« Now I’m awake to the world. I was asleep before. That’s how we let it happen. When they slaughtered Congress, we didn’t wake up. When thes blamed terrorists and suspended the Constitution, we didn’t wake up then, either. Nothing changes instantaneously. In a gradually heating bathtub, you’d be boiled to death before you knew it.»
C’est avec ces mots d’Offred que nous ressentons le premier frisson qui ne nous quittera plus durant les dix épisodes de The Handmaid’s Tale, probablement l’une des meilleures séries de cette année. Inspirée du roman éponyme écrit en 1985 par la Canadienne Margaret Atwood, l’histoire se déroule dans un Etat soumis a une dictature religieuse (les Fils de Jacob, république de Gilead) mise en place pour faire face aux problèmes écologiques qui ont rendu la majorité des femmes infertiles conduisant à une baisse drastique du taux de natalité. S’impose alors un système de « caste » où les femmes sont affectées à certains rôles selon leur statut et leur possibilité de procréer : les Marthas, pauvres et stériles ; les Épouses, également incapable d’enfanter mais riches ; les Servantes écarlates, pauvres mais encore capables d’avoir des enfants. Ces dernières ont pour seul rôle d’assurer une descendance à la « race élue ».
C’est dans ce nouvel ordre établi qu’Offred, personnage principal et servante écarlate, nous livre ses pensées les plus intimes. Si cette série est tant prenante, c’est peut-être parce qu’elle ne nous semble pas si fictive. En effet, au premier des épisodes nous découvrons comment ce système, qui paraît complètement archaïque, a pu se mettre en place ; insidieusement mais avec violence. En outre, les évocations de la vie avant la république de Gilead ressemblent à ce que nous vivons aujourd’hui, et cela renforce le sentiment de proximité.
Si cette série terrifie mais hypnotise autant c’est sûrement parce qu’elle semble possible aujourd’hui. En effet, beaucoup d’éléments font échos à l'actualité. Pourtant le roman date de 1985, et c’est bien cela qui effraie le plus ; et si les auteurs de dystopies comme Orwell ou Atwood avaient vu juste ? Atwood le dit elle-même, tout ce qui a été écrit ou mis en scène est inspiré de faits historiques qui se sont produits ; des grossesses forcées de Ceauşescu aux atteintes aux droits des femmes et de la communauté LGBTIQ*. L’élection de Donald Trump en novembre de l’année passée ne fait que renforcer ce sentiment. Les Fils de Jacob, groupuscule religieux qui prend le pouvoir dans la série en renversant le gouvernement américain, peuvent faire penser à certains mouvements de l’alt-right au Etats-Unis dont le nombre ne fait qu’augmenter depuis l’élection du président américain.
Le message de la série (et bien entendu du roman) est profondément féministe, il appelle à la « révolte » des femmes, à la résistance. On sent tout au long des épisodes cette volonté d’Offred de ne pas céder, de ne pas se laisser complètement soumettre. Et si le gouvernement de la république arrive à contrôler la plupart de ses gestes et de ces dires, la protagoniste arrive néanmoins à reprendre une part de liberté en secret. C’est d’ailleurs pour cet aspect de « révolution féministe » que lors de manifestations pour protester contre l’abrogation de l’Obamacare des dizaines de femmes se sont vêtues d’une cape rouge et d’une coiffe blanche, comme les Servantes de la série. Même chose en Pologne pour manifester contre l’arrivée de Trump dans le pays. Devenues un symbole de la résistance féministe, les « Servantes écarlates », semblent parmi nous et ont espère qu’elles et nous avec continueront de lutter.
Pour revenir à la cause de l'infertilité des femmes qui mène à la création de cet Etat, la série ne l’explique pas très clairement mais nous comprenons que c'est un cocktail de catastrophes écologiques et de catastrophes nucléaires qui en serait à l’origine. Nous pouvons facilement supposer que l’auteure du livre s’est inspiré du contexte de la guerre froide durant laquelle la menace nucléaire était importante. Force est de constater qu’aujourd'hui, cette menace persiste avec les récents événements entre les USA et la Corée du Nord. Du point de vue écologie, la crise climatique pouvait sembler encore très loin lors de la parution du livre de 1985. Cependant, actuellement, nous assistons à des catastrophes « naturelles » d’une ampleur encore jamais vue (ouragans Irma, Jose et Katia). Dans Gilead, il est intéressant de remarquer que l'un des arguments pour justifer le système mis en place est la baisse monumentale de la pollution (-78%). La souffrance de certaines personne seraient nécessaire pour le bien et l’avenir de l’humanité.
Une autre caractéristique de ce système, c'est son isolement quasi complet avec le reste du monde. Personne n'en sort ou n'y entre si ce n'est quelques ambassadeurs pour les affaires commerciales. Cette fermeture est présente également au niveau des informations. Personnes, en dehors de Gilead, ne sait réellement ce qui se passe à l'intérieur mise à part quelques rumeurs. A nouveau, nous pouvons observer un parallèle avec notre monde. En effet, de plus en plus de pays se referment sur eux- mêmes à coup de murs. De plus, dans la série, la Bible devient la Constitution au détriment de tous les droits humains et Gilead s’impose comme un Etat souverain et dictatorial. Et cette fois-ci c’est avec la Suisse que nous pouvons faire une relation. En effet, certains partis dont l’UDC souhaiteraient que le droit suisse prime sur le droit international et voudraient se « libérer » de toute justice extérieure alors que celle-ci peut être un garde fou contre ce genre de scénario.
Alors après tous ces éléments, il paraît évident que cette série vaut le détour. Les images sont belles, la musique est prenante et l’histoire profondément féministe. Mais au final, si nous ne devions retenir qu’une chose de cette série : restons vigilants et à l’affût de ce qu’il se passe autour de nous.
Audrey Petoud & Clémence Danesi
JS Vaudoise