Pas de soutien à l’autoritarisme d’Aleksandar Vučić !

11.09.2020

Réunie en Assemblée des délégué·e·s le 5 septembre dernier, la Jeunesse socialiste suisse a adopté une résolution demandant du Conseil fédéral qu’il condamne les élections du 21 juin 2020 en Serbie et appelle à en organiser de nouvelles, sous menace de rompre l’accord de libre-échange qui lie nos deux pays et de geler les avoirs des dirigeant·e·s serbes.

Lors des élections du 21 juin dernier, le Parti Progressiste Serbe (SNS) mené par le Président de la République Aleksandar Vučić remportait plus de 60% des voix à l’Assemblée Nationale, la Skupština. A cela s’ajoutent encore près de 10% des voix, obtenues par le proche allié de Vučić, le Parti Socialiste Serbe (SPS) d’Ivica Dačić, anciennement mené par le tristement célèbre autocrate grand-serbe Slobodan Milošević, condamné pour crimes contre l’humanité. Si le pays devient, avec le seul résultat du Parti Progressiste, un régime à de facto parti unique, les voix obtenues par les allié·e·s de Vučić lui permettent d’avoir les deux tiers des sièges du Parlement et donc de modifier comme bon lui semble la Constitution. Ainsi, l’autoritarisme jusqu’alors informel de Vučić pourrait bien connaître une traduction légale.

Car qu’on ne s’y trompe pas : la Serbie, depuis l’accession au pouvoir du Parti Progressiste en 2012, se transforme lentement en autocratie. Si la jeune République a connu une relative démocratisation, bien que toujours minée par le clientélisme, suite à la chute de Slobodan Milošević et l’accession au pouvoir de la très large coalition de l’Opposition Démocratique de Serbie (DOS), la situation actuelle est toute autre. En 2020, l’ONG libérale House of Freedom, financée par les Etats-Unis, a mis la Serbie à l’index des pays en “régime hybride”, à mi-chemin entre la démocratie et l’autoritarisme : le fait est notable car Vučić s’est présenté pendant des années auprès la communauté internationale comme un réformiste (néo)libéral modéré, gagnant notamment le soutien inconditionnel du Parti Populaire Européen (PPE) et surtout de Donald Tusk, qui l’a qualifié “d’âme sœur”. Les rapports les plus complets et parlants à ce sujet sont ceux de Reporter Sans Frontières (RSF) et du Balkan in Europe Policy Advisory Group (BiEPAG) publiés ces dernières années et faisant État, entre autres, de la restriction informelle des droits de la presse, passant aussi bien par des agressions physiques et des pressions juridiques que par le phagocytage progressif de la place médiatique serbe. Ainsi, le gouvernement ou ses proches possèdent la majorité des médias télévisuels (RTS, TV Pink) et des titres de presse (Informer, Politika), alors que des journalistes indépendant·e·s comme les reporters de N1 Srbija, financée par CNN, sont systématiquement attaqué·e·s en justice voire agressé·e·s physiquement.

Cette situation s’est sans surprise prolongée durant les élections de 2020. Selon un rapport publié courant août 2020 par la Friedrich Ebert Stiftung, ces élections seraient contestables pour quatre raisons principales. Premièrement, la domination de l’espace médiatique par les partis gouvernementaux : en mars, avant que la campagne électorale ne soit interrompue par la crise sanitaire, les partis proches de Vučić occupaient 91% du temps télévisuel dédié aux questions politiques, puis 61% en mai et 58% durant la phase finale précédant les élections. Deuxièmement, d’importantes pressions auraient été exercées sur les électrices et électeurs, tout particulièrement dans le secteur public (plus de 50 plaintes dans une trentaine de municipalités). Troisièmement, l’utilisation de ressources étatiques dans le cadre de la campagne : c’est par exemple le cas, selon le rapport, de la politique d’hélicoptère monétaire déployée par le gouvernement peu de temps avec les élections, distribuant 100€ (20% du salaire moyen) à tout·e citoyen·ne le demandant. Quatrièmement, l’instrumentalisation de la pandémie : en effet, durant la période de campagne, les nombres de cas et de décès dus au Covid-19 ont soudainement chutés, amenant le gouvernement à annoncer la “victoire” sur la pandémie. Par ailleurs, non seulement ces chiffres sont contestés par le Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), mais le gouvernement a immédiatement annoncé une hausse des cas et des mesures fortement restrictive une fois les résultats des élections connus.

Ces divers éléments de manipulation électorale ont clairement été identifiés par l’opposition, qu’elle soit politique, sociale ou médiatique. La quasi totalité des partis politiques, de l’extrême droite de Dveri à la gauche de l’Union social-démocrate en passant par le Parti Démocratique, ont tous annoncé ne pas se présenter aux élections dans de telles conditions et ont appelé la population à les boycotter. Suite au résultat des élections et à la réintroduction de mesures strictes, d’importantes manifestations ont également eu lieu notamment à Belgrade, où elles ont été réprimées avec une très grande violence par la police. De nombreuses exactions ont également eu lieu, des vidéos de passant·e·s se faisant tabasser par la police ayant fait surface sur les réseaux sociaux.

Peu de temps après les faits, l’Alliance des Socialistes et Démocrates (S&D), Renew Europe et Parti Vert Européen ont activement appelé à la création d’une commission d’enquête indépendante pour les élections en Serbie. A l’opposé, si la Commission européenne et le Parti Populaire Européen (PPE) se terrent dans un mutisme obstiné, certain·e·s membres de ce dernier, Donald Tusk en tête, ont tenu à féliciter personnellement Aleksandar Vučić sur sa victoire.

A l’heure où toute l’Europe s’accorde pour condamner le régime autoritaire d’Aleksandr Lukashenko, la droite bourgeoise fait la sourde oreille à l’autoritarisme croissant de Vučić en Serbie. Pour la Jeunesse socialiste suisse, une telle hypocrisie n’est en aucun cas acceptable : la Suisse doit condamner fermement cette dérive anti-démocratique et œuvrer activement pour de nouvelles élections où tous les acteurs et toutes les actrices de la vie politique serbe soient prêt·e·s à participer. Il faut afficher notre solidarité avec le peuple serbe tout entier !