Système pénitentiaire : solidarité et soutien plutôt que répression

05.09.2020

Papier de position « prisons » de la JS Suisse

Un système judiciaire fonctionnel est un élément essentiel d’un État bourgeois moderne, étant donné qu’il est chargé de faire respecter les lois en vigueur ainsi que les droits fondamentaux. Il décide ainsi, en cas de conflit entre des individus, des groupes ou l'État, des conséquences de ces conflits et de la manière de rendre justice. Pour la gauche critique à l'égard de l'État, le débat sur le système judiciaire et ses aspects partiels (tribunaux, lois, Ministères publics, police, etc.) a donc toujours été d'actualité.

Au cours des dernières décennies, les majorités bourgeoises de droite ont apporté de nombreuses détériorations au système judiciaire, telles que de nouvelles possibilités d'emprisonner des personnes sans restriction ou le démantèlement des droits des prévenu·e·s. Simultanément aux coupes faites dans l’État social, la répression a été augmentée et les droits des personnes socialement défavorisées s’érodèrent. Jusqu'à présent, la gauche ne s’est que faiblement opposée à cette évolution et n'a pas su y répondre de manière satisfaisante. Ce papier de position devrait contribuer au développement d’une réponse de gauche à ces questions. Il se concentre sur un aspect partiel du système judiciaire, à savoir celui des prisons, puisqu'elles constituent une partie très tangible et visible du système judiciaire.

À quoi ressemble le système pénitentiaire et pourquoi ?1

Bien que la peine de privation de liberté soit une invention relativement récente, les prisons sont devenues aujourd’hui incontournables. Non pas faute d'alternatives ou de meilleures solutions, mais parce que nous avons grandi avec leur existence.

Comment le système pénitentiaire a-t-il évolué ?

Jusqu'au XIXe siècle, les châtiments étaient le plus souvent fort sanglants. Au Moyen Âge en Europe, les individus étaient cruellement torturés et exécutés. Des prisons existaient déjà à cette époque mais elles n'étaient utilisées que pour attendre la peine et non pas en tant que peine en soi.

Les prisons telles que nous les connaissons aujourd'hui sont apparues à peu près en même temps que les États bourgeois2. Ceci n'est pas une coïncidence. Les peines de prison semblaient être des peines moins cruelles que les précédentes. De plus, les prisonnières*ers pouvaient être utilisé·e·s en tant que main-d'œuvre bon marché dans les fabriques naissantes3. Il y avait également un espoir que les personnes ne se conformant pas aux normes ou qui n’étaient pas capitalistiquement exploitables en tant que travailleuse*eur pourraient être ainsi à nouveau rendues socialement acceptables, puis intégrée dans une logique d'exploitation capitaliste. La simplicité et l’égalité superficielle des peines sont d’autres explications à la large diffusion des prisons : être enfermé·e semble être tout aussi mauvais pour toutes et tous, peu importe que l’on soit riche ou pauvre.

Qui est en prison ? Et pourquoi ?

Cela ne devrait cependant pas surprendre que, malgré cette égalité superficielle, la réalité soit quelque peu différente : dans les prisons se trouvent principalement des étrangères*ers et des travailleuses*eurs. Non pas parce que ces groupes de personnes sont plus criminels par nature, mais parce que ces groupes sont plus persécutés et criminalisés. Ils sont, d’une part, poussés par la pauvreté vers la criminalité et, d'autre part, ils ne peuvent pas s’acheter leur libération.Cela est une conséquence du capitalisme qui crée des inégalités de richesse et du nationalisme qui empêche l’intégration des personnes étrangères et les privent de certains droits (travail et droit sociaux).

Quelles infractions sont poursuivies, dans quelle mesure et avec quels moyens relève d’une décision politique. Ce n’est pas un hasard qu’il y ait plus de voleuses*eurs à l'étalage que de fraudeuses*eurs fiscales*aux4 dans nos prisons. La soustraction fiscale et les autres crimes des capitalistes, qui coûtent des millions à la société, sont poursuivis de manière beaucoup moins systématique que d’autres crimes qui sont en comparaison relativement moins graves. Ce faisant, l'État façonne à son tour notre image du « crime » et des « criminel·le·s » de manière décisive. Ainsi, si nous pensons plutôt à des « criminel·le·s étrangères*ers » qu’à des banquières*ers criminel·le·s lorsque nous entendons le mot « criminalité » ou « criminel·le·s », c'est principalement une conséquence de qui est criminalisé·e en premier lieu.

La criminalisation des personnes issues de la migration est encore intensifiée par le profilage racial5. La législation se montre particulièrement discriminatoire envers les étrangères*ers : environ 1/6 de toutes les condamnations pénales en Suisse se fondent sur la Loi sur les étrangers, par exemple en définissant l’illégalité d’un séjour en Suisse6. De telles condamnations à l’encontre de Suisses·ses ne sont que très rares. Le concept de détention administrative est particulièrement scandaleux. La loi sur les étrangers autorise les autorités à maintenir en détention des demandeuses*eurs d'asile débouté·e·s et des personnes sans permis de séjour pour une durée maximale de 18 mois, cela sans qu'elles et ils n’aient commis la moindre infraction. Cette détention sert souvent à inciter demandeuses*eurs d'asile débouté·e·s provenant de pays sans accord de réadmission à rentrer « volontairement ».

Qui plus est, les procédures pénales en elles-mêmes présentent des chances extrêmement inégales : les riches peuvent se permettre les services des meilleur·e·s avocat·e·s, voire même d’avocat·e·s tout court. 95 % des procédures pénales sont conclues par les Ministères publics par voie d'ordonnance pénale sans aucune audience de tribunal. Ainsi, le Ministère public décide lui-même quelle peine sera imposée. S'il n'y a pas d'audience de tribunal, il n'y a donc une possibilité amoindrie pour les condamné·e·s de se défendre, car administrativement contraignante, difficile d’accès pour la majorité de la population et rendant inexploitable dans les faits, le droit d’être entendu·e. Cela est plus efficient pour l'État, mais celles et ceux qui ont une connaissance moindre des langues nationales, des troubles psychiques ou d'autres besoins spécifiques perdent ainsi toute protection juridique. Les personnes pauvres et les étrangères*ers sont aussi plus souvent placé·e·s en détention provisoire, soit parce qu'elles et ils n'ont pas la possibilité de de garantir des suretés nécessaires, soit parce qu'un « risque de fuite » est automatiquement présumé8. De même, les étrangères*ers sont plus souvent arrêté·e·s pour des délits mineurs. Pour des peines plus longues, elles et ils sont bien plus souvent emprisonné·e·s dans des établissements fermés et ne bénéficient pas de libération anticipée9 la plupart du temps.

Quels sont les effets que les prisons sont censées produire et lesquels produisent-elles réellement ?

Les prisons sont justifiées dans une société bourgeoise par trois raisons : elles doivent dissuader, servir de représailles et protéger la société.

Si les prisons préviennent la récidive est une question controversée, car beaucoup de prisonnières*ers libéré·e·s retombent dans la délinquance10. Des sanctions plus sévères sont dans la plupart des cas contre-productives. L’incarcération a un effet négatif sur le mental des détenu·e·s. De plus, les prisons pour hommes renforcent souvent les représentations toxiques de la masculinité et les modèles de comportement en résultant11. En prison, on n'apprend pas à vivre une bonne vie au sein de la société mais uniquement à survivre dans le milieu carcéral. Ce système représente un énorme fardeau également pour les enfants des prisonnières*ers. 9000 enfants vivent aujourd’hui séparés d'un parent détenu. Deux tiers de ces enfants développent un trouble du comportement pendant la période d’incarcération de leur parent et un tiers souffre de troubles physiques12. L'emprisonnement d'un parent peut donc sérieusement affecter la vie des enfants.

L'effet dissuasif - c'est-à-dire un effet préventif sur l'ensemble de la société –, qui est lui aussi volontiers mentionné, est quasi inexistant13. De nombreux délits sont commis dans le feu de l’action14, ce qui fait que le risque d'une éventuelle sanction n’ait guère d’effet dissuasif. Aucune infraction n’est commise parce que sanctionnée. De plus, les délinquant·e·s ne font guère de calcul de rentabilité entre le niveau de la peine et le bénéfice tiré de l’infraction. Des raisons structurelles jouent, elles, toutefois un rôle. Les facteurs explicatifs du comportement criminel peuvent notamment avoir des origines structurels, tels qu’un accès restreint à la formation, de modestes revenus, la discrimination, le chômage, ou d’autres circonstances façonnant la vie de la personne délinquante. Toutes ces raisons structurelles sont socialement influencées. Qui plus est, d'autres réalités telles que la maladie ou la dépendance peuvent également conduire une personne à la délinquance.

En tant que moyen de représailles, les prisons sont effectivement adaptées. Néanmoins, combattre un mal par un autre mal est un mauvais principe pour une société. De l'infliction d'un mal, rien ne peut sortir de positif.

Le système carcéral actuel ne contribue en aucune façon à créer une société plus sûre ou plus juste. Il sert avant tout à préserver l'État bourgeois et à contrôler les opprimé·e·s.

À quoi pourraient donc ressembler les prisons ?

Une véritable resocialisation dans les prisons pourrait avoir des effets positifs. Elle a toutefois de moins en moins lieu, en raison du démantèlement de l'État social. Bien sûr, nous rejetons la resocialisation en tant que moyen de réintégration des individus dans une logique capitaliste d'exploitation. Nous trouvons néanmoins inacceptable de laisser des personnes pourrir en prison.

Certains États, dont la Norvège, disposent déjà de structures pénitentiaires qui laissent aux détenu·e·s une grande liberté, même pendant leur incarcération. Ce qui devrait constituer la peine ne sont pas les conditions d'emprisonnement, mais la simple privation de liberté.

Cela implique que les détenu·e·s préparent fréquemment leurs propres repas, qu'elles et ils disposent d'une plus grande liberté de mouvement et qu'elles et ils peuvent organiser elles et eux-mêmes leur emploi du temps en fonction de leur travail et de leurs loisirs. L'évolution du taux de récidive parle en faveur du modèle norvégien, car le pourcentage de récidive norvégien, 20 %, est nettement inférieur à celui des États ayant un système plus restrictif (fréquemment autour des 50%). En Suisse, le modèle de la semi-détention15 (pour certains délits) est bien établi, ce qui a également conduit à un taux de récidive plus faible (38%).

À court et moyen terme : pas d'emprisonnement en tant que représailles et traitement équitable des détenu·e·s

Notre approche idéale des comportements socialement nuisibles ne peut être mise en œuvre dans un État bourgeois. Pour autant, il existe tout de même de la place pour des réformes positives et il est nécessaire d’éviter de plus amples détériorations du système actuel.

Conditions de détention

Le nombre de personnes enfermées est en constante augmentation16, cela à cause de diverses raisons. D'une part, les bourgeois·e·s ont fixé dans la loi des peines plus élevées et ont rendu à nouveau possible les plus courtes peines privatives de liberté. D’autre part, les libérations conditionnelles sont désormais plus rarement accordées17.

Nous revendiquons en conséquence :

  • Une renonciation au projet d’« harmonisation des peines » proposé par le Conseil fédéral, qui prévoit des peines plus longues.
  • Un standard renouvelé de libération des prisonnières*ers après 2/3 de la peine.
  • Le retour à l’interdiction des courtes peines privatives de liberté, car ces dernières ne permettent ni resocialisation ni protection de la population.
  • Un recours accru aux alternatives à la prison, notamment au travail social, au traitement psychiatrique ou à l'assignation à résidence.

À l’heure actuelle, il n'y a heureusement pas encore de centre de détention privé en Suisse, bien que cela soit légalementpossible. D'autres secteurs du système pénitencier, par exemple le transport entre établissements, sont néanmoins déjà assurés par des entreprises privées. Un simple regard sur d'autres pays montre ce que des privatisations du système pénitentiaire peuvent faire sous le capitalisme - une maximisation totale du profit aux dépens des personnes emprisonnées. Les prisons privées ont également pour conséquence que les prisonnières*ers restent enfermé·e·s le plus longtemps possible afin de maximiser les profits. Les directrices*eurs de prison disposent d'une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne la durée des peines de prison et peuvent, par exemple, compliquer une libération anticipée. C'est pourquoi, il est si important que le système pénitentiaire ne se retrouve pas en mains privées.

Nous revendiquons en conséquence :

  • Une interdiction des prisons privées.
  • L’interdiction de faire des profits avec des centres de détention.
  • Une renationalisation, au sein du système pénitencier, de tous les services fournis par des entreprises privées.

Avant toute condamnation, les prévenu·e·s sont placés en détention provisoire. Les conditions carcérales y sont souvent catastrophiques : pas de contact avec le monde extérieur, pas de possibilités de travailler et seulement une heure par jour en dehors de la cellule. De plus, la détention provisoire peut être sans limites prolongée. Ces conditions de détention entraînent un taux de suicide élevé18.

Nous revendiquons en conséquence :

  • Un assouplissement général des conditions de détention provisoire, en particulier une réduction massive du temps d'enfermement à huit heures par jour.
  • Une limitation de la durée à un maximum de six mois, au lieu de la possibilité de prolonger la détention provisoire indéfiniment.

Lors de la privation de liberté de personnes en raison de leur dangerosité (ce qu'on appelle les « mesures de sécurité »), la durée de l’incarcération peut être prolongée aussi souvent que souhaité. Cela conduit souvent à ce qu'une personne reste en captivité bien plus longtemps que sa peine réelle. La manière de déterminer la dangerosité d’une personne est déjà problématique.Le résultat peut souvent être très différent, selon quel·le expert·e en est chargé·e. En outre, la dangerosité est fréquemment largement surestimée en raison de la stratégie du risque zéro. Ce problème est aggravé par l’utilisation d'algorithmes qui suggèrent que la dangerosité d'une personne peut être déterminée sur la base d'un schéma uniforme. De surcroît, les résultats de ces examens sont souvent considérés comme des vérités absolues. Au lieu de proposer des thérapies aux individus, ces derniers sont enfermés, en partie parce que les places de thérapie manquent.

Nous revendiquons en conséquence :

  • La promulgation de mesures de sécurité (privation de liberté en raison d’un danger pour la société) uniquement pour des crimes extrêmement graves.
  • L’évaluation des mesures par plusieurs expert·e·s indépendant·e·s et alternant·e·s.
  • La création d'un nombre suffisant de places de thérapie, incluant une formation de qualité pour le personnel.
  • Un contrôle accru des expert·e·s en prescrivant qu'elles et ils soient accompagné·e·s d’un·e avocat·e lors des expertises.
  • La suppression de la possibilité de prolongement d’une mesure.
  • La mise en œuvre de ces mesures de sécurité dans un cadre fondamentalement différent de celui qui prévaut actuellement, qui devrait être très similaire à la vie en dehors de prison 19.
  • L'interdiction de transformation rétroactive d'une peine en mesure.
  • L'annulation obligatoire d'une mesure si aucune place de thérapie n'a été trouvée après six mois.

En général, la prise en charge des personnes souffrant de maladies psychiques doit être améliorée : les dernières recommandations du Comité des droits de l'homme des Nations unies adressées à la Suisse l’enjoignent à n'utiliser la détention qu'en dernier recours20.

Nous revendiquons en conséquence :

  • Un recours accru à des alternatives ambulatoires et limitées dans le temps à la privation de liberté en institution.

Comme précédemment décrit, le système judiciaire en Suisse est profondément empreint de racisme et de xénophobie. Les personnes vicimes de racisme et de discriminations sont visés par davantage de contrôles et de poursuites, et peuvent moins bien se défendre.

Nous revendiquons en conséquence :

  • La suppression de tous les délits spécifiques aux étrangères*ers, à court terme au moins celui de « séjour illégal », qui concerne les demandeuses*eurs d'asile débouté·e·s et les sans-papiers.
  • Un accès non discriminatoire aux alternatives à la prison et à la libération conditionnelle pour les ressortissant·e·s de tous les pays ainsi que pour les apatrides.
  • La suppression de la détention administrative.

Conditions de détention

En tant que société, nous avons fortement intérêt à ce que l’accent soit placé sur la resocialisation dans les établissements pénitenciaires. Le temps passé en prison doit être organisé de manière à ce que les détenu·e·s puisse avoir une chance de mener une vie normale par la suite.

Nous revendiquons en conséquence :

  • Un recours accru aux mesures de resocialisation 21 qui visent à aider les personnes à être autonome et à leur permettre de mener une vie autodéterminée.
  • Une interdiction de discrimination sur la base d’antécédents judiciaires.

Pour les proches et en particulier les enfants des détenu·e·s, l’incarcération est très stressante et néfaste. Ce report de la peine sur les proches des détenu·e·s ne doit pas être une conséquence de notre système judiciaire. Nous revendiquons en conséquence :

  • La plus grande proximité possible entre le lieu de détention et le précédent lieu de vie.
  • La création de salles de visite adaptées aux enfants.
  • La possibilité du maintien de contacts réguliers, en particulier lors de la détention provisoire.
  • Le droit à la sexualité et à l'intimité.

Situation des femmes* et des personnes queer en prison

Les prisons pour femmes* sont sans cesse confrontées au problème de la surpopulation carcérale. En 2018, par exemple, 45 places manquaient en Suisse22. Cela a pour conséquence que certaines femmes se retrouvent sur des listes d'attente et sont placées dans des prisons régionales ou de détention provisoire dans lesquelles très peu, voire aucune femme, n’est détenue. Étant donné qu’une séparation stricte entre les femmes et les hommes est de mise en prison, cela débouche à l’isolation partielles des femmes. Puisque la masculinité toxique prédomine dans les prisons, une rencontre entre les personnes de sexes différents peut se terminer de manière fatale. Des détenues sont enfermées jusqu’à 23 heures par jour dans des cas extrêmes. Pour les personnes trans, les décisions sont souvent prises sans considération de leur identité de genre, qui est systématiquement ignorée. Dans ce domaine, une exception positive est à trouver dans la loi sur les établissements pénitenciers du canton de Bâle-Ville, qui respecte l'identité de genre des détenu·e·s23 depuis 2019.

Nous revendiquons en conséquence :

  • Une approche ciblée de la masculinité toxique, car elle est la cause de nombreuses infractions violentes.
  • Une garantie d’un nombre suffisant de places en prison pour tous les sexes, comprenant, dans la mesure du possible, des heures de sortie respectant la dignité humaine, et des possibilités d'échange et de formation.
  • La liberté de choix pour les personnes trans quant à la prison dans laquelle elles seront placées.
  • La création d’un centre d’accueil indépendant au sein de la prison pour les cas de violences sexualisées, ainsi que pour les discriminations fondées sur l'orientation et l'identité sexuelles.

Des problèmes majeurs sont également à observer dans le domaine du travail en prison. Ce dernier est en majorité répétitif et mal payé. Le salaire journalier moyen s’élève à environ 26.-. Par conséquent, ces emplois servent par-dessus tout les capitalistes, qui ont ainsi accès à une main-d'œuvre bon marché.

Nous revendiquons en conséquence :

  • La possibilité d’avoir un travail satisfaisant et une formation reconnue, dans toutes les prisons, et ce quelle que soit l'infraction commise par la personne incarcérée.
  • Une rémunération du travail selon les tarifs en vigueur dans le reste de la Suisse (avec la prise en compte de la prévoyance vieillesse).
  • La levée de l'interdiction pour les prisonnières*ers de s'organiser syndicalement et de faire grève.
  • La suppression de l'obligation de travailler, en particulier après l'âge de la retraite.
  • La possibilité de créer une épargne au-delà de l’actuel maximum d'environ 600 CHF.

Les conditions de vie des personnes en détention de haute sécurité sont particulièrement dramatiques. Elles sont complètement isolées de leurs codétenu·e·s et parfois également du personnel pénitentiaire. Officiellement, cet emprisonnement ne peut être ordonné que pour protéger des prisonnières*ers ou des tiers, mais en réalité, il est souvent infligé à titre de sanction et parce que les prisons peuvent exiger plus d’argent pour cette prestation que pour une incarcération standard. Les risques de troubles de la santé mentale sont considérablement accrus dans les quartiers de haute sécurité. L'apathie, l'anxiété, les délires, la paranoïa, les dépressions, l'agressivité, les troubles cognitifs, les troubles de la perception et les psychoses sont signalés comme de potentielles conséquences.

Nous revendiquons en conséquence :

  • À court terme : la limitation de la la détention de haute sécurité à un maximum de deux semaines.
  • À court terme : Le transfert en quartier de haute sécurité ne doit pouvoir être décidé que par un tribunal et la peine ne peut être imposée aux personnes atteintes d'une maladie psychique.
  • À moyen terme : L'abolition de la détention de haute sécurité, en tenant compte de la sécurité des autres détenu·e·s et du personnel.

La protection juridique en prison est souvent insuffisante, voire absolument inexistante. Les textes juridiques sont rédigés dans une langue qui n'est souvent pas compréhensible pour les personnes concernées. Les délais de recours sont souvent très courts. Les prisonnières*iers n'ont pas non plus accès à des avocat·e·s et craignent des répressions supplémentaires, si elles et ils se défendent. Un appel n'a pas d'effet suspensif et souvent le verdict ne tombe qu'après la détention ou beaucoup trop tard. Les personnes concernées ont alors déjà souffert pendant des mois de ces abus.

Nous revendiquons en conséquence :

  • Un accès gratuit à une assistance juridique indépendante et à des interprètes pour les détenu·e·s.
  • Une extension substantielle des délais de recours.
  • L’indemnisation financière de celles et ceux qui ont été sanctionné·e·s de manière injustifiée par une mesure disciplinaire.
  • À long terme : assistance aux victimes et autodétermination en cas de nécessité de détention

Nous sommes convaincu·e·s que, dans la société à laquelle nous aspirons, le nombre d’infractions va diminuer de manière significative. Premièrement, parce que les besoins matériels de toutes et tous seront satisfaits ; deuxièmement, parce que la fréquence et la gravité des maladies mentales diminueront en raison d’une réduction de la pression liée à la performance; troisièmement, parce qu’avec l'égalité de toutes et tous, le nombre de crimes haineux24 réduira ; et quatrièmement, parce que de nombreux actes qui sont actuellement considérés comme des infractions ne le seront plus (par exemple, la consommation de cannabis).

Un reliquat de comportements socialement nuisibles demeurera toutefois, qu’on le veuille ou non. Nous ne voulons néanmoins pas exercer de représailles dans la gestion de ces comportements, car les représailles n'aident ni la victime ni l'auteur·e du délit, mais servent seulement à équilibrer une injustice par une autre. Notre objectif est que les dégâts soient réparés autant que possible et d'aider les victimes. Cela peut être accompli par le biais d'une aide étendue aux victimes ou d'autres possibilités. Dans le meilleur des cas, on peut obtenir de véritables remords de l'auteur·e et un changement de son comportement sur le long terme. Cela peut être accompli par le biais d'une aide étendue aux victimes ou par d'autres possibilités. La justice transformatrice25 est ici pensée comme une possibilité prometteuse. Dans tous les cas, le principe suivant doit faire foi : la simple application d’une seule et unique méthode pour tout le monde ne peut fonctionner. Une distinction doit être faite en fonction de la situation personnelle de la ou du délinquant·e et de la victime.

En outre, la compréhension d'un crime comme étant une défaillance individuelle – depuis longtemps présente dans les sociétés occidentales, mais encore renforcées par le néolibéralisme - devrait être combattue. Tout individu est un produit de la société. La criminalité découle principalement des structures sociales et est renforcée par celles-ci. Cela doit jouer un rôle lors du jugement des infractions. Les structures qui forcent ou encouragent la criminalité doivent être modifiées. Car il est clair pour nous que ce ne sont pas des places de détention supplémentaires qui créent une plus grande sécurité, mais la sécurité économique, les investissements - par exemple - dans la formation et la garde d’enfants, tout comme la promotion de la participation sociale de tous les groupes de la population.

Notre vision est en conséquence :

  • Un accent mis sur la recherche de changements durables de comportement plutôt que sur des représailles aveugles. Les besoins des victimes doivent également prendre une place importante
  • Une reconnaissance de la coresponsabilité des structures sociales dans les infractions et la promotion accrue de la participation sociale de toutes et tous.

Dans certains cas, toutefois, une restriction de la liberté de mouvement demeura malgré tout probablement inévitables. Nous ne voulons cependant pas les utiliser explicitement en tant que peine, mais exclusivement en tant que protection des tiers. Mais même cela ne peut se faire que dans un cadre clair de l'État de droit et devrait être le dernier recours pour la protection de la société. La vie quotidienne à l’intérieur des institutions carcérales ne devrait, dans la mesure du possible, pas être différente de la vie quotidienne dans le reste de la société et l’offre thérapeutique doit être élargie.

1 Sources, qui ont été utilisées de manière répétée pour l’entier du papier de position : Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975 ; Karl-Ludwig Kunz, Kriminologie, 2011 ; Stephan Bernard, Ungleiches Strafrecht für alle, in : Revue Pénale Suisse, 2017 ; Thomas Galli : Neuordnung des Strafrechts mit sanfter Vernunft ; Cathy O’Neil, Algorithmes : la bombe à retardement, 2018

2 Simultanément au renforcement de la discipline dans l’ensemble de la société dans les écoles, fabriques, hôpitaux, etc.

3 Ce qui est également important d’un point de vue syndical : dès le XIXe siècle, des travailleuses*eurs affirmaient que le travail carcéral comprimerait leurs salaires.

4VoirStatistiques Pénales Annuelles du Conseil de l’Europe, p. 45

5 Profilage racial : Les personnes sont, en raison de la couleur de leur peau, plus souvent contrôlées par la police et plus rapidement soupçonnées d’avoir commis une infraction.

6 Statistique des condamnations pénales, 2018

8 Le risque de fuite est l'une des conditions devant être remplies pour qu’une détention provisoire soit possible.

9Christoph Urwyler, Die Praxis der bedingten Entlassung, Berlin/Bern 2020, p. 290 ; Christin Achermann, Ausländische Strafgefangene zwischen Resozialisierung und Wegweisung, in : Alberto Achermann (Hrsg.) Jahrbuch für Migration 2014, p. 69 ss., p. 93 ss.; https://www.srf.ch/news/schweiz/schweizer-strafvollzug-warum-die-zahl-der-haeftlinge-zugenommen-hat

10Andrea Baechtold/Jonas Weber/Ueli Hostettler, Strafvollzug, Bern 2016, p. 40.

11 Masculinité toxique : représentations nuisibles aux hommes. Par exemple, que l’on doit en tant qu’homme si possible ne jamais montrer d'émotion. Cela conduit les hommes à réprimer leurs sentiments au lieu de les gérer. Ces représentations nuisent aux hommes eux-mêmes, mais aussi à leur environnement.

12 Céline Morisod, L’intérêt supérieur de l’enfant et le maintien des relations avec son parent incarcéré : Enjeux, difficultés et perspectives au regard d’intervenants, p. 14 s.

13Ulrich Eisenberg, Kriminologie, München 2005, p. 588.

14 Par dans le feu de l’action est entendu un mouvement émotionnel intense qui est généralement de courte durée. Cela peut s'agir d'émotions diverses, par exemple, la confusion, la peur ou la colère.

15 Dans un régime de semi-détention, moins de mesures contre l'évasion sont prises. Les détenu·e·s peuvent, par exemple, normalement aller travailler et retourner le soir de manière autonome en prison.

16 Statistique de la privation de liberté, 2019

17 Christoph Urwyler, Die Praxis der bedingten Entlassung, Berlin/Bern 2020, p. 132

18https://www.humanrights.ch/de/ipf/menschenrechte/freiheitsentzug/u-haft-verhaeltnismaessigkeit-rechtswirklichkeit

19 Cela est déjà mis en œuvre, en Allemagne, dans une certaine mesure sous le terme d’Abstandsgebot.

20 Human Rights Committee, Concluding observations on the fourth periodic report of Switzerland, paragraphe 39

21 Des mesures qui visent à aider les personnes à trouver après la prison leur place dans la société. À titre d'exemple : formation continue, thérapie, activités sociales.

22https://www.aargauerzeitung.ch/schweiz/zu-wenig-platz-fuer-frauen-in-haft-monatelanges-warten-auf-gefaengnisplatz-133548339 (consulté le 7.8.2020).

23https://www.tgns.ch/wp-content/uploads/2019/11/19-11-13_Justizvollzugsgesetz.pdf (consulté le 8.8.2020).

24 En tant que crimes haineux sont considérés les infractions dans lesquels la victime est sélectionnée sur la base de son appartenance (présumée) à un groupe social ou de son sexe, par exemple les infractions envers les femmes*, les personnes queer, les sans-abri, les handicapé·e, les étrangères*ers, etc.

25 La « justice transformatrice » désigne une justice qui vise à modifier les comportements et qui repose sur quatre piliers fondamentaux : a) soutien et sécurité collectifs et autodétermination des personnes concernées ; b) responsabilité et changements des comportements de la personne ayant eu recours à la violence ; c) développement de la communauté vers des valeurs et des pratiques dirigées contre la violence et l'oppression ; d) changements structurels et politiques des conditions qui rendent la violence possible. https://www.transformativejustice.eu/wp-content/uploads/2017/07/toolkit-finished-1.pdf