Avec une consultation à l'adresse des organes et des sections cantonales, le Comité Directeur du PS a relancé le débat sur les dons des grandes entreprises telles que les banques et les compagnies d'assurance, en vue du Congrès 2016. Pour cela, l'argument est souvent avancé que c'est une adaptation d'un règlement des dons impraticable mis en place en 2012, qui permet l'acceptation des dons des coopératives, mais pas des entreprises avec d'autres formes juridiques. Et que c’est une question de bon sens pour réduire les différences financières avec les partis de droites. Cet argument est profondément apolitique. Car derrière cette proposition motivée par une détresse financière se trouve une question fondamentale sur la compréhension de la politique socialiste.
"L’énergie c'est ce dont nous, les socialistes, avons besoin pour penser contre le courant dans lequel nous nageons" avait l'habitude de dire l'ex-président du PS Helmut Hubacher. Il avait raison à deux égards. Tout d'abord, le socialisme était et est, compte tenu de la domination d'un ordre injuste, le mouvement qui favorise le renversement de cet ordre. Et d'autre part, le PS étant le parti qui lutte pour le peuple défavorisé par le système, ne dépend pas du pouvoir de l'argent, mais du de la lutte commune de ses membres. Cela signifie que inversement; si le PS devait rattraper le pouvoir financier des partis de droite par tous les moyens, il ne serait plus en mesure de faire des politiques socialistes. Naturellement, le PS recevra des fonds des assurances maladies privées, si pour cela il renonce à l'idée d'une assurance de santé publique. Logiquement, le PS obtiendra l'argent des multinationales, quand il ne se battra plus du côté des consommateurs et des consommatrices. Les grandes entreprises ne nous donneront pas leur argent par jeux ou par folie, mais parce qu’elles attendent un retour sur l'investissement.
Les contreparties ne sont pas nécessairement directes. Nos politiciens et politiciennes pourront encore refuser à l'avenir les instructions de la Paradeplatz ou de la pharmaceutique. Mais, la contrepartie est une dépendance structurelle renforcée de la politique en vers l'économie. "L'argent gouverne le monde", comme le dit le dicton. Et, ce qui se passe quand l'argent gouverne librement le monde, nous pouvons l'observer dans la campagne électorale actuelle aux Etats-Unis. La politique dégénère en un casting spectacle démocratique, ou les gros donateurs imposent une politique "pro-business" menaçant les réfractaires de retirer leur argent. Ce système politique a entrainé une profonde crise de confiance en la politique, comme le démontre le succès de Donald Trump ou de Bernie Sanders. Et pour la candidate Hillary Clinton, avoir accepté les fonds de grandes banques est la source de grands embarras. Le fait qu'elle adapte tardivement sa politique en réponse est secondaire. Le sentiment que les milieux économiques sont au-dessus du pouvoir et dictent la politique reste. La gauche se bat exactement pour le contraire. Nous voulons une démocratie dans laquelle le pouvoir politique, à savoir les citoyens et citoyennes, prime sur les milieux économiques et ne sont pas à leurs services. Lutter pour plus de démocratie dans toutes les sphères de la vie c'est se battre avant tout contre le pouvoir du capital.
Avec le lancement de son initiative pour la transparence du financement des partis politiques, le PS a clairement pris position pour une politique propre. De dépendre maintenant de l'argent d'entreprises serait complètement contraire à cet objectif. Nous avons décidé de lancer une initiative pour la transparence car nous voulons savoir à quels intérêts sont inféodés les partis de droites. Pour permettre à la population de constater qu'ils alignent leurs politiques à ce que leurs ordonnent leurs donateurs. L'Initiative pour la transparence ne déclenchera pas de prise de conscience, si le PS reçoit les dons de ces mêmes donateurs. Ce jeu de corruption deviendrait un „business as usual“ de la politique. Quant à la motivation qu'une personne peut encore trouver à faire un don de 50 francs à une organisation qui touche dix mille fois cela d'une banque, c'est une autre question.
Evidemment, le problème de la corruption de la politique ne sera pas résolu par notre refus des dons des banques. La Suisse reste, dans ce qui touche au financement de la politique, une république bananière. Les partis bourgeois se laissent de plus en plus acheter. L'initiative pour la transparence peut, ici, aider à pointer du doigt les dépendances et à rendre transparente notre démocratie. Mais, elle ne peut pas empêcher le pouvoir excessif des multinationales sur la politique. Mais alors que faire? La prochaine étape importante serait la lutte pour le financement public des partis politiques et l'interdiction des dons trop importants. Il ne s’agit pas que de rendre tous les partis égaux en matière de finances, mais aussi de les limiter, pour que les partis gagnent les votations par les idées plutôt que par l'argent. Ce serait le chemin vers une véritable démocratie, ou les égaux décident ensemble de leur avenir commun. Le sauvetage de la démocratie de la corruption par plus de corruption serait d'une part impossible et d'autre part une capitulation indigne du PS.
Fabian Molina, Président de la JSS
29.04.2016