Solidarité avec le peuple du Soudan !

18.02.2025

Résolution approuvée lors de l’Assemblée Annuelle de la JS Suisse du 15 février 2024 à Berne.

Introduction

Depuis avril 2023, le Soudan est déchiré par une guerre acharnée et sanglante entre l'armée soudanaise (SAF), dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, et les Forces de soutien rapide (FSR) paramilitaires, dirigées par le général Mohamed Hamdan Dagalo. Cette lutte pour le pouvoir a non seulement coûté la vie à des milliers de personnes mais également poussé des millions d'autres à fuir et provoqué une catastrophe humanitaire d'une ampleur inimaginable. L'escalade de la violence n'est toutefois pas seulement l'expression d'une lutte interne pour le pouvoir mais aussi le résultat de problèmes structurels ancrés depuis plusieurs décennies et d'influences extérieures qui ont systématiquement entravé le développement démocratique au Soudan[1].

Contexte historique

L’histoire du Soudan est marquée par une longue tradition d’exploitation et d’oppression qui prend ses racines dans l’époque coloniale. Sous l’occupation anglo-égyptienne (1899–1956), les ressources économiques du pays ont été systématiquement pillées et les dirigeants coloniaux ont délibérément accru les inégalités sociales et régionales afin de maintenir leur contrôle[2]. Ces inégalités profondes se sont maintenues après l'indépendance du pays en 1956, le pouvoir politique et économique restant sous une domination de quelques élites. Plutôt que des institutions étatiques inclusives, ce sont des structures oligarchiques qui ont vu le jour, gangrenées par la corruption et le clientélisme[3]. Ces circonstances n'ont cessé de s'aggraver, notamment sous le règne d'Omar el-Béchir jusqu'en 2019[4].

Le renversement d'el-Béchir en 2019 par un mouvement populaire a d'abord laissé entrevoir une lueur d'espoir ; des millions de personnes sont descendues dans la rue pour réclamer la démocratie, la justice sociale et un véritable changement politique[5]. Cependant, ces espoirs ont été anéantis par une nouvelle prise de pouvoir de l’armée en 2021. Le conflit actuel entre la SAF et les FSR n'est pas une simple lutte pour le pouvoir entre deux factions mais le symptôme d'un problème plus profond : celui d'un État instrumentalisé par ses élites pour leur enrichissement personnel et leurs luttes de pouvoir, alors que les besoins de la population sont ignorés. La faiblesse des structures de la société civile et la militarisation continue du pays ont jeté les bases de cette crise[6].

Le rôle de l’Occident

On ne peut pas analyser la crise au Soudan sans prendre en compte les influences continues de l’Occident. Plutôt que de soutenir les aspirations démocratiques du peuple soudanais, les États occidentaux ont à plusieurs reprises soutenu des régimes autoritaires afin de garantir leurs propres intérêts géostratégiques et économiques[7]. Pendant des décennies, les États occidentaux ont fourni au Soudan des armes qui sont aujourd'hui utilisées par la FAS et les FSR contre des populations civiles[8]. Des pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont soutenu des structures autoritaires, que ce soit directement ou en fermant passivement les yeux sur des violations des droits humains pour éviter de mettre leurs propres intérêts en danger.

En parallèle, l'exploitation économique des multinationales a encore aggravé la situation. L'or, le pétrole et d'autres matières premières sont extraits dans des conditions catastrophiques et les bénéfices en vont dans les poches des entreprises internationales et des élites locales[9]. La coopération de l'UE avec les FSR dans le cadre du contrôle des migrations est particulièrement cynique. Dans le cadre du processus dit de Khartoum, l'UE a travaillé en étroite collaboration avec les forces de sécurité soudanaises pour empêcher la migration vers l'Europe, soutenant ainsi indirectement des actrice·eurs responsables des plus graves violations des droits humains. On voit ainsi de quelle manière les intérêts économiques et politiques du Nord global prennent systématiquement le pas sur les droits humains[10].

Solidarité avec le peuple du Soudan !

L’Occident porte une importante responsabilité dans les développements catastrophiques au Soudan. Il est temps d’agir en solidarité avec le peuple soudanais. Il est nécessaire d’adopter un traitement politique décisif au niveau international pour sortir de la crise et ouvrir la voie à un avenir juste et démocratique.

Nous demandons :

  • L’arrêt immédiat de toutes les livraisons d’armes dans la région et la mise en place d’un contrôle conséquent du commerce international d’armes.
  • L’accueil des personnes réfugiées ainsi que la mise en place d’une aide humanitaire globale sur place.
  • Un soutien à long terme de structures de la société civile et de mouvements démocratiques au Soudan.
  • De forts contrôles des multinationales et le respect conséquent des droits humains.

[1] https://www.jstor.org/stable/resrep60132

[2] https://www.britannica.com/place/Sudan/The-British-conquest

[3] https://knowledgehub.transparency.org/assets/uploads/helpdesk/342_Corruption_and_anti-corruption_in_Sudan.pdf

[4] https://www.britannica.com/biography/Omar-Hassan-Ahmad-al-Bashir

[5] https://freedomhouse.org/report/special-report/2022/civic-mobilizations-authoritarian-contexts/Sudan-summary

[6] https://www.cfr.org/blog/sudans-coup-one-year-later

[7] https://carnegieendowment.org/research/2024/10/us-democracy-assistance-sudan-ethiopia

[8] https://www.amnesty.org/en/latest/research/2024/07/new-weapons-fuelling-the-sudan-conflict/

[9] https://www.files.ethz.ch/isn/19131/Complex_Reality_sudan.pdf

[10] https://migration-control.info/en/blog/how-the-european-union-finances-oppression/