Prise de position de la JS Suisse adoptée lors de l’assemblée des délégué·e·s du 7 septembre 2025 à Baden (AG)
Dans un système économique capitaliste, les richesses sont inégalement réparties. En Suisse, pendant que plus de 700 000 personnes sont touchées par la pauvreté[1] et qu’un quart de la population doit renoncer à des soins pour des raisons financières[2], des ultra-riches dilapident des sommes colossales dans des megayachts, des jets privés et l’industrie du luxe en général. Alors que la production suisse, ou globale, suffirait à assurer une vie digne d’être vécue pour toutes et tous, de nombreux mécanismes ont été mis en place par la classe capitaliste afin d’accaparer un maximum des richesses du pays, de maximiser leurs profits et de créer des dynasties stables et pérennes au détriment des
travailleur·euses. Cette inégalité croissante des richesses qui creuse toujours plus le fossé entre les plus riches et le reste de la population renforce leur pouvoir. Elles et ils peuvent ainsi exercer une influence considérable sur la politique grâce à leurs propres médias, comme le font par exemple la famille Coninx, Christoph Blocher et Giuseppe Nica en Suisse, ou Bolloré et Drahi en France. Cette inégalité croissante des richesses, qui éloigne toujours plus les plus riches du reste de la population, leur permet d’influencer la politique avec leurs médias, comme la famille Coninx, Christoph Blocher et Giuseppe Nica en Suisse, ou encore Bolloré et Drahi en France par exemple. De plus, le contrôle par les ultra-riches de l’appareil de production leur donne un pouvoir largement plus grand que n’importe quel·le prolétaire. Cette concentration du
pouvoir est toujours plus intense à cause du démantèlement du service public, de la privatisation et de la baisse des impôts qui caractérisent le moment néolibéral actuel.
Dans un tel moment d’augmentation des inégalités où la fortune du 1 % le plus riche ne cesse de croître, il est crucial d’étudier la question de l’origine du problème et de clarifier la situation actuelle. Nous allons donc analyser l’origine des inégalités comme découlant de la structure même du capitalisme, et démontrer que celles-ci ne font qu’augmenter et que ce mouvement historique
risque de ramener la société vers le fascisme.
Un retour sur l’histoire des inégalités de richesse
La formation de classes sociales et la répartition inégale des ressources vont de pair depuis toujours. L’histoire est marquée par le passage entre différents modes de production qui se caractérisent tous par des antagonismes de classes entre celleux qui possèdent et celleux qui sont dépossédé·es de tout. Cependant, avant l’industrialisation et la période d’essor de l’esclavagisme dans les Amériques, la faible efficacité de la production ne permettait pas d’accumuler le capital nécessaire au creusement d’un fossé entre les plus riches et les plus pauvres. Un saut technique et une exploitation systématique de plus en plus intense ont permis une avancée qualitative dans le développement des moyens de
production, condition à l’accumulation du capital.
Cela a été possible en raison de mouvements de privatisation des terres dès le XVIe siècle en Angleterre qui ont dépossédé les paysan·nes au profit de seigneurs et bourgeois·es[3]. Les terres, ainsi aux mains d’un petit nombre, ont permis une accumulation des richesses par la rente. De plus, l’exode rural des travailleuse·eurs agricoles a fourni une main-d'œuvre toujours plus grande aux industries créées à l’aide du capital des rentes foncières susmentionnées. En outre, l’esclavage est aussi dès le XVe siècle une des sources principales du
capital permettant l’industrialisation de l’Angleterre mais aussi du reste de l’Europe[4] et donc la richesse gargantuesque de la bourgeoisie européenne. Ainsi, le passage au mode de production capitaliste a été caractérisé par le vol de terres, l’exploitation d’ouvrière·ers et l’esclavage des personnes racisées.
En Suisse, le processus a été similaire. La forme collective de la propriété commune des terres a laissé place à la propriété privée. Cette privatisation s’est étalée sur plusieurs siècles, mais est marquée en 1798 par l'avènement de la République Helvétique imposée par les troupes françaises[5]. Avec celle-ci, les biens communaux, terres partagées par la population, sont devenues la propriété des familles bourgeoises. C’est donc un processus historique qui découle de la Révolution française qui fait triompher l’idéologie libérale et la propriété privée en Suisse[6]. La bourgeoisie privilégiée par cette mesure a ainsi pu construire des usines, concentrant les moyens de production entre ses
mains. Elle a pu de cette manière exploiter le travail payé des travailleuse·eurs mais aussi le travail gratuit des femmes [6.1] précaires et
personnes racisées mises en esclavage. Les inégalités actuelles des richesses sont donc la conséquence d’une division de la société en classes, en genres et en races, mais aussi du développement inégal et combiné entre le Nord et le Sud globaux.
Par ailleurs, ces systèmes d’oppression sont toujours en place et au service des plus riches. Ainsi, les grandes entreprises des ultra-riches continuent d’exploiter toute la classe des travailleuse·eurs, et plus particulièrement les couches surexploitées comme les personnes FLINTA, les habitant·es du Sud global, les personnes racisées et les migrant·es.
L’ampleur des inégalités de richesse
Aujourd’hui, la société de classe se voit le plus clairement en Suisse à travers le partage inégal du capital et des ressources. Le 1 % le plus riche de la population suisse détient au moins 45 % de l’ensemble des richesses[7]. La richesse incommensurable des 300 personnes et familles les plus riches de Suisse s’élève au chiffre absurde de 833,5 milliards de francs suisses[8]. Ces trois
cents plus riches ont pu plus que doubler leur fortune au cours des vingt dernières années[9], à l’inverse de plus de 700 000 personnes en Suisse qui se trouvent en situation de pauvreté et de plus de 1,4 millions qui en sont menacées[10].
La richesse des ultra-riches ne vient pas uniquement de leurs comptes en banque aux taux d’intérêt dérisoires, mais aussi d’investissements immobiliers et d’actions qui leur permettent d'amasser encore plus de richesses par le biais de dividendes, de revenus locatifs ou encore de gains sur les actions. Jusqu’en 2016, le salaire médian réel des travailleur·euses en Suisse suivait encore une inflation moyenne de 1 %, mais depuis bientôt dix ans, les salaires réels des classes de revenu inférieures et moyennes sont en chute constante[11]. Les
travailleur·euses, soit les personnes qui dépendent de leur salaire ou de prestations sociales pour survivre, ont toujours moins d’argent à disposition à la fin du mois. Cet argent ne disparaît pas simplement, il est aspiré vers le haut jusque dans les poches des ultra-riches sous forme de revenus du capital, par exemple par des prix plus élevés, des primes d’assurance maladie en augmentation ou des pertes salariales au profit de dividendes toujours plus importantes. Chaque année, 70 milliards de francs sont distribués sous forme de revenus du capital[12]. À cela s’ajoutent les milliards de revenus locatifs : en 2021, les locataires ont payé 10 milliards de francs de loyer de plus que le
maximum que la loi autorisait à leur demander[13]. Une majorité de cet argent est ainsi partie aux plus riches de Suisse. À long terme, c’est l’héritage qui permet de maintenir ces relations de classe et ces inégalités patrimoniales. En Suisse, 60 % des ultra-riches ont hérité de leur fortune, et 80 % de celle-ci provient des héritages[14].
Certains acquis sociaux comme les assurances sociales ou les paiements compensatoires occultent l’inégalité de la répartition capitaliste des
ressources. Ces acquis ont été obtenus de haute lutte dans la rue contre la volonté de la classe dominante et l'hégémonie néolibérale et ne sont en aucun cas à voir comme les conséquences logiques d'une démocratie bourgeoise et capitaliste. Cette dernière a en effet pour fonction d'accorder à une partie suffisamment importante des travailleurs une participation limitée dans certains domaines politiques afin de les détourner de la volonté de remettre en question le système dans son ensemble et s'y opposer globalement[13]. Des concessions
individuelles permettent ainsi de protéger la suprématie des capitalistes et ne font qu'atténuer légèrement l'exploitation des travailleurs et la croissance des inégalités afin de pouvoir les maintenir dans leur ensemble.
Les inégalités de richesse sont un choix politique !
Or, la situation actuelle n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de choix politiques conscients de réglementations légales et dans le fonctionnement des institutions libérales. L’objectif est l’enrichissement des dynasties bourgeoises et le maintien du pouvoir des capitalistes sur la politique et l’économie.
Premièrement, la période néolibérale actuelle est synonyme de baisse des impôts pour les plus riches. Le taux d’imposition sur la fortune ayant un fort impact sur l’inégalité des richesses, sa baisse constante depuis 1970 est une des raisons de la perpétuation de familles bourgeoises et de l’augmentation toujours plus forte de la concentration de leur richesse. En effet, bien que le capital
ne travaille pas, il permet d’investir dans des moyens de production et d’exploiter des prolétaires pour leur voler leur plus-value. Ainsi, la richesse attire la richesse. Sans un fort impôt sur la fortune, les écarts se creusent. De 1968 à 2020, 25 % de l’augmentation de la richesse du 0,1 % le plus riche de Suisse est d’ailleurs dû à la baisse des impôts sur la fortune[16]. Ces impôts sont cantonaux, créant ainsi une concurrence fiscale entre les cantons en plus de la concurrence internationale. Il y a donc deux niveaux qui affectent la
Suisse dans la course vers l’imposition la plus basse pour attirer le capital et défendre les intérêts de la bourgeoisie. Cette dernière incite à la baisse des impôts et donc au démantèlement du service public. Cependant, des forts taux d’imposition ne suffisent pas pour résoudre réellement le problème des inégalités ; en effet, les taux d’imposition maximum sur la fortune sont déjà montés jusqu’à 94 % aux USA et 90 % en France durant l’entre-deux-guerres[17] sans léser la croissance économique.
Au-delà des impositions sur la fortune, d’autres formes de taxation existent mais sont actuellement trop faibles pour ralentir l’accumulation du capital : impôt sur le capital, impôt foncier, taxe sur l’héritage, etc. Ce dernier, bien qu’il ne soit de loin pas suffisant pour renverser le système capitaliste, pourrait s’attaquer à l’accumulation des richesses en atténuant l’accumulation intergénérationnelle du capital.
Cette faible imposition des plus riches est une volonté politique de la droite bourgeoise en collaboration avec les lobbies des ultra-riches. En sus des impôts déjà faibles, les ultra-riches profitent du contrôle très négligent envers l’évasion fiscale que pratiquent les institutions suisses. En effet, des sommes colossales sont dissimulées chaque année par les plus riches en Suisse. Entre 2010 et 2020, au moins 66 milliards de francs n’auraient ainsi pas été déclarés[18]. Ainsi, la fraude fiscale, mais aussi toutes les formes légales d’évitement de l’imposition, sont des outils très utilisés par les plus riches, offrant autant de moyens d’accélérer leur enrichissement et augmenter la concentration des richesses. À l’échelle des structures, cela se caractérise par une souplesse des institutions contre l’évitement fiscal ainsi que le développement de paradis fiscaux comme la Suisse.
Ainsi, la question se pose de pourquoi les politicien·nes de la droite bourgeoise et les chef·fes d’entreprises maintiennent un tel système et de
telles institutions. La réponse est simple : pour leurs propres intérêts matériels.
Pas de démocratie sans distribution équitable des richesses
Celleux qui possèdent de l’argent possèdent du pouvoir et peuvent s’acheter du pouvoir politique. La concentration des richesses est donc en premier lieu une concentration du pouvoir. La démocratie capitaliste se base sur les rapports de classe existants avec pour objectif de les renforcer, mais la concentration du pouvoir est fondamentalement contradictoire avec la mise en place d’une réelle
démocratie socialiste. Dans une démocratie socialiste, les personnes doivent pouvoir participer à la prise de décision dans tous les domaines, notamment sur leur lieu de travail et concernant leur situation de logement. Cette participation ne doit pas se limiter à une simple consultation mais doit signifier que les moyens de production sont la propriété de la classe travailleuse. La démocratie capitaliste ne peut donc être qu’une pseudo- démocratie.
La position dominante des capitalistes et des ultra-riches a une influence directe sur les décisions politiques : plusieurs études en Allemagne et aux USA montrent que les intérêts des riches trouvent plus d’écho et d’intérêt au sein de la politique institutionnelle que ceux des personnes pauvres[19]. Les ultra-riches et leurs entreprises peuvent investir des milliards en dons à des partis, en lobbying et en communication[20]. Dans le même temps, les entreprises peuvent exploiter la dépendance salariale de leurs employé·es pour empêcher ou limiter
l’organisation syndicale ou l’engagement politique. Ces effets se renforcent mutuellement : la politique menée dans l’intérêt des ultra-riches amène à des baisses d’impôts, qui amènent à une augmentation par millions de la richesse des ultra-riches, qui amène à son tour à une augmentation de leur influence et leur pouvoir politique. La démocratie institutionnelle remplit ainsi la fonction de renforcer les rapports de classe et de production existants.
Ces mêmes rapports de pouvoir se retrouvent dans la formation de l’opinion publique. Selon le philosophe italien Antonio Gramsci, le système capitaliste n’est pas maintenu uniquement par la contrainte et l’oppression mais aussi par le développement d’un consensus social[21]. Ce consensus est obtenu par l’action de diverses institutions politiques, étatiques et de la société civile comme les médias, les écoles et hautes écoles ou encore les laboratoires d’idées. La bourgeoisie possède du pouvoir sur et au sein de ses institutions par le biais de ses possessions et son capital. Cette domination et ce pouvoir d’influence sur l’opinion publique s’appellent l’hégémonie culturelle et protègent le système capitaliste.
Cela se manifeste par exemple concrètement par les groupes médiatiques privés qui dominent le paysage médiatique. Après la SSR, les groupes les plus influents sur l’opinion sont TX Group, Meta, CHMedia et Ringier[22]. Dans l’espace numérique, l’influence des entreprises est encore plus grande que pour l’analogue. Les algorithmes décident ainsi quels contenus seront montrés à quelles et surtout à combien de personnes[23]. L’incompatibilité de cette ingérence avec les principes fondamentaux de la démocratie capitaliste est désormais reconnue par l’UE elle-même[24]. Cette concentration de pouvoir ne s’arrête pas aux entreprises de médias mais s’étend jusqu’à d’énormes
technomonopoles détenus par des hommes ultra-riches : Meta est la propriété de Mark Zuckerberg, qui détient une fortune de 250 milliards de dollars. On retrouve la même situation dans les médias papier suisses. Des éditeurs comme Giuseppe Nica ou Christoph Blocher contrôlent des journaux avec des tirages respectifs de 1,2 millions et 600 000[25]. Pour des supports analogues en particulier, les conséquences des principes capitalistes et l’absence désastreuse d’un soutien large et indépendant aux médias se font clairement remarquer. Les journaux dépendent des revenus publicitaires fournis par des grandes entreprises qui ont les moyens de s’offrir des annonces, voire sont
carrément rachetés et contrôlés par des ultra-riches[26].
La fonction première des entreprises et institutions possédées par des capitalistes étant de maintenir leur position dominante et renforcer leur
hégémonie culturelle, les principes journalistiques, l’indépendance et la couverture médiatique critique sont laissés de côté. Les objectifs
d’émancipation ne sont simplement pas poursuivis. Facebook/Meta fait l’objet de critiques pour leur mauvaise protection des données, leur transmission de données d’utilisatrice·eurs et leur indifférence face à l’utilisation pour des manipulations électorales[27]. En janvier 2025, le fact-checking indépendant aux USA a été supprimé de Meta, comme il l’avait été avant sur X[28]. Les médias et réseaux sociaux sont des outils permettant d’assurer la domination des ultra-riches.
Pour permettre la création d’une société démocratique, le pouvoir des ultra-riches et des capitalistes doit être démantelé.
Le danger du fascisme
Le capitalisme n’empêche pas seulement l’existence d’une réelle démocratie, il porte aussi le danger direct d’une évolution fasciste. En effet, il ne se limite pas à un renforcement du pouvoir politique et de l’hégémonie culturelle ; les rapports de production capitalistes portent en eux, et particulièrement dans leurs crises, les graines du fascisme.
Il est impossible de définir le fascisme de manière exhaustive, car plusieurs définitions et débats cohabitent autour du concept. Fondamentalement, le fascisme n’est pas une idéologie politique mais un mode d’organisation et de commandement autoritaire et hostile à l’être humain. Il repose sur une idéologie anticommuniste, national-autoritaire, raciste, antiféministe et antisémite, ainsi qu’une mobilisation transnationale massive qui se traduit par la terreur pour la classe travailleuse et les personnes marginalisées[29]. En parallèle,
les mouvements fascistes se distinguent par l’accent placé sur l’identité, la mise en place de boucs émissaires et la violence : la critique est reçue comme une trahison, toute forme de différence rejetée, un culte de la tradition mis en place et la frustration d’une prétendue classe moyenne placée au centre des discours[30].
C’est précisément pour cette raison que le fascisme prospère au sein d’un capitalisme en crise. Quand les taux de profit diminuent, que la monopolisation se renforce toujours et que le capital et le pouvoir se concentrent toujours plus entre les mains de toujours moins de personnes, la position dominante de la bourgeoisie est menacée. L’économie de libre marché ne suffit plus à maintenir les profits des capitalistes[31]. Alors que l’existence des petit·es- bourgeois·es est menacée, les ultra-riches craignent pour leurs milliards de bénéfices et craignent donc l’émergence d’une conscience de classe parmi les travailleuse·eurs et avec elle une révolution socialiste. C’est dans ce contexte que le tapis rouge est déroulé au fascisme pour intervenir en tant que médiateur. Les capitalistes ayant besoin d’un État fort pour servir leurs
intérêts, elles et ils interviennent et utilisent l’État pour protéger leurs profits et leur position par des moyens autoritaires et violents[32]. Les partis et actrice·eurs fascistes n’ont aucun intérêt à modifier les rapports de domination. Lorsque les travailleuse·eurs se battent pour leurs droits, elles et ils sont frappés par la répression, et les syndicats, partis et associations de travailleuse·eurs sont dissous, criminalisés et leurs membres persécutés.
Les mouvements fascistes ont donc besoin du soutien d’une supposée classe moyenne qui se sent frustrée et menacée et se range donc du côté des capitalistes dans l’espoir de garantir sa propre position économique[33]. Les réductions d’impôts néolibérales aux ultra-riches des dernières années et décennies ont été accompagnées de politiques d’austérité[34] pour le reste de la population. Plusieurs études révèlent le lien direct entre politiques d’austérité et succès électoraux des partis d’extrême droite et de droite populiste[35]. Leurs narratifs s’emparent de l’insécurité économique pour l’attribuer à des explications racistes. La population est ainsi construite en opposition aux étrangère·ers et migrant·es de manière à diviser et affaiblir la classe travailleuse[36]. Cette division permet de créer un bouc émissaire clair
et de détourner l’attention des véritables clivages sociaux.
Pour voir la traduction concrète de ces relations théoriques dans la réalité, il suffit de regarder les États-Unis, en plein tournant autoritaire au moins depuis le début du second mandat présidentiel de Donald Trump[37]. Celui-ci a pris à lui seul de nombreuses décisions potentiellement inconstitutionnelles, et d’autres multimilliardaires comme Elon Musk et Mark Zuckerberg se voient confier toujours plus de pouvoir politique. L’austérité est encouragée et les personnes migrantes ou identifiées comme telles se voient persécuter, déporter ou emprisonner au nom des intérêts supposés de la population blanche étasunienne. Cette politique nationaliste, complotiste, sexiste, raciste, validiste et queerphobe, couplée à une division de la classe travailleuse et une pratique autoritaire du pouvoir, ne laisse aucun doute quant à la nature fasciste du
mouvement. Dans le même temps, ces événements déclenchent un mécanisme dit de "boomerang impérialiste", où l’on observe que les méthodes violentes employées par les États impérialistes pour oppresser les territoires coloniaux ne s’arrêtent pas aux frontières intérieures de ces territoires. Les développements fascistes se manifestent ainsi également par l’extension de cette violence jusqu’à l’intérieur même des USA impérialistes, contre des personnes migrantes ou identifiées comme telles et des militant·es socialistes.
En Europe aussi, la progression du fascisme et la collaboration du fascisme et du capital apparaissent de manière de plus en plus flagrante. En Allemagne, l’AfD gagne toujours plus de soutiens alors que la CDU tire toujours plus à droite dans sa direction pour remplir son rôle de sauveuse du capital. Il est largement connu que l’AfD comme le FPÖ en Autriche ont de plus en plus de donatrice·eurs ultra-riches. En Suisse, les points de contact entre capital et politique de droite sont apparents aussi : les millions de Blocher vont alimenter l’UDC pour renforcer sa politique raciste, misogyne et fascistoïde. La seule différence est que la politique populiste de droite de l’UDC a bien plus vite été considérée comme acceptable qu’ailleurs.
Si nous voulons réellement empêcher cette dégringolade, il nous faut lutter pour une meilleure alternative, et avant qu’il ne soit trop tard. Il ne suffit pas pour cela de dénoncer la montée du fascisme lorsqu’elle se déroule loin de nous et d’ignorer la manière dont il se déploie en Suisse aussi. L’Histoire nous apprend que les fascistes visent la destruction de nos institutions démocratiques et la dissolution de la conscience de classe de la population travailleuse. La démocratisation de tous les domaines de la vie en est donc d’autant plus importante ; une classe travailleuse forte et consciente d’elle- même luttant pour sa libération est le meilleur moyen de défaire non seulement les fascistes mais aussi les autocrates capitalistes avec lesquel·les elles et ils marchent main dans la main. En effet, la seule réelle contre-proposition à opposer au fascisme est la démocratie et la démocratisation conséquente de la vie[38] !
Partager les richesses pour lutter contre le fascisme !
La JS Suisse demande le renforcement des formes d’imposition socialement juste à court terme afin de financer des mesures de politique sociale et de redistribuer les richesses aux travailleuse·eurs. Il faut en finir avec les milliards de profits des ultra-riches ! C’est pourquoi la JS Suisse demande concrètement :
- La mise en place d’un plafond de fortune de 200 millions : Pour empêcher le creusement de l’écart entre les plus riches et la classe ouvrière, il est nécessaire de poser un plafond sur la fortune. Cela assurera une société de plus en plus juste, avec un écart toujours plus faible.
- La création d’un impôt de 50 % sur les héritages et les donations avec une franchise de 50 millions : L’imposition sur l’héritage permet d'atténuer l’accumulation intergénérationnelle du capital. C’est cette accumulation qui permet la concentration des richesses dans les mains d’un petit nombre de familles depuis des centaines d’années et avantage les enfants de
riches. - Des contrôles plus stricts contre l’évasion fiscale : Pour lutter contre l’évasion fiscale, il faut des outils adaptés. Or, les politicien·nes des partis bourgeois défendent les ultra-riches et ne mettent actuellement rien en vigueur pour empêcher ces dernière·ers de léser la majorité de la population au profit de leurs intérêts personnels en se soustrayant à
l’impôt. - La mise en place de taux minimaux mondiaux pour les impôts sur le revenu et les héritages : L’imposition doit être mondiale. En effet, les ultra- riches sont friands de tenter d’échapper à l’impôt, que ce soit de manière légale ou non. Une imposition minimum internationale répond à ce problème de manière plus efficace que des outils nationaux de lutte contre l’évasion fiscale, qui doivent cependant être utilisés de manière complémentaire. Cela permet d’empêcher la fuite des capitaux vers des paradis fiscaux qui ne bénéficie qu’aux ultra-riches et au système bancaire.
- L’application conséquente du loyer basé sur les coûts : Faire du profit sur le logement, c’est faire du profit sur le besoin de toutes et tous d’avoir un lieu sûr, tranquille et à l’abri. Aucun bénéfice ne doit encore avantager la classe capitaliste. Les coûts des logements doivent être basés sur autre chose que la simple spéculation et la rareté artificielle. En effet, toute personne a droit à un logement, droit que la Constitution garantit aussi expressément.
- La démocratisation de toutes les grandes entreprises : Les moyens de production doivent passer de la propriété privée des capitaliste à la propriété collective. Tant que la propriété privée des moyens de production existe, il y aura des inégalités de richesse, car il s’agit d’une société de classes.
Cela ne suffit pas à régler le problème à la racine mais permet une réduction superficielle de ses effets. À long terme, la JS Suisse s’engage pour le dépassement du système d’oppression et d’exploitation capitaliste. Les catégories de classe, de genre et de race doivent ainsi être supprimées pour les 99 %. Afin d’y parvenir, la JS Suisse mène des campagnes fondamentales comme celle de l’initiative pour l’avenir afin de remettre en question la légitimité du capitalisme et renforcer le développement d’une conscience de classe.
[1] Calculé sur la base du seuil de pauvreté, pour 2023. Pauvreté. (s. d.). Consulté le 6 juillet 2025, à
l’adresse https://www.bfs.admin.ch/content/bfs/fr/home/statistiques/situation-
economique-sociale-population/bien-etre-pauvrete/pauvrete-
privations/pauvrete.html
[2] La Confédération. La population suisse est majoritairement satisfaite des soins de santé. Consulté le 6 juillet 2025, à
l’adressehttps://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=99203
[3]Economic Manuscripts : Capital Vol. I - Chapter Twenty-Seven. (1867) Consulté 23 juillet 2025, à l’adressehttps://www.marxists.org/archive/marx/works/1867-c1/ch27.htm
[4] Heblich, S., Redding, S. J., & Voth, H.-J. (2022). SLAVERY AND THE BRITISH INDUSTRIAL REVOLUTION
[5]République helvétique. (s. d.). hls-dhs-dss.ch. Consulté 23 juillet 2025, à l’adressehttps://hls-dhs-dss.ch/articles/009797/2011-01-27/
[6]Biens communaux. (s. d.). hls-dhs-dss.ch. Consulté 12 juillet 2025, à l’adressehttps://hls-dhs-dss.ch/articles/013704/2001-05-17/
[6.1] Nous parlons ici de femmes parce que la vision sociale du genre de
l'époque était binaire. Il existait cependant bien entendu déjà des identités de
genre hors du modèle binaire, et il existe des minorités de genre depuis que le
genre lui-même existe. Des identités telles que la transidentité,
l'intersexuation, la non-binarité ou l'identité agenre n'étaient pas répandues
ou connues comme telles et donc pas utilisées. De plus, la réalité des minorités
sexuelles de l'époque ne se limitait pas à l'exploitation par le travail non
rémunéré mais impliquait aussi l'invisibilisation totale et l'oppression
existentielle par la pensée chrétienne dominante dans le monde. C'est pour ces
raisons que nous parlons ici des femmes afin de permettre une comparaison
cohérente entre la perspective historique et l'analyse actuelle, sans avoir à
expliquer en détail les différences entre les réalités matérielles de l'époque
et celles d'aujourd'hui ni les confondre.
[7] Eigene Berechnungen basierend auf der Gesamtschweizerischen Vermögensstatistik 2021.
[8] Bilanz (2024). Die 300 Reichsten 2024. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://www.bilanz.ch/bilanz/die-300-reichsten-2024
[9] Bilanz (2024). Die 300 Reichsten 2024. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://www.bilanz.ch/bilanz/die-300-reichsten-2024
[10] SKOS (o.D.). Armut. Consulté le 22 août, à l’adresse https://skos.ch/themen/armut
[11] Lampart, D., Gisler, E., Schley, M. (2024). Verteilungsbericht 2024. SGB.
[12] Bundesamt für Statistik (2020). Kontensequenz (VGR)
[13] Schärrer, M., Höglinger, D., Gerber, C. (2022). Entwicklung und Renditen auf dem Mietwohnungsmarkt 2006 – 2021. Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien.
[14] Martínez, I., Baselgia, E. (2022). Tracking and Taxing the Super-Rich: Insights from Swiss Rich Lists. KOF Working Paper 501.
[15] Rosa-Luxemburg-Bildungswerk Hamburg e.V. (2006). Hegemonie und Gegen-Hegemonie als pädagogisches Verhältnis. Hamburger Skripte 15.
[16] Martínez, I. Z., Marti, S. & Scheuer, F. (2025). L’influence des impôts sur la fortune sur la répartition de la fortune dans les cantons suisses, 1969-2018. Social Change in Switzerland, N°40. doi: 10.22019/SC-2025-00001
[17] Piketty, T. (s. d.). Roosevelt n’épargnait pas les riches. Libération. Consulté 9 juillet 2025, à l’adresse https://www.liberation.fr/france/2009/03/17/roosevelt-n-epargnait-pas-
les-riches_546501/
[18]En dix ans, les Suisses ont caché 66 milliards de francs au fisc—Le Temps. (2023, juin 22).https://www.letemps.ch/suisse/en-dix-ans-les-suisses-ont-cache-
66-milliards-de-francs-au-fisc
[19] Elsässer, L., Hense, S. & Schäfer, A. (2018). Government of the people, by the elite, for the rich: Unequal responsiveness in an unlikely case. MPIfG Discussion Paper, No. 18/5.
[20] Schmitt, M. et al. (2025). Milliardärsmacht beschränken, Demokratie schützen.
[21] Rosa-Luxemburg-Bildungswerk Hamburg e.V. (2006). Hegemonie und Gegen-Hegemonie als pädagogisches Verhältnis. Hamburger Skripte 15.
[22] Bundesamt für Kommunikation (2024). Medienmonitor Schweiz. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://www.medienmonitor- schweiz.ch/konzerne/meinungsmacht/
[23] Mandela N. et al (2025). Social Media Manipulation and the Threat to Democracy: Analyzing the Role of Disinformation. The Voice of Creative Research, Vol. 7, Issue 1.
[24] Weber, R. H. (2022). Künstliche Intelligenz: Regulatorische Überlegungen zum „Wie“ und „Was“. Zeitschrift für Europarecht, 2022/1.
[25] Bauer, J. (14. März 2025). (Un)Heimliche Meinungsmacher. Correctiv. Consulté le 24 juillet, à l’adresse
https://correctiv.org/aktuelles/medien/2025/03/14/unheimliche-meinungsmacher-
blocher-zeitung-svp-schneider-nica/
[26] Wegelin, Y. (5. März 2015). Was ist journalistische Unabhängigkeit. WOZ die Wochenzeitung. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://www.woz.ch/1510/kommentar/was-ist-journalistische-unabhaengigkeit
[27] Baetz, B., Zilm, K. (10. April 2018). Daten ohne Schutz – Zuckerberg in Bedrängnis. Deutschlandfunk. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://www.deutschlandfunk.de/der-facebook-skandal-daten-ohne-schutz-
zuckerberg-in-100.html
[28] Graves, L. (13. Januar 2025): Will the EU fight for the truth on Facebook and Instagram?. The Guardian. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://www.theguardian.com/technology/2025/jan/13/meta-facebook-factchecking-eu
[29] Häusler, A., Fehrenschild, M. (2020). Faschismus in Geschichte und Gegenwart. Ein vergleichender Überblick zur Tauglichkeit eines umstrittenen Begriffs. Manuskripte (Vol. 26). Rosa-Luxemburg-Stiftung.
[30] Gehrlach, A. (26 mai 2024). Das fünfzehnte Element des Faschismus. Geschichte der Gegenwart. Consulté le 24 juillet, à l’adresse
https://geschichtedergegenwart.ch/das-fuenfzehnte-element-des-faschismus/
[31] Horkheimer, M. (1939). Die Juden und Europa. In: Zeitschrift für Sozialforschung, Vol. 8/1939.
[32] Trotzki, L. (1932). Demokratie und Faschismus. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://www.marxists.org/deutsch/archiv/trotzki/1932/wasnun/kap02.htm
[33] Mandel, E. (1953). Vingt ans après. Consulté 9 juillet 2025, à
l’adressehttps://www.marxists.org/francais/mandel/works/1953/07/vingt.htm
[34] Austeritätspolitik beschreibt neoliberale Politik, die zuerst Steuern für die Reichsten senkt, um danach aufgrund von fehlenden Steuereinnahmen bei öffentlichen Dienstleistungen zu sparen.
[35] Kaufmann, S. (2024). Macht Sparen rechts? Und warum?. Consulté le 24 juillet, à l’adresse https://politischeoekonomie.com/macht-sparen-rechts-und-warum/
[36] Tundermann, S. (2022). The Political Economy of Populist Reason in The Netherlands. New Political Science, 44(4), 507-523.
https://doi.org/10.1080/07393148.2022.2129923
[37] Hermsmeier, L. (20. März 2025): Faschismusdebatte Made in USA. WOZ die Wochenzeitung. Consulté le 24 juillet, à l’adresse
https://www.woz.ch/2512/faschismusdebatte/made-in-usa/!SXG7HRG2T7C3
[38] Pfaff, T. (2024). Über das untrennbare Verhältnis von Kapitalismus und Faschismus. Steady. Consulté le 24 juillet, à l’adresse
https://steady.page/de/pfaffblog/posts/6f3a45a3-5e3c-4fa1-96f2-ed9fa244e77d