Plus de surveillance n’amène pas plus de sécurité

22.01.2015

L’attaque contre le journal satirique Charlie Hebdo est une attaque lâche et frontale contre la démocratie, la liberté d’expression et la liberté de la presse. La solidarité que témoignent les peuples de nombreux pays est encourageante, car elle est la preuve que pour beaucoup les libertés fondamentales et les droits de l’homme ne sont pas négociables.
Mais, malheureusement, certains utilisent déjà ces événements tragiques pour justifier et promouvoir un Etat fouineur, et notamment deux lois qui sont en discussion au parlement fédéral. La révision de la loi sur la surveillance des télécommunications et la loi sur le renseignement seraient un pas de plus vers un Etat liberticide. Rappelant les dérives qu’a déjà connues la Suisse avec l’affaire des fiches, où presque un million de citoyens innocents ont vu leur vie privée violée.
Mais notre histoire nous apprend aussi comment éviter le terrorisme et l’extrémisme religieux. A la fondation de l’Etat suisse, en 1848, à la suite de la guerre du Sonderbund, nous sommes parvenus à intégrer les différentes confessions de notre pays. Nous avons, en évitant la discrimination, évité la violence, mettant ainsi fin à plus de cent ans de conflits. Contrairement à la France, la Suisse a, à travers sa démocratie, évité la construction de ghettos et favorisé l’égalité des chances pour chacun. Il est donc important de préserver cette démocratie.
Mais celui qui veut jeter par-dessus bord les libertés fondamentales, la vie privée et les droits de chacun, utilisant ces attaques monstrueuses à des fins politiques, est coupable. D’une part, de faire de fausses promesses, quand il suggère que plus de surveillance empêche les attaques. Il est connu que les deux frères terroristes Kouachi étaient depuis longtemps sous la surveillance des puissants services de renseignement français. Et pourtant, cela n’a pas suffi. De l’aveu même des forces de police allemandes et françaises, plus de surveillance n’apporte pas plus de sécurité.
Deuxièmement, et plus grave encore, en répétant les erreurs des Etats-Unis après le 11 septembre et en réduisant nos libertés, il joue le jeu des terroristes. Car c’est notre démocratie et notre capacité à vivre ensemble qui sont visées par les attentats.
Les terroristes souhaitent voir les droits de l’homme, les libertés fondamentales et tous les progrès du siècle des Lumières et de la démocratie réduits à néant. Et c’est pourquoi nous devons défendre nos droits avec courage et ne pas céder à la peur et à l’intimidation. Ou pour le dire avec les mots de l’écrivain Navid Kermani: «Ayons le courage d’être à la hauteur des victimes et de faire ce qui répugne le plus les terroristes: restons libres!»
Fabian Molina, Président JS Suisse
(L'article était déjà publié dans 24heures.ch)