criant de liquidités pour satisfaire leurs client∙es voulant souscrire à des obligations, redevenues profitables. A l’heure actuelle, toutes les banques subissent, à échelles différentes, ces mêmes problèmes. En Suisse, nous avons maintenant une des plus grandes banques du monde et pour l’instant l’action prévue par l’administration fédérale est la même qu’avant : à part quelques régulations à la marge, on ne fait rien.
Face à l’urgence et la gravité de la situation, la JS Suisse revendique comme mesures urgentes :
- Une séparation entre banques de dépôt et banques d’investissement
- Un capital propre à hauteur de 30%
- Une application de Bâle III au secteur non-bancaire (shadow banking)
- Une taxe sur les transactions financières dans le but de réduire la haute-spéculation
- Un moratoire sur la reprise de Credit Suisse par UBS, la nationalisation de Credit Suisse, son placement sous contrôle démocratique et sa transformation en une banque au service de la population et de l’environnement
De plus, la politique monétaire de la Suisse favorise bien trop le secteur bancaire. Pour que celle-ci travaille pour les 99%, il faut :
- Rendre la BNS démocratique, sous contrôle cyclique du parlement fédéral
- Créer une politique monétaire dédoublée consistant en des taux directeurs qui dépendent de la participation des banques à l’économie réelle ou à la sphère financière.
[1] Un manque de liquidités survient lorsqu’une entreprise ou une personne physique n’a pas assez d’argent pour faire face à l’ensemble de ses engagements (dettes).
[2] Les accords de Bâle III sont des accords qui visent à augmenter la solidité du système bancaire suite à la crise de 2008. Ils prévoyent une série de régulations, telles que l’augmentation de la part de fonds propres exigée (ratios de solvabilité) ou l’introduction des ratios de liquidité à court et à long terme.