Résolution approuvée lors de l’Assemblée des délégué·e·s du 30 avril 2022 à La Roche (FR)
Le but de cette résolution est de dénoncer les politiques systémiques de domination et d’oppression de l’État israélien envers la population palestinienne, constitutives d’un crime d’apartheid. Elle ne doit en aucun cas être comprise comme un soutien inconditionnel aux politiques menées par les autorités palestiniennes de Cisjordanie et le gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza, dont nous condamnons fermement les violations des droits humains, notamment les violences contre les personnes civiles (1). En effet, la JS Suisse s’oppose à toute forme d’oppression d’un groupe de personnes en raison de l’appartenance ethnique, de la couleur de peau ou de la religion. Nous ne cherchons toutefois pas à rester neutres, car vouloir être neutres vis-à-vis de la situation israélo-palestinienne, c’est se ranger du côté de l’oppression.
La JS Suisse est anticolonialiste
L’impérialisme et le colonialisme en tant que politiques d’expansion territoriale et d’exploitation économique afin d’asseoir une domination politique et militaire sur un groupe de population sont inhérentes au capitalisme car elles sont motivées par la recherche d’un maximum de profits (2). En conséquence, la naissance du sionisme doit également être comprise dans le contexte du partage de l'Afrique entre les puissances coloniales européennes à la fin du 19e siècle. Replacer cette idéologie dans son contexte est donc central pour comprendre la logique impérialiste qui la sous-tend.
Depuis sa création en 1948, l’État d’Israël conduit des politiques impérialistes visant à assurer la domination démographique et économique des personnes à la nationalité juive sur son territoire (3). L’État d’Israël conduit également des politiques colonialistes d’expansion de son territoire, puisqu’il occupe aujourd’hui la Cisjordanie et Jérusalem Est, siège la Bande de Gaza et mène une politique de développement de colonies israéliennes de peuplement en territoires palestiniens, en violation avec la 4e Convention de Genève (4).
Les Accords d’Oslo de 2002 ont divisé les territoires palestiniens occupés (TPO) en 3 zones où les forces militaires israéliennes exercent des niveaux de contrôle militaire, administratif et juridique différents. Cela s’insère aujourd’hui dans une politique de fragmentation territoriale et d’isolement des communautés palestiniennes.
La JS Suisse condamne
- La volonté et les actes d’expansion territoriale des gouvernements israéliens successifs dans les territoires palestiniens et à Jérusalem Est, et la mise à disposition privilégiée de ces terres pour les populations israéliennes juives.
- Les expulsions forcées de personnes palestiniennes, les expropriations de terres et de biens, les démolitions de logement et toutes les autres entraves systématiques à l’accès à un logement décent et sûr (5) pour les personnes palestiniennes ;
- Le système discriminatoire de permis de résidence et les politiques d’isolation des populations palestiniennes dans des enclaves sur la base de leur statut juridique ;
- Le contrôle des ressources naturelles telles que l’eau et le gaz dans les territoires occupés par les forces israéliennes (6) et leur distribution inéquitable, en Israël et dans les TPO.
La JS Suisse est antiraciste
Un système de lois, de politiques et de pratiques racistes a été mis en place par les différents gouvernements israéliens successifs afin d’opprimer les populations palestiniennes. Le niveau d’oppression varie selon les différentes régions contrôlées par l’État d’Israël, mais, quel que soit l’endroit, toute personne à la nationalité juive (7) y bénéfice de plus de droits qu’une personne palestinienne. Cela a pour conséquence la discrimination juridique, politique, sociale et économique de la population palestinienne dans les zones contrôlées par l’État d’Israël ainsi que de la population palestinienne réfugiée.
La JS Suisse condamne :
- L’inégalité de nationalité et de statut entre les citoyen·nes israélien·nes, et la supériorité en droits de la nationalité juive.
- Dans les TPO : les restrictions à la liberté de déplacement des palestinien·nes, les restrictions aux droits civiques et politiques associées au régime juridique militaire en vigueur ;
- En Israël : les limitations du droit au regroupement familial, le manque d’accès aux services publics, l’isolement des communautés palestiniennes ;
- La privation des droits économiques et sociaux résultant des politiques discriminatoires susmentionnées ;
- La répression de toute personne et organisation dénonçant les réalités énoncées ci-dessus ;
- Le racisme générés et perpétués par les rapports coloniaux.
Conclusion
La JS Suisse considère qu’il est de notre responsabilité d’écouter les personnes directement concernées, d’apprendre sur les réalités vécues et de prendre position pour défendre le droit de tout·e un·e chacun·e de vivre dignement. Dans le monde occidental et particulièrement les pays germanophones, marqués par les horreurs du régime nazi et l’Holocauste, les critique des politiques de l’État israélien sont prudentes. Aujourd’hui encore, de nombreuses dénonciations des violations des droits humains par l’État d’Israël sont suivies d’accusations d’antisémitisme (8). Si les propos antisémites, tout comme les propos islamophobes, doivent être impérativement condamnés, ces accusations sont aussi parfois exprimées par des personnes malintentionnées qui cherchent à déplacer les lignes d’un discours antiraciste légitime (9) et faire taire les critiques à l’encontre des politiques de l’État d’Israël. Cela a pour conséquence d’empêcher une juste compréhension de l’antisémitisme, mais aussi de la lutte anticoloniale palestinienne. Pour la JS Suisse, il est important de faire la différence entre antisémitisme et antisionisme, comme forme d’opposition à un projet nationaliste qui refuse l’égalité à toutes les personnes habitant entre la mer Méditerranée et le Jourdain. La JS Suisse ne remet pas en cause le droit d’exister de l’État d’Israël et nous nous engageons à mesurer l’État d’Israël à l’aune de tous les autres États.
La Convention internationale sur la suppression et la répression du crime d’apartheid qualifie de crime d’«apartheid» les actes inhumains commis pour instituer ou maintenir la domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial afin de l’opprimer systématiquement (10). Au regard du système d’oppression et de domination de la population palestinienne mis en place par l’État d’Israël, la JS Suisse considère que les violations des droits humains décrites dans cette résolution constituent un apartheid. Nous militons pour que toutes et tous puissent vivre une vie digne dans le respect de leurs droits fondamentaux, et nous engageons pour la fin de l’occupation des territoires palestiniens et la libération de toutes les personnes opprimées.
Revendications
- Nous demandons la reconnaissance de l'État de Palestine.
- Nous demandons la reconnaissance du droit de retour des Palestinien·nes par le Conseil fédéral.
- Nous encourageons le boycott des biens produits dans les colonies israéliennes de la zone C des territoires palestiniens occupés.
- Nous exigeons que la Suisse cesse toute collaboration et relations commerciales dans le domaine de la sécurité avec l’État et les entreprises israéliennes.
(1) Nous dénonçons entre autres l’extrémisme religieux du Hamas, les tirs aveugles de roquette, les violences qu’il commet envers des civil·es, et la répression des femmes, des personnes LGBT et des opposant·es politiques. Nous condamnons également l’utilisation de la torture, les violations du droit à la liberté d’expression et de réunion, et la corruption des haut·es fonctionnaires, phénomènes qui concernent autant le Hamas à Gaza que les autorités palestiniennes en Cisjordanie. (Source : Amnesty International)
(2) Rosa Luxembourg, L’accumulation du capital (1913)
(3) https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/02/israels-apartheid-against-palestinians-a-cruel-system-of-domination-and-a-crime-against-humanity/
(4) https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1951/300_302_297/fr
(5) https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/02/israels-apartheid-against-palestinians-a-cruel-system-of-domination-and-a-crime-against-humanity/
(6) https://www.cairn.info/revue-la-pensee-2017-1-page-66.htm
(7) L’Etat d’Israël distingue en effet la nationalité comme affiliation ethnique et la citoyenneté comme appartenance à un Etat. Les principaux groupes nationaux en Israël sont les Juive·fs, Arabes, Druzes et Caucassien·nes (source : Amnesty International). La supériorité de la nationalité juive en Israël a été renforcée en 2018 par la Loi fondamentale, qui souligne le caractère exclusivement juif de l’État d’Israël.
(8) Nous nous basons donc sur la définition de l’antisémitisme de la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme : on appelle antisémitisme “la discrimination, les préjugés, l’hostilité ou la violence envers les personnes juives, en tant que juives (ou contre les institutions juives, en tant qu’elles sont juives)”. https://jerusalemdeclaration.org/
(9) https://research.gold.ac.uk/id/eprint/7144/1/hirsh_transversal_2010.pdf
(10) Convention sur l’apartheid, article 2