No borders, no nations

11.03.2017

Papier de position approuvé lors de l'Assemblée annuelle du 11-12 mars 2017 à Berne.

En Europe et en Suisse, il y a peu de sujets de débat aussi polarisé que celui sur la migration. Cela a été un terrain fertile pour les droites populistes au cours des dernières décennies, car elles ont réussi à exploiter les craintes de la population locale en pointant du doigt les «menaces» de la migration. En manquant d’établir une contre-mesure censée, solidaire et conséquente, la gauche a permis la mise en relief des fantasmes xénophobes de droite, ceux-ci semblant alors offrir des solutions cohérentes et réalistes. Ce document vise à donner une réponse anticapitaliste et antinationaliste à la question de la migration, dans l’optique d’ancrer cette réponse dans la gauche en Suisse et internationale.

La structure de ce document fournit d’abord une analyse de la situation actuelle puis pourvoit une vision alternative socialiste et démontre comment cette vision peut se réaliser. Enfin, il s’agira de discuter d’un plan d’action détaillé.

Relation entre capitalisme mondial et migration involontaire

Dans le discours public et politique sur la migration, l’on fait souvent référence à la distinction entre le «vrai » réfugié et le réfugié «économique». Cette vision est non seulement totalement inhumaine et limitée, mais elle met en lumière la tendance bourgeoise à classer les personnes selon un modèle fictif et simplifié, en facteurs répulsifs ou attractifs. L’existence de ce classement est à peine une coïncidence. C’est un parallèle révélateur qui a une origine systématique plus profonde qui nécessite une approche holiste de la migration.

Tout d’abord, les inégalités mondiales continuent d’augmenter, en dépit de l’augmentation de la prospérité générale. Un groupe toujours plus petit accumule le capital, tandis que 795 millions de personnes meurent de faim[1]. Pour que les riches restent riches, les pauvres doivent rester pauvres de manière systémique. C’est pourquoi le capitalisme ne permet pas à tous de vivre dans la dignité. Pour échapper à la pauvreté, beaucoup sont obligés d’emboîter le pas au capital, ce qui permet au système de perdurer.

Il ne faut pas oublier que le système dans lequel nous vivons exploite les individus, mais aussi l’environnement. La croissance du PIB mondial est directement liée à un accroissement de la consommation d’énergie[2]. Celle-ci implique une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, ce qui a inévitablement un rôle sur le réchauffement climatique. Les conséquences telles que les sécheresses, l’élévation du niveau de la mer, la surpêche, les catastrophes naturelles ou l’accaparement des terres conduisent des millions d’individus dans des conditions précaires. Les bases de leur existence sont en péril, tout comme leur capacité à survivre dans leur foyer. Ce faisant, la migration n’est pas seulement une logique, mais une conséquence.

Ces deux facteurs sont des conséquences impérialistes du capitalisme global[3]. Pour survivre, le capitalisme a besoin que les marchés s’étendent. Pour faire respecter ces intérêts économiques capitalistes, les grandes puissances n’hésitent pas à sortir les armes. Par exemple, lors de la guerre en Irak des années 2000, l’industrie de l’armement a engendré des milliards de bénéfices. L’instabilité de la région et la fondation de l’Etat islamique ont contraint des populations à fuir. Même pour les pays non impliqués, la guerre est lucrative, car ils peuvent en bénéficier directement, par exemple dans l’exportation d’armes. Le capitalisme favorise non seulement la violence pour soutenir ses intérêts économiques, mais permet également aux complexes militaro-industriels de capitaliser sur cette misère.

L’analyse montre que la cause de la migration forcée correspond à notre ordre économique. Cependant l’impact de ce système va plus loin. Le capitalisme exerce non seulement un impact direct sur les causes de la fuite et de la migration des populations, mais aussi quant à la perception de l’individu «migrant» en soi. La gestion raciste de la problématique économique de la migration de la main d’œuvre n’est qu’un instrument pour diviser la classe des travailleurs et travailleuses : les individus sans passeport seront défavorisés face à ceux qui en ont un. Par exemple, sur le marché du travail, la concurrence est exacerbée par un traitement défavorable envers les personnes qui n’ont pas de passeport suisse ou sont dans une situation où le salaire est versé illégalement. Derrière tout cela se trouvent des intérêts économiques. Par conséquent, le régime de migration sert principalement en tant qu’instrument d’oppression.

Autonomie de la migration

La migration ne comporte pas seulement des aspects systématiques, car les migrants et les migrantes ne sont pas les jouets des Etats, de la politique et de l’économie, mais ils sont des personnes avec des besoins et des objectifs individuels. Les migrant.e.s doivent s’adapter aux régimes de migration[4] et développer de nouvelles stratégies. Lorsqu’un Etat ferme ses frontières pour des raisons politiques, les migrant.e.s trouveront toujours un chemin. Le régime de migration va à son tour réagir par des mesures répressives. Il est impossible d’empêcher la migration. Ces régimes poussent les migrant.e.s à devenir invisibles, et à continuer leurs chemins sur des routes dangereuses à travers l’Europe en proie aux passeurs. Cette interaction entre les mesures répressives des régimes de migrations et les stratégies d’adaptation des migrant.e.s est appelées autonomie de la migration.

Quand nous parlons aujourd’hui de la migration, la discussion concerne la plupart du temps les mouvements entre les frontières nationales. Toutefois, la migration peut aussi avoir lieu au sein même d’un Etat. Dès lors, le processus de migration peut dépasser le concept de frontières et peut être aussi culturel, social ou religieux. Cela a conduit au développement de communautés, de société et de cultures.

Or, la stratégie centrale du développement de l’Etat-nation en Europe a consisté à harmoniser la langue, la formation et la manière de vivre. Toutefois, la migration a conduit à une crise de cette définition. Les échanges interculturels qui ont accompagné la migration ont conduit à la création de nouvelles valeurs.

La notion de l’autonomie de la migration tente d’illustrer que la migration n’est pas seulement un flux homogène de personnes, mais une diversité de personnes aux pratiques, intentions et souhaits divers. Tout cela remet en question les politiques et les régimes de migration.

No Borders, No Nations

Un changement important qui a résulté de l’accélération de la mondialisation[5] depuis les années 1970 a été le déplacement des frontières vers l’extérieur – externalisation – et l’intérieur – plus grande surveillance et scission. Cela se démontre avec la liberté de circulation des personnes à l’intérieur de l’Europe, en cessant le contrôle aux frontières et avec lui le contrôle des frontières du territoire des Etats-nations. Ce faisant la surveillance de la population s’est intensifiée, notamment dans le recueil d’informations individuelles de citoyens et citoyennes, et les migrant.e.s ont été sanctionnés de manière dissuasive (pratique de l’expulsion). L’agence de protection des frontières Frontex et les accords avec les pays «gate-keeper» en bordure de l’Europe ont essayé de retenir la migration à la Méditerranée. Les dictateurs comme Erdogan, et anciennement Kadhafi, reçoivent d’immenses sommes d’argent ainsi que des concessions politiques de l’Union européenne (UE) pour ralentir la migration. L’aide au développement est également de plus en plus liée à des accords de réadmission avec l’UE. L’entrée juridique des réfugiés est impossible due à l’obligation d’obtenir un visa et due aux Carrier-Sanctions[6].

Depuis la soi-disant «crise migratoire» de l’été 2015, la libre circulation des personnes a été remise en question. En particulier en ce qui concerne les mesures de protections des réfugiés. Plusieurs pays européens ont d’ailleurs rétabli le contrôle aux frontières. Ces décisions ne s’appliquent pas aux ressortissant.e.s de l’UE. Ceci démontre bien l’ouverture incomplète de cette dernière: des quotas s’appliquent toujours aux individus qui ne viennent pas de l’espace Schengen. Ainsi, les permis de séjour ne sont accordés qu’aux individus hautement qualifiés, ou aux riches qui peuvent l’acheter.

L’asile en tant qu’alternative n’est pas une promesse d’avenir. Ceci est dû au fait qu’aujourd’hui les Conventions de Genève sont la seule production juridique sur l’asile qui soit progressiste, formulée de manière ouverte et qui puisse être interprétée librement. Malgré des lacunes importantes, la gauche doit faire tous les efforts possibles pour obtenir cet ensemble de règles, les élargir un maximum et les rendre obligatoires. Cependant, de nombreux pays, en particulier ceux qui, comme la Suisse, révisent régulièrement leur droit d’asile et le durcissent, sapent et violent les Conventions de Genève. Ainsi, différentes catégories d’individus sont soumises à d’autres obligations et ont d’autres droits, et ne sont plus égales devant la loi. Ceci ne sert qu’aux puissants et nous rend sensibles au chantage.

Analyse du régime frontalier suisse

Les régimes frontalier et de migration de la Suisse suivent aussi les intérêts du capital. Ils sont orientés non seulement vers les besoins économiques liés à la force des travailleurs-euses, est également par le discours (réactionnaire) et la pratique de la résistance. Jadis, lors de l’introduction de la libre circulation européenne, la migration temporaire de la force-travail était au centre de la discussion. Aujourd’hui, l’on discute davantage de «l’intégration» des individus qui ont migré en Suisse. Ces régimes précarisent beaucoup de migrant.e.s.

La migration temporaire a été marquée par de forts préjugés et le désir d’une séparation claire entre la population résidente de manière permanente en Suisse et les travailleurs-euses migrants. Ces personnes ont été isolées dans des baraquements pour les contrôler autant que faire se peut et ont été expulsées si l’on en «sentait» le besoin. Le permis de séjour a toujours été lié à l’emploi (sauf dans le cas de l’asile), or la perte de sa place de travail, un accident, ou la maladie empêchant la poursuite de son activité, ont été des causes suffisantes pour les autorités suisses pour se permettre de renvoyer des travailleurs-euses.

L’introduction de la liberté de circulation des personnes au sein de l’UE a marqué la fin de la migration temporaire. Les effets négatifs des accords bilatéraux de 1999 pour les travailleurs-euses ont été compensés par les mesures d’accompagnement[7]. Toutefois, elles sont une arme protectionniste qui ne parvient pas à briser le paradigme nationaliste dans le débat sur la migration. Depuis lors, «l’intégration» des migrant.e.s a été au centre de la politique. Ainsi, l’on prétend que les personnes qui ne veulent pas s’adapter à une pseudo «culture dominante»[8] et artificielle ne peuvent pas s’intégrer. Pour eux, le séjour permanent en Suisse, par exemple grâce à la nationalisation, est rendu difficile.

Celui qui passe les frontières « illégalement » ou ne correspond pas aux critères d’intégration n’a plus que la possibilité de résider illégalement dans un pays en tant que sans-papier. Ce statut a pour implications de faire ressentir chez les personnes concernées privées de leur droit de l’insécurité et d’inhiber leur volonté de résistance. Cette situation précarise de plus en plus la division sociale et renforce l’exploitation.

Aussi, le lieu de naissance est déterminé arbitrairement. Les droits, les conditions de vie et les chances des individus dépendent du lieu de naissance. Les frontières sont la manifestation de cet ordre. Ils servent à légitimer les différences pour diviser les travailleurs-euses. Pour nous la gauche, il est clair que les formes de frontières nationales et les lois qui les portent sont à combattre.

Surmonter tous les Etats-nations – une utopie nécessaire

Diviser les individus en fonction de leur lieu de naissance aléatoire ou de celui de leurs parents n’est ni logique ni une lutte pour une société meilleure ou plus cohérente. Par conséquent, seule une utopie de gauche antinationaliste fait sens. Le concept de liberté mondiale – qui permet aux gens de choisir librement leur lieu de résidence – est une étape dans la bonne direction. Néanmoins, il atteint vite ses limites : les différences ne sont pas surmontées, par exemple dans le travail. En effet, la concurrence entre les nations reste présente.

Seulement lorsque toutes les formes de frontières seront mises dans les poubelles de l’histoire, les barrières artificielles pourront être enfin définitivement enterrées.

Derrière la guerre et la crise se cache le capital : combattre les causes de la fuite des populations La fin des conflits armés et des bénéfices de l’industrie de l’armement!

Celui qui exporte des armes vers de zones de crises, qui finance la production d’armes, ou exploite l’interventionnisme militaire belliciste, est directement responsable de la mort de personnes. Ce commerce de la guerre crée un intérêt dans les conflits armés et la destruction et doit être interdit. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • L’arrêt immédiat de toutes les exportations de matériel de guerre
  • Une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre
  • Le positionnement de la gauche internationale contre l’interventionnisme militaire belliciste
  • La sortie de la Suisse du Partenariat pour la paix[9]. A la place de cet accord, elle doit mettre en place un plan international pour la résolution des conflits diplomatiques et civils

Mettre les multinationales en laisse

La pression économique est tout aussi destructrice pour les individus que la force physique. Toutefois, dans le cadre des Etats-nations, les mesures prises sont de l’ordre du palliatif. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • Les multinationales doivent être encadrées politiquement et tenues pour responsables de la misère qu’elles causent ou dont elles bénéficient
  • Un système fiscal international, équitable et solidaire, associé à un contrôle et une parfaite transparence
  • Le respect des droits humains et des normes environnementales par les multinationales

Stop à l’exploitation de l’environnement !

Dans les décennies à venir, les changements climatiques et les autres dommages faits à notre planète, dont la fréquence et l’ampleur de ces catastrophes augmenteront, auront des effets négatifs sur les êtres humains. Ce fait est souvent négligé. D’abord, les réfugiés climatiques sont encore aujourd’hui à peine thématisés. Ensuite, ces changements sont étroitement liés au système économique. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • Des mesures visant à protéger l’environnement de grande envergure
  • L’approvisionnement en énergie renouvelable
  • Un contrôle strict de l’exploitation des ressources naturelles

Brick by brick, wall by wall, let the fortress Europe fall: Pour la lutte contre la forteresse d’Europe

La lutte contre les causes de la fuite des êtres humains ne suffit pas. Il faut une autre Europe pour mettre fin à la souffrance qui existe sur les frontières extérieures de l’UE. En effet, la Jeunesse socialiste ne s’engage pas seulement pour les individus qui fuient vers l’Europe ou vers la Suisse, mais pour tous les individus en fuite.

Poursuite et renforcement de la liberté de circulation des personnes au sein de l’UE

La libre circulation des personnes en Europe doit être maintenue et étendue en permanence. Pour qu’elle ne mène pas à une concurrence accrue, les droits des travailleurs et la sécurité sociale absente de toute discrimination doivent être renforcée en Europe. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • La conservation des accords bilatéraux
  • L’extension de la libre circulation des personnes dans les autres pays
  • Le développement des mesures d’accompagnement
  • L’extension de l’harmonisation des conditions des protections sociales des travailleur-euses, en harmonisant le tout vers la norme la plus élevée

L’abolition des frontières extérieures de l’Europe

La forteresse européenne doit tomber. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • La démilitarisation des frontières extérieures de l’UE
  • L’abolition de Frontex
  • La mise en place d’une mission de recherche et de sauvetage en Méditerranée
  • Une résiliation des accords avec les Gate-keeper qui empêche la migration

Chemins de migration sûrs et légaux

Des chemins de migration sûrs doivent être établis. Les femmes* et les LGBTQIA doivent être en particulier protégé.e.s lors de leur fuite et dans leur intégrité physique afin d’atteindre leurs objectifs en toute sécurité. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

Des mesures à court terme :

  • Une allocation accrue de visa humanitaire
  • La réintroduction des demandes d’asile dans les ambassades
  • Un plus grand contingent pour le programme de réinstallation du HCR[10]

Des mesures sur le long terme :

  • La suppression de l’obligation de visa
  • La garantie des voies d’évacuation sûres pour toutes et tous

Réforme du système de Dublin

La situation actuelle démontre l’échec du système de Dublin. Pour qu’une coordination européenne puisse perdurer, l’accord doit être réformé en profondeur. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • Le choix du pays de destination pour les migrant.e.s
  • Une péréquation financière entre les pays qui accueillent de nombreux migrant.e.s et ceux qui ne le font pas. Tant la taille que la performance économique des pays doit être pis en compte.
  • Maintenir et renforcer les droits humains et la primauté du droit dans toute l’Europe comme condition de ce système

Droit de la migration

Le droit de la migration est un droit libéral et doit être étendu pour toutes et tous. Afin de garantir en particulier les droits de tous les demandeurs d’asile, la définition d’un réfugié dans les Conventions de Genève doit être élargie. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • L'inclusion de la persécution fondée sur l'orientation sexuelle et / ou l’identité et la désertion comme raisons pour fuir dans les Conventions de Genève
  • L'inclusion de la fuite collective provoquée par la guerre, les catastrophes climatiques ou la pauvreté existentielle dans les Conventions de Genève
  • La reconnaissance des personnes et de leur protection subsidiaire (admission temporaire) en tant que réfugiés
  • Toutes les personnes ont le droit de se déplacer librement et de s’installer où ils le souhaitent

Beaucoup d’individus ne cherchent pas d’Europe et Suisse une protection, mais un avenir. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • La suppression des quotas
  • L’abrogation des toutes les exigences professionnelles pour les migrant.e.s
  • Dépasser la séparation entre les «vrais» réfugiés et les réfugiés «économiques», et cela doit commencer dans la langue[11]

Personne n’est illégal

Une vie digne et l’accès à la justice sont des droits humains. Or, on refuse souvent ces droits aux soi-disant «migrant.e.s illégaux-ales». L’illégalité n’est pas une condition naturelle des individus, mais le résultat du processus d’exclusion de l’Etat-nation et sa codification dans le droit. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • La reconnaissance collective des sans-papiers
  • L’interdiction de toute expulsion

De la coexistence pacifique : Pour la protection et la participation des migrants

Sous couvert d’intégration, les personnes sans passeport suisse doivent s’adapter à « notre culture » sous menace d’expulsion. En même temps, il leur est refusé avec véhémence de participer à la vie en société. Or, sans la participation, l’on ne peut pas participer pleinement au vivre ensemble.

Pour une classe de travailleurs et travailleuses internationale

Souvent, les travailleurs-euses locaux sont tenus de s’opposer aux travailleurs étrangers – d’après ce motto, les travailleurs indigènes seraient perdants face à la force-travaille étrangère. Dès lors, la gauche suisse et internationale doit s’organiser contre cette ligne de conflit et l’adapter pour que l’on reconnaisse la classe des travailleurs à l’internationale. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • La mise en place d’une Internationale forte, capable de s’imposer et de gauche, la réforme correspondante des alliances existantes et la mise en œuvre de toutes les normes de l’OIT[12], l’expansion du droit des travailleur-euses, quelque soit leurs origines
  • Des contrôles stricts des salaires, la lutte contre le dumping salariale et les mauvais services sociaux, et le dépassement de ceux-ci
  • Ne pas faire de lien entre la résidence et l’emploi

La participation économique pour toutes et tous

Plusieurs pierres sont posées sur le chemin des migrant.e.s et leurs expériences de travail, leurs formations, leurs qualifications académiques étrangères ne sont souvent pas reconnues. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • L’accès pour les migrant.e.s aux universités et aux autres institutions de formation
  • Des cours financés par l’Etat pour les travailleurs-euses pour qu’ils puissent continuer leur formation et leur activité en Suisse

La participation politique pour toutes et tous

Bien qu'une grande partie de la population migrante vit en Suisse et a contribué à façonner la vie quotidienne, ils sont exclus de la possibilité de participer à l’activité politique simplement parce qu'ils ne disposent pas d'un passeport suisse. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • Les droits politiques pour les personnes sans passeport suisse
  • L’introduction du jus soli[13]
  • Une citoyenneté urbaine[14] pour tous les gens qui vivent en ville, quelle que soit leur catégorie de résidence

La participation sociétale pour toutes et tous

La culture dominante n’existe pas, car la culture est labile et n’est pas liée à un endroit. Par conséquent, il est insensé de vouloir imposer «notre culture» aux personnes sans passeport suisse, par une intégration forcée. Nous appelons donc rejeter l'intégration forcée et tendre vers des mesures qui permettent la participation sociale. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • Un financement public pour des cours de langues nationales
  • Un revenu de remplacement pendant les cours, pour que l’apprentissage n’ait pas de conséquence sur l’activité professionnelle

Des ressources disponibles pour les réfugiés

Lorsque les individus viennent d’autres pays, il est évident qu’ils ont besoin de soutien. Ce faisant, la Jeunesse socialiste exige :

  • La reconnaissance systématique des travaux effectués avant l’arrivée en Suisse
  • L’instauration de mesures de soutien pour aider les réfugiés à accomplir leur travail dans leur pays d’accueil
  • Le paiement d’un salaire pour le travail des réfugiés selon les normes du pays d’accueil
  • Un cadre d'échange interculturel
  • L'ouverture de toutes les possibilités de formation pour toutes les personnes et la facilitation du libre accès à ces possibilités de formation
  • La mise à disposition d’hébergement dans le pays d’accueil conformément aux normes appliquées à la population résidente
  • Le soutien financier et logistique des réfugiés
  • Le soutien des pays qui accueillent des réfugiés, par la communauté internationale, si les ressources logistiques citées ci-dessus ne peuvent pas être mise en œuvre, des sanctions lorsque la mise à disposition de ces ressources n’est pas appliquée

Aux peuples, entendez l’appel

Dans le cadre des flux migratoires de ces dernières années, des milliers de personnes se sont engagées volontairement. Ce bénévolat individuel (la plupart du temps) inorganisé peut être considéré comme une manifestation de l'échec de la politique (de gauche). La gauche en Europe a longtemps été sur la défensive, prise dans la contradiction apparemment insurmontable de la protection des travailleurs-euses et la liberté d’établissement. Dès lors, la gauche ne voit que deux groupes qui se font concurrence, alors qu’il n’y a qu’un groupe qui est contenu dans une concurrence systématique : la classe des travailleurs-euses.

L’échec de la gauche dans ce concept de base est d’autant plus grave, car elle est la seule à promouvoir une alternative aux messages populistes de droite. Dès lors, il est intolérable que l’UDC ait le monopole sur le sens de l’interprétation de la migration en Suisse. Chaque mois, ce parti expose une nouvelle «gaffe» ou un nouveau «cas particulier». La gauche doit reprendre du terrain et défier la propagation de la haine et des distinctions qui émanent des partis de droite et des tabloïds. La solution est claire : «prolétaires de tous les pays, unissez-vous» écrivaient Marx et Engels, il y a plus de 160 ans. Cet appel n’a perdu ni sa pertinence ni sa précision. C’est seulement avec une attitude anticapitaliste et antinationaliste cohérente que nous pourrons mettre fin au carnage sur les chemins de la migration, à la concurrence entre les individus et que nous pourrons plutôt les surmonter par la solidarité. La gauche gagnera l’offensive et de la force, seulement si nous nous allions contre les frontières artificielles et que nous nous associons aux individus qui ont perdu aujourd’hui leurs illusions.

Celui qui agit autrement est coupable de l’assassinat de milliers d’individus. Aux peuples, entendez l’appel. L’internationale conquerra les droits humains.


[1] Food and Agriculture Organization of the United Nations (2015): The State of Food Insecurity in the World.

[2] Bundesamt für Umwelt (2005): Wachstum und Umweltbelastung: Findet eine Entkoppelung statt?

[3] Impérialisme : influence d’un pouvoir politique / économique dans une sphère d’influence étrangère. Cela sert souvent à l’application d’intérêts commerciaux ou de revendications territoriales et peut aller jusqu’à une prise de contrôle total

[4] Régime de migration: résumé des pratiques institutionnalisées et des structures qui régissent le champ politique de la migration

[5] Mondialisation: « Processus social de l’internationalisation. Il se réfère à des processus qui sont à l’œuvre dans le monde entier, réduisant ainsi les frontières nationales et reliant plus fortement le monde ensemble », Hall Stuart (1999) : Kulturelle Identität und Globalisierung.

[6] Carrier-Sanctions : punir les transporteurs qui acheminent les personnes sans documents d’immigrations valables.

[7] Mesures d’accompagnement: mesures de protection contre le dumping salarial, qui sont, cependant, faiblement contrôlées aujourd'hui. (Voir Gaillard, Serge / Trunz, Christian (2005). Mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes Dossier 32 SGB, p 5f.).

[8] Culture dominante: concept qui implique une hiérarchisation des cultures, des cultures subordonnées à la culture locale. La plupart du temps, c’est un argument utilisé pour faire polémique contre la migration et les sociétés parallèles. (.. Voir Fondation GRA contre le racisme et l'antisémitisme (2015) La discrimination et la persécution des minorités – Culture dominante)

[9] Partenariat pour la paix: Initiative politique des 28 membres de l’Otan et des 22 pays partenaires, qui a souvent pour but de favoriser les exercices militaires communs („friedenserzwingende Kriegseinsätze“) (vgl. Keel, Irine (2000): Sie reden von Frieden und meinen Krieg. In: Vorwärts – Die sozialistische Zeitung, 03.11.00)

[10] Le programme de réinstallation du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sélectionne les individus particulièrement vulnérables directement dans les zones de crises et les reconnaît en tant que réfugié. Ce statut leur permet de se réinstaller dans un pays tiers. Pour cela, cependant, la réceptivité des Etats est nécessaire. Les quotas annuels se montent seulement à 80'000 places. Le HCR en demande cependant davantage. http://www.unhcr.ch/mandat/dauerhafte-loesungen/resettlement.html

[11] La distinction linguistique entre les migrant.e.s (économiques) et les réfugiés est aussi faite dans cette section. Le terme réfugié a été utilisé parce qu'il a une signification juridique dans les Conventions de Genève.

[12] Règlements de l'OIT: Huit Conventions dans 183 États sont les principes et droits fondamentaux du travail, comme le travail des enfants, le travail forcé et la discrimination. (Voir Scherer, Andreas (2003) : Multinationales et mondialisation, S.211f.)

[13] Jus soli : droits civils acquis non pas par la parenté, mais par le lieu de naissance. (Voir Secrétariat d'Etat pour les migrations SEM (2012): L'acquisition de la nationalité suisse)

[14] Citoyenneté urbaine: la citoyenneté urbaine en adaptant les instruments de politique. Il ne s’agit pas de migration, mais il s’agit de résoudre les problèmes de l’inégal accès aux droits sociaux et de l’inégale distribution des ressources. (Voir Morawek, villes CATHERINE place États Dans: Woz - le journal hebdomadaire, 09:07:15)