Le désastre humanitaire doit prendre fin — liberté et justice pour les Palestinien·nes.

19.02.2024

Résolution approuvée lors de l’Assemblée annuelle de la JS Suisse des 17 et 18 février 2024 à Berne-Bümpliz

Cette résolution traite de la situation actuelle en Israël/Palestine. Pour notre position sur la situation avant le 7 octobre 2023, nous renvoyons à notre résolution adoptée en 2022.

Nous condamnons tous les actes et déclarations discriminatoires, qu'ils soient racistes de manière antisémite ou antimusulmane, et déplorons l'augmentation de ces actes depuis les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 et les attaques israéliennes sur les territoires palestiniens. Nos critiques dans cette résolution s'adressent au gouvernement israélien et à ses alliés, et non à la religion et à la culture juives ou aux personnes juives. Nous reconnaissons également que certain·es actrice·eurs de droite accusent d'antisémitisme toute critique même légitime et non antisémite de l'action du gouvernement israélien afin de discréditer les opinions de leurs opposant·es. Face à la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza et à la violence indescriptible contre les civil·es dans toute la région, il est essentiel que les forces qui se consacrent aux droits de l'homme et luttent contre toutes les formes de discrimination et d'oppression s'allient et s'unissent pour défendre l'humanité.

Classement de l'actualité

Le 7 octobre 2023, le Hamas a mené une attaque contre Israël, tuant plus d'un millier de civil·es[1]. Les attaques terroristes menées par le Hamas visaient à tuer des civils et à violer systématiquement les femmes[2]. De tels crimes de guerre ne peuvent jamais être considérés comme une forme légitime de résistance. Nous condamnons donc fermement les attaques du 7 octobre 2023, qui ont profondément ébranlé la population israélienne et son sentiment de sécurité et eu des répercussions sur les Juive·ifs vivant en Suisse. En outre, le Hamas est un groupe islamiste qui défend des valeurs antisémites, ultraconservatrices, fondamentalistes et antidémocratiques. Il est également critiqué par la population de la bande de Gaza[3], car il ne la représente pas et n'agit pas en sa faveur.

Après cette attaque, le gouvernement israélien a mené un assaut de grande envergure contre les territoires palestiniens et en particulier la bande de Gaza, principalement par des bombardements, une offensive terrestre et un durcissement du blocus. Avec ces attaques, l'armée israélienne a rasé une grande partie de la bande de Gaza[4]. Il faut préciser que les attaques israéliennes ne peuvent pas être considérées comme de la légitime défense reconnue par le droit international, la légitime défense devant être proportionnelle et non préventive[5].

Les attaques des forces israéliennes contre la bande de Gaza ont placé les Palestinien·nes dans une situation catastrophique.

Plus de 26 000 personnes dans la bande de Gaza, en majorité des civil·es, ont été tuées[6]. 85 % de la population de Gaza a été forcée à l'exode interne[7]. Une grande partie des infrastructures médicales vitales ont été endommagées ou détruites[8]. Le contrôle et le blocus israéliens des frontières de la bande de Gaza rendent en grande partie impossible la livraison de biens de première nécessité tels que la nourriture, l'eau, le carburant et l'équipement médical (situation à la mi-janvier 2024)[9]. Outre le contrôle des frontières, les ordres d'évacuation et les bombardements limitent l'accès de l'aide humanitaire et des travailleuse·eurs humanitaires[10]. L'approvisionnement en électricité de la bande de Gaza depuis Israël a été interrompu à la suite du 7 octobre[11]. La pénurie d'électricité affecte notamment le traitement des eaux usées, l'utilisation d'appareils médicaux[12] et les communications numériques[13]. En outre, les bombardements ont détruit toutes les universités[14] de Gaza, des centres religieux et culturels ciblés ainsi que d'innombrables monuments historiques[15].

L'accès des journalistes est également très limité et plus d'une centaine de professionnel·les des médias ont déjà été tué·es par les attaques de l'armée israélienne[16]. En Cisjordanie, les violences contre la population palestinienne ont également augmenté, par exemple sous forme d'arrestations et de raids.

La politique agressive du gouvernement israélien est contraire au droit international. Tout d'abord, les puissances occupantes sont tenues de garantir à la population l'accès aux ressources vitales dans les territoires occupés. Le blocus et l'arrêt de l'approvisionnement en eau, en nourriture et en médicaments pour la population sont interdits par les conventions internationales. Une population ne doit pas être affamée pour des raisons de tactique politique[17]. Le siège de la bande de Gaza, qui dure depuis des années et s'est intensifié depuis le 7 octobre, est clairement illégal.

Il est également interdit de punir l'ensemble d’une population pour les actions des membres d'un groupe donné, quelle que soit la gravité des actes commis. Le secrétaire général des Nations unies a qualifié les bombardements effectués par le gouvernement israélien de punitions collectives de ce type[18]. Les arrestations massives telles que pratiquées par Israël sont également interdites, et le traitement inhumain des personnes détenues[19] est contraire au droit international.

Accusation de génocide contre les Palestinien·nes.

L'occupation et le blocus des territoires palestiniens ainsi que le traitement de la population palestinienne par l'État israélien correspondent au crime d'apartheid, tel qu'il a été exposé, entre autres, par Amnesty International[20] et Human Rights Watch[21] et décrit dans la résolution de 2022 de la JS[22]. L'ONU reconnaît l'occupation par des colonies de peuplement[23] et une dynamique coloniale basée sur l’accaparement du territoire[24]. En ce sens, nous ne considérons pas la situation comme un « conflit » entre Israël et les territoires palestiniens et ne cherchons pas à trouver des solutions à un « conflit » entre deux parties égales. Nous devons plutôt reconnaître la nature oppressive et coloniale de la politique israélienne et le déséquilibre de pouvoir entre Israël et la Palestine, qui existent depuis des décennies.

Depuis l'intensification des attaques israéliennes en octobre, des accusations de génocide ont été lancées, notamment par des chercheuse·eurs en droit international[25] et des expert·es de l'ONU[26]. En droit international, le génocide décrit les crimes commis contre un groupe dans l'intention de le détruire[27]. Or, cette intention est difficile à prouver. L'Afrique du Sud a déposé une plainte pour génocide contre Israël auprès de la Cour internationale de justice[28]. Même s'il peut s'écouler des années avant qu'un jugement définitif ne soit rendu, la Cour, en décidant d'entrer en matière sur la plainte, a déjà décidé de mesures immédiates. Ainsi, l'État israélien est tenu de veiller à ce que ses troupes ne commettent pas de génocide dans la bande de Gaza et à ce que la situation humanitaire s'améliore. Nous saluons cette plainte, car les déclarations des autorités israéliennes laissent supposer qu'elles veulent exterminer la population palestinienne. L'Afrique du Sud l'a démontré dans sa plainte à l'aide de divers exemples[29] : le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a qualifié les habitants de la bande de Gaza d'« animaux humains »[30], le président israélien Herzog a déclaré que les civil·es étaient également impliqué·es dans le terrorisme du Hamas[31] et Nissim Vaturi, vice-président de la Knesset, a déclaré que « Gaza devait brûler » et que les personnes restantes devaient être exterminées[32]. Dans le contexte des crimes de guerre commis par ces mêmes autorités, ces déclarations témoignent de la volonté de détruire Gaza. De telles déclarations témoignent en outre de la déshumanisation générale de sa population, alimentée par un sentiment islamophobe croissant dans le monde entier. La suite des débats judiciaires apportera plus de clarté sur le plan juridique, mais le tribunal reconnaît d'ores et déjà qu'un génocide ne peut être exclu. Nous nous associons donc aux accusations de génocide, car l'objectif premier doit être d'en empêcher un. Pour cela, il faut continuer à faire pression sur l'État israélien.

Enfin, il convient également de souligner que la relation entre Israël et la Palestine n'existe pas en vase clos, mais que de nombreux autres États influencent la situation en soutenant l'une des parties. Sans vouloir dresser une liste exhaustive de ces Etats, nous tenons à souligner en particulier l'importance des États-Unis qui soutiennent inconditionnellement Israël, notamment sous la forme de milliards d'aide militaire chaque année[33] et par l'utilisation de leur droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU[34]. D'autre part, le gouvernement iranien, entre autres, soutient le Hamas financièrement et militairement[35] car il partage ses valeurs fondamentalistes et le considère comme un allié dans sa lutte contre Israël. Pour apaiser et résoudre la situation, les États impérialistes doivent être contraints de faire passer le bien-être des populations de la région avant leurs prétentions au pouvoir.

Liberté pour le peuple palestinien

Compte tenu des décennies d'oppression de la population palestinienne et de la situation catastrophique à laquelle la bande de Gaza et la Cisjordanie sont confrontées depuis octobre 2023, une solution doit être trouvée pour mettre fin immédiatement au désastre humanitaire dans la bande de Gaza puis pour libérer la population palestinienne de l'occupation israélienne afin que toutes et tous puissent vivre en sécurité, en paix et dans la liberté.

Pour mettre fin immédiatement aux crimes de guerre contre le peuple palestinien, nous demandons :

  • un cessez-le-feu immédiat et durable ;
  • la levée complète du blocus autour de Gaza ;
  • l'augmentation de l'aide humanitaire internationale envoyée à Gaza ;
  • la libération des otages pris par le Hamas ;
  • la libération des prisonnière·ers politiques palestinien·nes détenu·es en Israël[36] ;
  • la fin des livraisons d'armes offensives par les États-Unis et tous les autres États, qui se chiffrent en milliards, et l'arrêt de la politique de veto permanent au Conseil de sécurité de l'ONU ;
  • l’arrêt du financement du Hamas et des livraisons d'armes par l'Iran et ses alliés.

Nous sommes solidaires de tous les groupes qui, dans la région du Moyen-Orient, luttent contre les régimes oppressifs et inhumains et s'engagent pour la liberté et la justice pour l'ensemble de la population civile, indépendamment de la nationalité, de la religion ou de l’ethnie des personnes.

Des manifestations importantes et régulières ont également lieu depuis plus d'un an en Israël contre le gouvernement d'ultradroite de Netanyahou, qui ne représente pas non plus la population[37].

La Suisse doit également assumer sa responsabilité envers la situation Israël/Palestine. Nous demandons donc :

  • l'arrêt immédiat des exportations d'armes vers Israël et la fin de toutes les relations militaires et commerciales avec le gouvernement israélien ;
  • un soutien explicite à la plainte déposée par l'Afrique du Sud contre Israël auprès de la CIJ ;
  • un travail actif de la délégation suisse au Conseil de sécurité afin que l'ONU assume ses responsabilités en matière de protection des droits de l'homme et du droit international.

Mettre fin aux attaques actuelles contre la bande de Gaza par un simple cessez-le-feu ne suffira pas à instaurer la justice et la paix dans la région. Nous nous prononçons donc en faveur d'un processus de justice transitionnelle qui doit être mis en place le plus rapidement possible. La justice transitionnelle désigne l'ensemble des instruments judiciaires et non judiciaires qui peuvent être utilisés par une société marquée par le conflit ou la violence afin de faire reconnaître les victimes, de renforcer le respect des droits de l'homme, de surmonter les différences et de prévenir de futures violences[38]. Cette stratégie contribuera à trouver une solution pour que toutes et tous les habitant·es de la région, sans distinction de nationalité, de religion ou d'ethnie, puissent vivre ensemble dans la liberté, la paix et la sécurité.

Nous demandons donc également :

  • que tous les États, en particulier européens et nord-américains, cessent immédiatement leur soutien politique et économique inconditionnel au gouvernement israélien ;
  • la réactivation du comité des Nations unies contre l'apartheid ;
  • le lancement dès que possible de procédures de justice transitionnelle avec un soutien international.

Dans des temps aussi sombres, nous nous battons pour l'humanité. Nous espérons et croyons que la paix et la justice finiront par l'emporter. C'est pour cela que nous, JS Suisse, nous engagerons par tous les moyens.


[1] https://www.reuters.com/world/middle-east/israel-revises-death-toll-oct-7-hamas-attack-around-1200-2023-11-10/

[2] https://www.phr.org.il/en/gender-based-violence-eng/?pr=9826

[3] https://apnews.com/article/gaza-hamas-demonstration-israel-blockade-palestinians-306b19228f9dd21f1036386ce3709672

[4] https://apnews.com/article/israel-gaza-bombs-destruction-death-toll-scope-419488c511f83c85baea22458472a796

[5] https://www.jurist.org/commentary/2023/12/7-10-the-question-of-israels-right-to-self-defense-under-international-law/

[6] https://www.amnesty.org/en/latest/news/2024/01/israel-must-comply-with-key-icj-ruling-ordering-it-do-all-in-its-power-to-prevent-genocide-against-palestinians-in-gaza/

[7] https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142182

[8] https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142182

[9] https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142182, https://news.un.org/en/story/2023/12/1144972

[10] https://www.msf.ch/de/neueste-beitraege/pressemitteilung/gaza-evakuierungsbefehle-und-heftige-luftangriffe-rund-um

[11] https://www.hrw.org/news/2023/10/18/israel-unlawful-gaza-blockade-deadly-children

[12] https://www.icrc.org/en/document/Gaza-power-fuel-crisis

[13] https://www.hrw.org/news/2023/11/15/gaza-communications-blackout-imminent-due-fuel-shortage

[14] https://euromedmonitor.org/en/article/6108/Israel-kills-dozens-of-academics,-destroys-every-university-in-the-Gaza-Strip

[15] https://www.heritageforpeace.org/wp-content/uploads/2023/11/Report-of-the-effects-of-the-last-war-of-2023-on-the-cultural-heritage-in-Gaza-Strip-Palestine-english.pdf?fbclid=IwAR1adISTNx0oAWoqXuYDF0lCoxruPnP5dBylyFG7C0JmfATOiy0ciEK3Gyk

[16] https://cpj.org/2024/01/journalist-casualties-in-the-israel-gaza-conflict/

[17] https://www.hrw.org/de/news/2023/12/18/israel-aushungerung-als-kriegswaffe-gaza-eingesetzt

[18] https://news.un.org/en/story/2024/01/1145537

[19] https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/un-human-rights-office-opt-disturbing-reports-north-gaza-mass-detentions-ill-treatment-and-enforced-disappearances-possibly-thousands-palestinians

[20] https://www.amnesty.org/en/documents/mde15/5141/2022/en/

[21] https://www.hrw.org/report/2021/04/27/threshold-crossed/israeli-authorities-and-crimes-apartheid-and-persecution

[22] https://juso.ch/de/positionspapiere/wir-verurteilen-die-systematische-unterdruckung-der-palastinensischen-bevolkerung-durch-den-israelischen-staat/

[23] https://news.un.org/en/story/2022/10/1129942

[24] Busbridge, R. (2018). Israël-Palestine et le 'tournant' colonial des colons : De l'interprétation à la décolonisation. Theory, Culture & Society, 35(1), 91-115. https://doi.org/10.1177/0263276416688544

[25] https://twailr.com/public-statement-scholars-warn-of-potential-genocide-in-gaza/

[26] https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/11/gaza-un-experts-call-international-community-prevent-genocide-against

[27] https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2002/358/de

[28] https://www.icj-cij.org/case/192

[29] https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20231228-app-01-00-en.pdf

[30] https://www.hrw.org/fr/news/2023/10/18/israel-le-blocus-illegal-de-gaza-des-effets-fatals-pour-des-enfants

[31] https://www.itv.com/news/2023-10-13/israeli-president-says-gazans-could-have-risen-up-to-fight-hamas

[32] https://www.jpost.com/israel-hamas-war/article-781618

[33] https://edition.cnn.com/2023/10/11/politics/presidents-israel-cnn/index.html

[34] https://www.npr.org/2023/12/08/1218332312/israel-hamas-war-us-ceasefire-veto-un

[35] https://www.dw.com/en/israel-hamas-war-what-is-irans-role/a-67043337

[36] Des milliers de Palestinien·nes croupissent dans les prisons israéliennes sans inculpation ni possibilité de se défendre dans le cadre d’un l'État de droit. Cela ne concerne pas les combattant·es du Hamas. https://www.ndr.de/nachrichten/info/epg/Keine-Anklage-kein-Prozess-Administrativhaft-in-Israel,sendung1367690.html

[37] https://www.reuters.com/world/middle-east/five-months-with-no-deal-sight-israels-judicial-protests-endure-2023-05-27/

[38] https://www.ohchr.org/en/transitional-justice