Prise de position de la JS Suisse adoptée lors de l’assemblée des délégué·e·s du 24 septembre 2023 à Uster (ZH)
Les partis d’extrême droite gagnent du terrain dans toute l’Europe. En Italie, la post-fasciste Meloni est au pouvoir ; en Allemagne et en France, l’extrême droite représente désormais la première force d’opposition. Il semblerait que ni les partis conservateurs bourgeois ni la gauche européenne ne soient actuellement en mesure de s’opposer à cette montée en puissance. Dans ce contexte, l’UDC conclut dans certains cantons des apparentements de listes pour les élections au Conseil national avec Massvoll, dirigé par un sympathisant néonazi, ainsi qu’avec le PLR dans d'autres cantons. Cette évolution est exemplaire pour l’un des partis d’extrême droite les plus puissants d’Europe. L’UDC réussit à s’allier aussi bien avec le puissant bloc bourgeois qu’avec les structures les plus antidémocratiques, ce qui lui permettra probablement de remporter les élections de cet automne.
L’UDC s’est toutefois développée bien plus tôt que les autres forces de la nouvelle droite dans d’autres pays européens : il y a 20 ans déjà, l’élection de Christoph Blocher au Conseil fédéral a marqué un événement historique de la politique suisse. Ce moment a provisoirement marqué le point culminant de l’ascension fulgurante de l’UDC, qui est passée du statut de parti régional à celui de force politique la plus puissante du pays. L’UDC n’est pas le premier mouvement d’extrême droite en Suisse — on pense notamment aux mouvements frontistes ou à l’initiative Schwarzenbach —, mais c’est de loin celui qui a obtenu le plus grand succès. Le parti est ainsi également devenu un point de référence central pour les partis et mouvements d’extrême droite les plus divers dans l’ensemble de l’Europe.
L’UDC représente un danger pour la démocratie et les habitant·es de la Suisse : son objectif est une société illibérale[1] et excluante, avec une politique économique au service des plus riches. Ses stratégies actuelles sont proches de celles des actrices·teurs fascistes américain·es. En Suisse, on a presque l’impression de s’être depuis longtemps habitué·es à une telle situation.
Il est temps de montrer à quel point l’UDC est réellement dangereuse, et ce que les partis démocratiques, la société civile et la gauche en particulier doivent faire pour que l'UDC appartienne au passé. C’est l’objectif que vise ce papier de position.
1. L’ascension vers le statut de plus grande force politique de Suisse
L’UDC a été fondée en 1971 à partir du parti des paysans, artisans et bourgeois (PAB), d'envergure moyenne, et du parti démocrate (PD), plus petit[2]. Jusque dans les années 1990, l’UDC n’était pas considérée comme un parti de droite populiste, avec ses environ 10 % d’électrices·eurs et un thème central : les subventions pour l’agriculture. La direction du parti visait même, par moments, à se positionner entre les partis bourgeois et le PS en termes de contenu. Dans cette lutte interne au parti, c’est toutefois l’UDC zurichoise, dirigée par Christoph Blocher, qui l’a emporté en faveur d’une orientation claire à l’extrême droite de l’éventail des partis suisses[3].
Christoph Blocher ne voulait pas positionner l’UDC comme un complément aux partis bourgeois déjà existants, mais comme une alternative[4]. Cette aile du parti a acquis une force significative en 1992, lors de la votation sur l’adhésion à l’EEE : en disant non à une plus grande intégration à l’Union européenne contre l’avis de tous les autres partis du Conseil fédéral, l’UDC s’est placée à l’avant-garde de l’opposition politique. Les anciens partis d’extrême droite, comme l’Action nationale (mot-clé : initiative Schwarzenbach)[5], les Démocrates suisses ou le Parti des automobilistes n’ont jamais été en mesure, en tant que partis clientélistes[6], d’atteindre une large population. Christoph Blocher et consorts ont réussi en quelques années à atteindre une part de près de 30 % des électrice·teurs. Ce ne sont plus seulement les personnes issues des milieux de l’agriculture et de l’artisanat qui ont voté pour l’UDC, mais des personnes aux réalités de vie les plus diverses — de celles avec des revenus modestes aux transfuges de classe. En se concentrant sur les traditions de la classe moyenne, un agenda de réformes néolibérales et un discours sur la « surpopulation étrangère », le parti a réussi à s’imposer au centre de la société. Ce faisant, il a construit et véhiculé le mythe selon lequel le « peuple suisse opprimé » devrait se défendre contre la classe politique et le « déclin de la Suisse ». Selon l’UDC, ce déclin serait dû à la menace que feraient peser sur la Suisse des puissances hostiles à l’intérieur et à l’extérieur du territoire. Même si le parti défend en parallèle clairement les intérêts des élites, cette stratégie a été couronnée de succès pour l’UDC.
En 2003, Christoph Blocher a été élu au Conseil fédéral, évènement qui a été une apogée pour l’UDC. Quatre ans plus tard, après que l’UDC ait atteint son meilleur résultat historique en 2007 avec 29 % des voix, une réélection de Christoph Blocher est empêchée par les partis de gauche et en partie par les partis bourgeois. Eveline Widmer-Schlumpf, une UDC plus modérée en comparaison, a accepté de le remplacer, ce qui a entraîné son exclusion de l’UDC et la création du PBD. L’UDC n’a cependant pas perdu beaucoup d’électrice·teurs et, au cours des années suivantes, elle a consolidé sa position de leader auto-proclamé de l’opposition à l’aide d’initiatives[7] contre la « coalition de la raison » (Centre, PLR, PS). Ce faisant, elle a renforcé son pouvoir discursif, qu’elle utilise à tous les niveaux, que ce soit en tant que membre du gouvernement ou pour se faire passer pour l’interlocutrice de confiance de la population laborieuse. En 2010, l’initiative sur le renvoi, par laquelle l’UDC demandait l’expulsion des « étrangères·ers criminel·les », a été acceptée. En 2014, l’UDC a remporté l’initiative contre l’immigration de masse, qui visait à limiter l’immigration. L’initiative de mise en œuvre, qui insistait sur l’application à la lettre de l’initiative sur le renvoi, a été rejetée en 2016. En revanche, deux initiatives du « Comité d'Egerkingen », proche de l'UDC, ont été acceptées : en 2009, l'initiative islamophobe pour l'interdiction des minarets et en 2021, celle pour l'interdiction de se dissimuler le visage, dans laquelle l'UDC faisait passer son islamophobie sous couvert de féminisme. En 2021, la campagne du parti contre la loi sur le CO2 a empêché la protection urgente et nécessaire du climat. Enfin, pendant la pandémie de Covid, l’UDC a torpillé la politique de gestion de la Confédération et s’est associée aux opposant·es aux mesures les moins recommandables pour plusieurs référendums anti-mesures Covid. Indépendamment qu’il gagne certaines votations ou non, le parti a dominé le débat public et réussi à placer des questions relatives à son programme de manière régulière dans les discussions politiques en Suisse — particulièrement pour sa politique migratoire, bien que la Suisse soit plus dépendante de l’immigration qu’aucun autre pays d’Europe. Aujourd’hui encore, 30 ans après la reprise de l’UDC par Christoph Blocher, rien n’indique clairement que sa marche triomphale pourrait être interrompue. Les termes poussés ou réappropriés par l’UDC tels que chaos de l’asile, responsabilité individuelle, sécurité, travail, concurrence, exception suisse ou démocratie montrent la puissance du parti dans le discours. En automne 2023, l’UDC pourrait à nouveau progresser, selon les sondages.[8]
2. Objectifs de l’UDC : contre le progrès, la liberté et la démocratie
Selon ses propres déclarations, l’UDC veut « une Suisse libre, sûre, où il fait bon vivre, ouverte sur le monde et qui reste comme elle est »[9]. Il est clair que ce credo va fondamentalement à l’encontre de la politique de l’autoproclamé « parti du peuple » si l’on porte un regard plus attentif sur ses véritables revendications et, par conséquent, sur son action politique. Ces dernières années, l’UDC a tenté de bloquer tout progrès. Le parti peut par exemple se targuer d’avoir coulé la loi sur le CO2 à l’été 2021, il torpille toute tentative de rapprochement avec l’UE, s’oppose systématiquement à l’amélioration de la sécurité pour les personnes FLINTA et combat les mesures visant à assurer un avenir digne d’être vécu pour les 99 %.
Le fait est également que le parti dissimule depuis toujours pour qui il fait réellement de la politique, à savoir non pas pour la majorité des habitant·es du pays mais pour le capital. Ainsi, l’UDC suit depuis des années une ligne claire : baisse des impôts pour les entreprises et les riches particulière·ers, et démantèlement méticuleux de l’État social pour le reste de la population. L’UDC parvient toutefois à rejeter sur d’autres la misère qu’elle a elle-même provoquée : ses boucs émissaires sont « la politique rose‐verte », les personnes issues de l’immigration, les minorités religieuses, les personnes queer, trans et non-binaires et les personnes handicapées ou souffrant de maladies physiques et psychiques chroniques.
Il est cependant assez facile de démasquer l’idéologie qui se cache réellement derrière leurs discours. Ainsi, en 2020, une motion du conseiller national UDC Andreas Glarner voulait faire classer les « antifas » comme organisation terroriste ; lorsqu’un parti veut interdire la résistance au fascisme et la criminaliser au plus haut point, on imagine les idées que l’on peut trouver dans ses rangs.
La dernière obsession de l’UDC est la « folie woke » qu’elle a elle-même proclamée. Dans sa chasse aux sorcières contre les personnes trans et queer, le parti semble bénéficier de l’aide de la « Junge Tat », un groupe néonazi. Ces derniers ont mené une attaque contre un Drag Story Time pour enfants fin 2022[10] et, alors que cette attaque était fermement condamnée par tous les partis, un politicien de l’UDC a déposé une motion visant à interdire de telles manifestations à l’avenir.[11] En se focalisant sur cette question, l’UDC rejoint la stratégie actuelle de l’extrême droite aux États-Unis et en Europe. Ils qualifient de virus la soi-disant « pensée woke », sous-entendant que les personnes queer, non-binaires et trans n’auraient pas le droit d’exister. De même, l’UDC prêche la liberté tout en présentant une proposition qui vise à limiter le droit à l’avortement. Il s’agit pour ce parti non seulement de diviser les 99% mais d’exclure par tous les moyens des personnes de notre société — et ce faisant, il n’empêche pas seulement les progrès dont nous avons urgemment besoin mais s’attaque également à des acquis déjà obtenus de haute lutte.
Ces évolutions font remonter à la surface des souvenirs d’époques prétendument révolues : il y a 100 ans, les mouvements fascistes ont connu une croissance rapide avant de s’emparer du pouvoir dans différents pays. Ensuite, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a commencé à essayer de comprendre et expliquer leurs stratégies de prise de pouvoir et les idéologies correspondantes. Aujourd’hui encore, il existe différentes définitions du fascisme. Il n’y a pas de consensus sur une définition générale. Il est toutefois largement reconnu que le fascisme repose sur une idéologie anticommuniste, autoritaire et nationaliste, raciste, antiféministe et antisémite, et qu’il vise une mobilisation violente des masses à l’échelle internationale, débouchant finalement sur un état de terreur. En outre, les structures fascistes tentent souvent de se présenter comme modérées et inoffensives.[12]
Les recherches actuelles sur les partis de droite radicale et d’extrême droite en Europe, comme le Rassemblement national ou l’AfD, concluent que les idéologies et les stratégies racistes, nationalistes et antidémocratiques mises en œuvre par ceux-ci ne répondent pas entièrement à toutes les définitions du fascisme.[13] L’UDC n’a pas non plus créé jusqu’à présent de milice ou de structures paramilitaires, comme cela a été le cas pour les forces fascistes classiques, si l’on considère une interprétation stricte de ces définitions[14] — mais il existe toutefois aussi des définitions moins restrictives du fascisme. La question centrale est de savoir si de telles évolutions politiques doivent être qualifiées de « fascistes » pour être perçues comme un danger par la société. En effet, les tactiques et les stratégies des idéologies et des mouvements dangereux d’extrême droite s’adaptent aussi à leur époque. La discrimination, les discours haineux et la violence se déplacent des foules violentes vers internet, où ils atteignent par divers moyens une large masse de personnes. Des podcasts, des vidéos et des mèmes permettent de diffuser des idéologies misanthropes et de créer un réseau de groupes et d'individus fascistes. Internet permet également d'intimider les politicien·nes, les militant·es et toutes celles et ceux qui s'opposent au fascisme sans avoir à en craindre les conséquences, par exemple par le biais du doxing ou de menaces anonymes. La nouvelle droite se présente respectable et propre sur elle mais elle entretient la défiance envers les groupes marginalisés tout en semant la méfiance dans la démocratie, les médias et la politique. Elle exploite ce chaos sans vergogne, se mettant en scène non seulement comme une alternative, mais aussi comme le seul salut face à la détresse qu'elle a elle-même provoquée. Une bureaucratisation et une institutionnalisation de la violence et de la haine se manifestent par exemple dans la politique institutionnelle. Les lois sont utilisées pour attiser la haine contre les minorités et les présenter comme un danger. La stratégie du moment pour ces groupes est l'accumulation de lois : en Floride, les républicains, aidé par un grand nombre de groupements d’extrême droite comme le groupe « Moms for Liberty », censurent des livres jugés trop subversifs, en Suisse, l’UDC tente de réprimer la libre autodétermination du genre par la loi. Petit à petit, ces forces tentent d’obtenir un contrôle complet sur la population et utilisent pour cela les instruments encore disponibles de la démocratie libérale bourgeoise.
L’objectif de l’UDC est en bout de course une société normalisée, définie selon ses critères, dans laquelle celui ou celle qui ne correspondrait pas à leur image de la personne humaine et/ou ne respecterait pas dans sa vie les valeurs de la droite conservatrice n’aurait pas sa place et serait exclu·e par tous les moyens. Ils et elles prétendent agir dans l’intérêt du « peuple » alors que, dans le même temps, ils et elles mènent une politique économique dans l’intérêt du capital et donc à l’opposé à celui du « peuple ». Par ailleurs, si l’on regarde comment les forces fascistes ont agi dans l’Histoire, on doit craindre que l’UDC, qui se présente comme une grande amie de la démocratie, la restreindra pourtant dès qu’elle n’en aura plus besoin. Les objectifs de l’UDC sont dangereux et fondamentalement contraires à l’idée d’une société libre et égalitaire !
3. Comment l’UDC a imposé son discours
L’UDC se considère comme un parti anti-système et peut se vendre comme tel, bien qu’elle soit elle-même la première à appartenir à la classe dominante de notre système économique. Cette hypocrisie semble malgré tout authentique, ce qui paraît inconcevable au premier abord mais peut être tout à fait plausible au second, car il s’agit d’une stratégie hégémonique.
L’UDC souhaite obtenir la supériorité d’interprétation, c’est-à-dire ancrer ses opinions et « valeurs » au sein de différents discours pour les élever en un consensus social. Le parti y parvient pour certains discours mais pas pour d’autres. Dans leur stratégie, les positions et analyses transmises ne doivent forcément pas être logiques ou vraies pour être acceptées et crues par l’ensemble de la société : grâce à une communication ciblée à différents niveaux de la société, l’UDC parvient à diffuser son idéologie de manière à ce qu’elle soit reprise en partie par les médias et d’autres acteurs politiques et sociaux. Pour faire progresser sa propre hégémonie, l’UDC mise sur une approche diversifiée. Grâce au populisme de droite, à la promotion d’une identité commune du « peuple suisse », à l’influence des médias, à une normalisation constante des contenus extrêmes et à son vaste réseau, elle déplace constamment le consensus social. Ensemble, ces éléments constituent une stratégie d’hégémonie efficace.
3.1. Le populisme de droite comme outil
Un outil important pour le succès de l’UDC est le populisme de droite, pour lequel le parti est désormais qualifié d’avant-garde de l’extrême droite en Europe. Ailleurs, des partis nationaux-socialistes comme le Nationaldemokratische Partei Deutschlands (NPD) ont repris des éléments de discours de l’UDC : par exemple, le mouton noir pour lequel elle a par exemple été sanctionnée oralement par Doudou Diène, alors rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme[15]. Le Rassemblement national avec Marine Le Pen à sa tête, lui aussi d’extrême droite, s’est également volontiers inspiré de l’UDC et enthousiasmé par exemple pour l’initiative raciste et islamophobe pour l’interdiction des minarets.[16]
Le meilleur exemple de la stratégie populiste de droite du parti est la création d’un discours du « peuple » dont il défendrait les intérêts — mais ce « peuple » n’est pas le même pour toutes et tous. C’est l’idéologie de droite populiste correspondante qui détermine qui en fait partie et qui non — une idéologie qui comprend souvent le peuple au sens d’une nation culturelle[17] : on suggère ainsi que ce peuple a des intérêts homogènes, pour lesquels les populistes de droite s’engagent, tandis que l’« élite corrompue » (selon la définition : médias, intellectuel·les et/ou dissident·es politiques) s’engage pour des minorités et mène une politique contre les intérêts du peuple. Mais il est clair que l’UDC fait partie de l’élite politique et économique : son personnel occupe des fonctions centrales au sein du capital suisse et plusieurs milliardaires siègent à sa tête. Ils et elles font de la politique pour les 1 % les plus riches, et mènent une lutte des classes par le haut. C’est pourquoi l’UDC est au-dessus de tous les autres partis en termes de budget : les millions qu’elle consacre à ses campagnes électorales et de votation incendiaires lui viennent directement de l’élite économique suisse, comme Christoph Blocher lui-même, Walter Frey, le banquier Marcel Ospel, le financier Tito Tettamanti ou Martin Ebner[18] — et c’est précisément ce qu’il s’agit de masquer. Le credo typique est donc « nous contre les autres », « nous, le peuple ».
Pour que le « peuple suisse », défini selon les critères de l’UDC, puisse être représenté, les gens doivent se sentir appartenir à ce « nous ». Depuis ses débuts, l’UDC tente systématiquement de construire cette identité dans son discours en présentant l’image d’une « Suisse qui aime la liberté et qui se défend »[19], une politique identitaire classique comme ce que la droite reproche toujours volontiers à la gauche. Tout le monde ne peut pas se sentir appartenant au groupe, loin de là : la droite populiste crée des facteurs d’exclusion afin de développer une opposition entre le « nous » et le « eux ». Dans le cas de l’UDC, ce sont par exemple les personnes sans passeport suisse, racisées, queer, trans et non-binaires ainsi que d’autres groupes marginalisés, de manière à ce que les forces progressistes se retrouvent du côté antagonisé.
4. Les médias au service de l’extrême droite
Outre les campagnes d’affichage bien connues de l’UDC, une partie importante de la propagande contre les groupes mentionnés plus haut est diffusée par les médias. Au début des années 2000, le parti de Christoph Blocher a tenté de mettre en place ses propres médias. La « Weltwoche », remaniée en 2001 sous la direction de Roger Köppel comme une antenne proche de l’UDC, a pu s’établir depuis maintenant plus de 20 ans comme journal partisan. Le projet de Christoph Blocher de transformer le « Basler Zeitung » en un quotidien de droite a en revanche échoué,[20] ce qui ne l’empêche pas de posséder aujourd’hui 25 journaux gratuits avec la société Swiss Regiomedia AG. Markus Somm, membre du PLR et ancien rédacteur en chef du « Basler Zeitung », a, pour Christoph Blocher, amené un autre média sur la ligne nationale-conservatrice en reprenant le « Nebelspalter » avec un succès mitigé[21]. Récemment, le « Sonntagszeitung » de la maison d’édition Tamedia s’est surtout profilé comme le diapason de la guerre culturelle de droite, par exemple en promouvant l’idée absurde de la « gauche intolérante ».[22] De plus, l’UDC peut compter sur la « NZZ » et, depuis peu, la « NZZ am Sonntag », lorsqu’il s’agit de diffuser pile pour la campagne électorale ses cadrages racistes et anti-migrants.[23]
Mais ce n’est pas tout : la société suisse de radio et de télévision (SSR), prétendument détestée par la droite, a commencé ces derniers temps à diffuser de plus en plus de propagande de droite. Ainsi, la SRF adapte sans aucun doute la rhétorique de l’UDC et a diffusé une émission de son format « Arena » intitulée « Asylchaos mit Ansage? » (« Le chaos annoncé de l’asile ? ») après la catastrophe en Méditerranée au cours de laquelle les garde-côtes grec·ques ont laissé se noyer plus de 500 personnes en fuite. Auparavant, la SRF avait aussi repris le discours mensonger de l’UDC qui rendait les personnes en fuite responsables de l’avidité de sociétés immobilières sans scrupules à Seegräben et Windisch, titrant : « Seegräben stellt Mieter wegen Geflüchteten auf die Strasse » (« Seegräben met des locataires à la rue à cause des réfugiés »).[24] Il est profondément inquiétant que même la radio et la télévision financées par les pouvoirs publics, qui ont la plus grande influence médiatique du pays, reprennent des récits clairement de droite.[25] Avec sa stratégie, le parti parvient manifestement à renforcer petit à petit l’influence des contenus d’extrême droite.
5. Pourquoi l’UDC n’est pas perçue comme d’extrême droite
L’UDC poursuit cette normalisation des contenus haineux de manière de plus en plus routinière, et des représentant·es du parti font régulièrement parler d’elles et eux lorsqu’on leur découvre des liens avec des groupes d’extrême droite. Par exemple, l’ancien président de l’UDC Buchs, qui poursuit aujourd’hui son engagement auprès de la Junge Tat,[26] ou d’autres responsables qui partagent sur Internet la propagande néonazie de C18 et consorts.[27] Malgré cela, le parti parvient à être vu comme un parti populaire bourgeois car il a poussé à la perfection son jeu de la normalisation.
Sa taille et sa notoriété semblent donner au parti une carte blanche politique en ce qui concerne la diffusion et l’incitation à la haine. Ainsi, l’UDC n’hésite pas à se rapprocher de plus en plus de l’extrême droite dans sa communication. Pour beaucoup, cela ne pose aucun problème, car l’UDC est démocratiquement légitimée et largement soutenue. L’histoire italienne montre que l’inclusion de fascistes dans les structures démocratiques ne conduit pas à l’abandon du fascisme, le camp bourgeois ayant finalement élu au gouvernement le fasciste Mussolini.
L’UDC provoque de plus en plus souvent avec une symbolique clairement nazie, comme l’affiche des vers pour les élections fédérales de 2019. Le motif utilisé ressemble à s’y méprendre à une caricature de l’ancien magazine SS « Der Stürmer »[28]. Mais après chaque « dérapage », ils et elles reviennent toujours sur leurs pas et/ou nient. Le style n’est pas non plus le même à tous les niveaux. Le ton est surtout donné par les représentant·es nationales·aux, qui se retrouvent aussi dans des associations « indépendantes » du parti comme le « Comité d’Egerkingen ». Le parti montre cependant une tout autre image de lui-même au niveau local et communal : les conseillères·ers communales·aux UDC sont souvent des membres bien intégré·es de la commune, qui défendent une position plus modérée et sont présent·es auprès des électrices·eurs UDC en tant qu’interlocutrices·eurs direct·es et figures de proue. Avec cette largeur d’écart politique au sein du parti, l’UDC instille une normalisation sans précédent des positions d’extrême droite. De plus, en raison de sa taille et de son succès, les partis bourgeois tentent de s’aligner sur l’UDC et d’adopter certaines de ses stratégies — ainsi, en cette année d’élections fédérales, le PLR s’associe à l’UDC dans plusieurs cantons importants et contribue par la même activement à diffuser les positions de l’extrême droite jusqu’au cœur de la société.
Par ailleurs, l’UDC parvient à étendre son pouvoir politique grâce à des réseaux proches du parti tout en s’appuyant sur une large base. Le parti soutient des associations consacrées à toutes sortes de thématiques telles que Pro Suisse (fusion de l’ASIN et de petites organisations), Sécurité pour tous (Sifa), Pro Libertate, la Fédération des contribuables et un nouveau regroupement d’amis du nucléaire appelé Club Énergie Suisse, pour ne citer que quelques exemples. En outre, les organisations économiques Economiesuisse, l’Union patronale et l’Union suisse des arts et métiers se sont réunies sous l’aile de l’UDC et Cie avec l’Union suisse des paysans pour former une alliance. L’objectif de cette alliance est de renforcer encore la domination de la droite conservatrice à l’automne 2023.
L’UDC tente et parvient donc à influencer les discours du milieu politique et dans la société en sa faveur, et à promouvoir sa propre hégémonie en utilisant une rhétorique de droite populiste qui attise délibérément la peur et en déformant les faits et les circonstances. Pour ce faire, ils et elles utilisent les médias comme plateforme et jouent de l’ampleur et des réseaux internes de leur parti afin d’étendre leur pouvoir. En menant une politique en faveur du grand capital, le parti s’assure sa principale source de financement et peut ainsi mener des campagnes d’une grande efficacité. Les partis démocratiques bourgeois se rapprochent de plus en plus rapidement des positions extrêmes de l’UDC afin d’éviter soi-disant de « perdre en pertinence ». La stratégie du parti fonctionne et devient de plus en plus efficace, ce qui, combiné aux objectifs de l’UDC, représente un sérieux danger. La population majoritaire doit maintenant s’opposer de toutes ses forces à la progression des forces d’extrême droite, car nos acquis et nos libertés durement gagnés sont en jeu.
6. La réponse : les partis démocratiques et les médias contre l’UDC
Les bourgeois·es et les médias ont une responsabilité centrale dans l’élimination de ce danger. La gauche suisse doit s’opposer à l’UDC et aux autres actrices·eurs d’extrême droite à leurs côtés, sans compromis. Il faut pour cela isoler l’UDC, afficher sa politique comme étant nocive pour la société, mettre les actrice·teurs de la société face à leurs responsabilités et enfin établir une véritable alternative de gauche.
6.1. Pour une alliance antifasciste de gauche protégée par un cordon sanitaire contre la droite
6.1.1. Pour un cordon sanitaire contre la droite
Il ressort clairement de ses objectifs et de sa stratégie que l’UDC menace de nombreuses libertés acquises, voire la démocratie dans son ensemble. Pour protéger ces libertés et la démocratie, nous avons besoin d’un cordon sanitaire qui isole la droite. Comment se fait-il donc que, dans une démocratie prétendument intacte et unique comme celle de la Suisse, la révolte, la large résistance contre l’UDC et ses positions, ne se manifeste pas ?
Le centre bourgeois doit combattre les attaques de l’UDC contre les droits fondamentaux et les structures démocratiques, de manière conséquente et au-delà des partis. Jusqu’à présent, il ne semble cependant pas avoir fait d’efforts sérieux en ce sens, et cela doit changer de toute urgence. Les partis bourgeois démocratiques ont le devoir de se distinguer activement des partis, mouvements et idéologies fascistoïdes et de les combattre, car l’extrême droite se sert et abuse du centre bourgeois pour répandre et implanter son idéologie au sein de la population.
En effet, la politique fasciste a besoin de se rallier ces électrices·eurs et leurs partis pour prendre le pouvoir. Historiquement, les partis bourgeois et conservateurs ont toujours joué un rôle décisif dans la propagation des idéologies fascistes et dans la possibilité d’une prise de pouvoir par les fascistes.
Les partis bourgeois de droite et surtout les partis néolibéraux comme le PLR, qui font de la politique au service des intérêts du capital, ont par le passé servi de marchepieds pour la montée des forces fascistes. Cela n’est guère étonnant, car les capitalistes ont en dernière analyse pour seule boussole de continuer à engranger des bénéfices. Dans le même temps, les forces fascistes ne remettent pas fondamentalement en question l’ordre capitaliste mais le soutiennent même souvent, surtout en période de crise du capitalisme. Ces partis ne peuvent pas commettre les mêmes erreurs face à la menace des forces fascistes, et ils doivent donc prendre position maintenant !
Si nous ne voulons pas laisser gagner les idéologies d’extrême droite et fascistoïdes, il faut que la majorité de la société s’y oppose, c’est-à-dire se considère comme antifasciste et agisse en conséquence. Pour que cela soit possible, toutes les forces politiques qui se considèrent comme démocratiques doivent s’opposer résolument à l’extrême droite et combattre ses idées.
En cette année électorale, la question de la mise en place d’un cordon sanitaire ou au contraire d’une collaboration des bourgeois·es avec les forces d'extrême-droite prend une importance d’autant plus grande. Lorsque le conseiller national UDC Andreas Glarner a lancé une chasse aux sorcières contre une « journée du genre » au printemps, le maire PLR de Stäfa a fait preuve de courage en l’attaquant frontalement.[29] En revanche, de nombreux·ses représentant·es libérales·aux-radicales·aux sont restés muet·tes. L’absence de démarcation est encore plus flagrante en ce qui concerne les apparentements de listes entre le PLR et l’UDC pour les élections au Conseil national. Après que Marco Chiesa de l’UDC en ait réclamé pour l’ensemble du territoire, les deux partis devraient se présenter ensemble dans neuf cantons. Ces neuf cantons, qui comptent ensemble un peu plus de cinq millions d’habitant·es, représentent environ 60 % de la population suisse ! Le PLR contribue ainsi de manière déterminante à la poursuite de la normalisation d’une UDC radicalisée. La position antifasciste est claire : pas d’apparentements avec l’UDC !
Cette tendance à la normalisation n'a rien de surprenant, sachant que, par le passé, les partis et les organisations généralement classé·es au centre bourgeois ne se sont pas non plus montré·es des partenaires fiables dans la lutte contre le fascisme. En ce sens, l’analyse centrale est celle selon laquelle le centre bourgeois est moins une position politique autonome qu’une attitude de compromis visant à maintenir le statu quo, et qui peut être facilement tirée vers la droite. C’est le contraire qui devrait se produire, les partis du centre bourgeois doivent eux aussi se démarquer clairement de l’extrême droite ! Car dans la lutte contre le fascisme, il est important de reconnaître que celui-ci ne s’installe pas toujours nécessairement par un grand putsch contre les institutions, mais qu’il peut aussi prendre le pouvoir de manière progressive. Après les horreurs du siècle dernier, la croyance bourgeoise en une résistance au fascisme de la société actuelle est tout simplement naïve.
Les partis, organisations et personnes de gauche peuvent essayer de demander des comptes au centre bourgeois. Nous devons leur expliquer que, face au danger de la droite, il ne suffit pas de « ne pas être de droite » ou quelque chose du genre, mais qu’il est nécessaire d’adopter une attitude antifasciste proactive. La gauche peut et doit attendre de la majorité de la société, dont une grande partie vote encore à droite, qu’elle ne devienne pas fasciste ou complice de fascistes.
L’Histoire porte également des enseignements à ce sujet : il n’y a pas de doute sur la manière dont les partis bourgeois et conservateurs se comporteraient en cas de révolution sociale. Si, en tant que représentants du capital, ils doivent choisir entre le fascisme et le socialisme, ils opteront pour le fascisme, car celui-ci ne remet pratiquement jamais en question l’ordre dominant du capital. Les partis qui font de la politique au service des intérêts du capital seraient alors prêts à sacrifier les acquis libéraux et démocratiques pour assurer la survie du capitalisme — l’Histoire l’a montré. Lors de la prise du pouvoir par le fasciste Mussolini en Italie, les partis bourgeois et conservateurs lui ont servi de marchepieds pour éviter dans le même temps que les forces révolutionnaires de gauche ne prennent le dessus. C’est pourquoi un mouvement antifasciste de gauche ne peut et ne doit pas compter sur les forces bourgeoises et conservatrices, et doit s’organiser de lui-même.
6.1.2. Pour une alliance de gauche organisée et antifasciste
L’antifascisme consiste à s’opposer aux politiques liberticides, antidémocratiques et discriminatoires des partis fascistes et d’extrême droite. L’antifascisme doit faire partie des fondements d’une société démocratique. Comme nous l’avons analysé, il ne suffit cependant pas de s’appuyer sur les forces bourgeoises et conservatrices pour combattre le danger venant de la droite.
Toutefois, il faut que les partis et mouvements de gauche adoptent une stratégie adaptée pour porter la lutte antifasciste au sein de la population. L’antifascisme ne doit pas non plus être majoritairement de la responsabilité de la gauche extraparlementaire, qui mène encore aujourd’hui un travail important — car l’antifascisme nous concerne toutes et tous ! Pour rassembler les forces progressistes et antifascistes, il faut les organiser dans une nouvelle structure. Pour cela, il faut constituer une alliance antifasciste avec des partis, des mouvements et des syndicats de gauche ainsi que des personnes de la société civile[30] ! Cette alliance doit rendre la lutte antifasciste accessible et lui accorder la priorité nécessaire. Une alliance antifasciste progressiste doit avoir pour objectif de renforcer le sentiment antifasciste au sein de la population et, dans le même temps, à l’inverse d’un antifascisme bourgeois, de considérer la question sociale comme une partie centrale du travail antifasciste. Par ailleurs, elle doit veiller à augmenter la force de mobilisation antifasciste et travailler à ce que le travail de recherche antifasciste existant soit mieux assuré, développé et en partie financé par l’État. Dans cette optique, il ne s’agirait pas que cette alliance antifasciste remplace le mouvement antifasciste extraparlementaire existant, fortement ancré dans le militantisme, mais plutôt qu’elle l’élargisse et le complète. En même temps, elle doit s’assurer que les forces de gauche soient préparées contre le backlash fasciste lorsque celui-ci surviendra en réaction aux conquêtes sociales à venir. Il s’agit de dire : « L’antifascisme est et reste un devoir » !
6.2. La gauche s’oppose au système
La seule alternative au statu quo destructeur et sans perspectives est la réponse anticapitaliste, féministe et écologiste de la gauche. L’UDC ne doit plus être le premier choix des insatisfait·es du système actuel ! Pour répondre à cela, la gauche doit reprendre la place centrale de la société à l’UDC, à la droite. Elle doit se démarquer comme représentante des 99 %, défenseuse de la paysanne de montagne, de l'ouvrier ferroviaire, de l’infirmier, du bénéficiaire de l’aide sociale, de la sociologue et de l’agent fiduciaire en formation. Elle doit créer des perspectives et des alternatives à la politique haineuse et empreinte de peur de l’UDC, tout en se démarquant de la politique capitaliste des autres partis bourgeois de droite et conservateurs. Pour cela, la politique de gauche doit être authentique et concrète. Il est essentiel que les gens lui fassent confiance pour obtenir des succès politiques et soient convaincu·es que ceux-ci amélioreront la vie de nombreuses personnes. La gauche doit aller au-delà de ses ambitions actuelles, le simple maintien de son statut ne suffit pas. Elle doit ambitionner d’obtenir une majorité stable de gauche auprès des électrices·eurs suisses.
Pour cela, les lignes de conflit politiques doivent être redessinées : c’est « le bas contre le haut ». Contre l’économie des plus riches, pour une économie du plus grand nombre ! En déplaçant le consensus social, la gauche permettra une transformation de l’économie mondiale, et pour cela, il faut notamment gagner la maîtrise du discours politique. Comme l’UDC a réussi à le faire en matière de politique migratoire, la gauche doit pouvoir imposer ses analyses du réel et ses objectifs de politique commune.
En fin de compte, la gauche doit réussir à montrer aux gens qui constitue réellemeent les élites politiques et économiques en Suisse : ce n’est pas elle mais l’UDC, les libéraux-radicaux et le centre. Être opposé·e au système, c’est être de gauche. La politique de gauche fonctionne à partir de la base, là où vivent les gens. La gauche ne doit pas donner l’impression de ne faire de la politique que dans la Berne fédérale lointaine, derrière des portes closes. Pour cela, la participation au Conseil fédéral dans sa forme actuelle et le partenariat social doivent pouvoir être remis en question. La gauche doit être prête si nécessaire à constituer une opposition complète.
6.3. Les médias doivent prendre leurs responsabilités !
Les médias ont leur part de responsabilité dans le fait que l’UDC ait pu devenir aussi forte. Au cours des dernières décennies, l’UDC a rempli quotidiennement les médias de son contenu politique ; sa stratégie du scandale constant a fonctionné.
Il en va de même pour les médias : la haine n’est pas une opinion ! Les droits de l’homme et la dignité humaine ne sont pas discutables. Les déclarations et actions racistes, queerphobes, classistes et discriminatoires en général ne doivent pas être tolérées ; les médias ne doivent pas leur offrir une plateforme d'expression. Cela implique également de se détacher de l’approche du « faux équilibre »[31] : tout ce qui génère du clic n’a pas sa place dans les journaux ou à la télévision.
Les rédactions des médias et les journalistes portent une part de responsabilité dans cette situation. Bien entendu, les médias étant insérés dans un marché capitaliste, les rédactions et les journalistes doivent produire des articles qui permettent de générer des profits - et les positions extrêmes de l’UDC sont justement vendeuses. Toutefois, il serait faux de considérer qu’iels ne disposent d’aucune marge de manœuvre. En témoigne par exemple la couverture d’un même sondage portant sur les préoccupations de la population par le 24heures et le TagesAnzeiger, le premier média titrant dans sa version papier « En Suisse, on est heureux mais on s’aime peu » alors que le second article s’intitulait « Une Suisse à 9 millions : l’appel à des contingents se fait entendre » - soit exactement le discours de l’UDC. Les rédactions des médias doivent donc prendre leurs responsabilités et cesser de servir de reprendre les narratifs de l’UDC. En outre, le Conseil suisse de la presse doit adopter une position plus forte et oser réprimander les médias qui offrent une plateforme à l’UDC sans faire preuve d’esprit critique. L’une des tâches centrales du quatrième pouvoir est de contrôler les puissant·es : il est temps que cela soit enfin refait correctement pour l’UDC.
7. La Suisse n’a pas besoin de l’UDC
L’analyse de ce document montre clairement le danger que représente l’UDC. Au cours des 30 dernières années, elle s’est hissée au rang de parti le plus puissant de Suisse par une stratégie de fourberie et conserve aujourd’hui cette position sans être contestée. En s’y penchant dans le détail, on peut relever de nombreux parallèles entre ses objectifs et ceux des partis fascistes ! Pour atteindre ces objectifs, l’UDC occupe et domine le discours, se met en scène tour à tour comme un parti populaire bourgeois-conservateur radical ou modéré et entretient des liens forts avec les milieux économiques, les partis bourgeois et l’extrême droite. Si les forces démocratiques de Suisse n’établissent pas une défense, l’UDC continuera à renforcer son pouvoir et à se rapprocher de ses objectifs, ce qui sera dangereux tant pour les minorités que pour la population en général. Cela prouve qu’il n’y a pas de place pour des partis comme l’UDC au sein des structures démocratiques : l’UDC limitera nos libertés où et quand elle le pourra. Mais il n’est pas encore trop tard : les forces démocratiques doivent laisser l’UDC s’enfoncer dans le néant. Car il n’y a pas de place pour l’UDC en Suisse. L’UDC doit disparaître.
Notes de bas de page:
[1] Un modèle illibéral, inverse de libéral, implique que l'UDC vise une société basée sur l'intolérance et les préjugés.
[2] Skenderovic, Damir. 2017 "Union démocratique du centre (UDC)" dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). Consulté le 16 août 2023. (https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/017389/2017-03-20/).
[3] Hildebrand Marius. 2017. Rechtspopulismus und Hegemonie . Bielefeld : Éditions transcript. p. 19 et suivantes.
[4] Ibid. p. 72.
[5] L’initiative sur l’« Überfremdung » (surpopulation en étrangères·ers) de James Schwarzenbach a été soumise au vote le 7 juin 1970. Cette initiative extrême et raciste demandait que la proportion d’étrangères·ers en Suisse ne dépasse pas 10 %. Elle a été rejetée par 54 % des voix. L’initiative est importante parce qu’elle a marqué la naissance d’un discours sur la politique d’asile et de migration qui persiste encore aujourd’hui et qui est imprégné de haine et d’hostilité envers les étrangères·ers.
[6] Un parti politique dont le programme se limite à la représentation des intérêts (économiques) particuliers de ses partisan·es.
[7] Parmi les initiatives déposées : initiative sur l’expulsion (2008), élection du Conseil fédéral par le peuple (2011), initiative sur la famille (2012), initiative sur l’immigration de masse (2012), initiative de mise en œuvre (2012), initiative pour l’autodétermination (2016), initiative sur la limitation de l’immigration (2018).
[8] Hermann Michael. 2023. Baromètre électoral SRG SSR, rapport d’étude 2023. Sotomo. Juillet 2023. https://sotomo.ch/site/wp-content/uploads/2022/01/Barome%CC%80tre-e%CC%81lectoral-SRG-SSR-10.2021.pdf
[9] Union démocratique du centre. 2019. « Promesse électorale ». Consulté le 16 août 2023 (https://www.udc.ch/positions/promesse-electorale/).
[10] Garne, Jigme. 2022. « Neonazis stören Vorlesestunde von Dragqueens für Kinder ». Tagesanzeiger, 16 octobre 2022 (https://www.tagesanzeiger.ch/neonazis-stoeren-vorlesestunde-von-dragqueens-fuer-kinder-429812306727).
[11] Scherrer, Giorgo. 2022. « Rechtsextremismus hat in Zürich nichts verloren - und doch verharmlost ihn die SVP ». Neue Zürcher Zeitung, 27 octobre 2022 (https://www.nzz.ch/meinung/stoeraktion-in-zuerich-die-svp-verharmlost-rechtsextremismus-ld.1709337?reduced=true).
[12] Häusler, Alexander et Michael Fehrenschild. 2020. « Faschismus in Geschichte und Gegenwart. Ein vergleichender Überblick zur Tauglichkeit eines umstrittenen Begriffs ». in Manuskripte (vol. 26). Berlin : Fondation Rosa Luxemburg. p. 86.
[13] Ibid. p. 87.
[14] Ibid. p. 87.
[15] Burnand, Frédéric. 2007. « Wahlplakat stösst auf internationale Kritik ». swissinfo.ch, 14 septembre 2007 (https://www.swissinfo.ch/ger/wahlplakat-stoesst-auf-internationale-kritik/6147220).
[16] Bernet, Luzi. 2011. « Exportschlager SVP ». Neue Zürcher Zeitung, 28 janvier 2011 (https://www.nzz.ch/exportschlager-svp-ld.980481?reduced=true).
[17] Kriesi, Hanspeter. 2014. « The Populist Challenge ». West European Politics 37(2) : 361-378. p. 362.
[18] Wegelin, Yves et Sarah Schmalz. 2016. « Schweizerische Volkspartei: Die Partei des Geldes ». WOZ Die Wochenzeitung, 19 octobre 2016 (https://www.woz.ch/1638/schweizerische-volkspartei/die-partei-des-geldes).
[19] Bischofberger, Cindy, Josephine Smith, Mario Hediger, Julian Ferber et Steven Hill. 2023. « Geschichte der Heimat: Dominante nationale Narrative in der Schweiz ».
[20] ATS. 2018. "Blocher vend la ‘Basler Zeitung’". Tages-Anzeiger, 18 avril 2018 (https://www.tagesanzeiger.ch/blocher-verkauft-die-basler-zeitung-834767675670).
[21] Frank, Carl-Philipp. 2023. « Markus Somm redet vom Scheitern als Publizist – und will in die Politik ». watson.ch, 27 juillet 2023 (https://www.watson.ch/schweiz/gesellschaft%20&%20politik/731394275-markus-somm-redet-vom-scheitern-als-publizist-und-will-in-die-politik).
[22] Weber, Bettina. 2023. « Yips: Links, urban, gebildet – und intolerant ». Tages-Anzeiger. 29 juillet 2023 (https://www.tagesanzeiger.ch/links-urban-gebildet-und-intolerant-906139469508).
[23] Binswanger, Daniel. 2023. « Wovon bei diesen Wahlen geredet wir - und wovon nicht ». republik.ch, 5 août 2023 (https://www.republik.ch/2023/08/05/binswanger-wovon-bei-diesen-wahlen-geredet-wird-und-wovon-nicht).
[24] Regionaljournal Zürich Schaffhausen. 2023. « Seegräben (ZH) stellt Mieter wegen Geflüchteten auf die Strasse ». srf.ch, 24.02.2023 (https://www.srf.ch/news/schweiz/folge-der-fluechtlingskrise-seegraeben-zh-stellt-mieter-wegen-gefluechteten-auf-die-strasse).
[25] Beck, Renato. 2023. « Kuscheln mit Rechts ». TAZ Die Tageszeitung, 3 juillet 2023 (https://taz.de/Oeffentlich-Rechtliche-in-der-Schweiz/!5941792/ ).
[26] Kampmann, Enrico. 2023. « Ehemaliger Präsident der SVP Buchs ist Mitglied der Neonazi-Gruppe Junge Tat ». Tagblatt, 10 janvier 2023 (https://www.tagblatt.ch/ostschweiz/ressort-ostschweiz/rechtsextremismus-ehemaliger-praesident-der-svp-buchs-ist-mitglied-der-neonazi-gruppe-junge-tat-ld.2390361?reduced=true).
[27] Renversé. 2020. "Le jeune UDC valaisan Léo Rouvinez fait la promotion d'une néo-nazie sur Facebook". 13. August 2020 (https://renverse.co/infos-locales/article/le-jeune-udc-valaisan-leo-rouvinez-fait-la-promotion-d-une-neo-nazie-sur-2717).
[28] Ibid.
[29] ATS. 2023. "Le président de la commune de Stäfa après l’annulation de la ‘Journée du genre’ : ‘Ce qui se passe ici est un scandale’". watson.ch, 21 mai 2023 (https://www.watson.ch/schweiz/z%C3%BCrich/978146374-staefa-gemeindepraesident-nach-gender-tag-absage-veraergert).
[30] JS. 2021. « Pour un mouvement antifasciste fort et visible ! » Visité le 16 août 2023 (https://juso.ch/fr/publications/positions/pour-un-mouvement-antifasciste-fort-et-visible/).
[31] Un faux équilibre (en anglais : « false balance ») signifie qu’une opinion clairement minoritaire se voit accorder un poids disproportionné. Exemple : lors d’une discussion sur la loi sur la protection du climat, on met face à face un·e représentant·e de l’UDC et un·e autre du côté des soutiens de l’initiative. Le dispositif suggère ainsi, à tort, que l’UDC défend une position équitablement représentée au sein de la population.
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